Elimane Haby Kane, expert en Gouvernance : « On ne peut pas dire aujourd’hui que les ressources naturelles appartiennent réellement au Sénégal »

M.Elimane Haby Kane, expert en Gouvernance–Développement international et management de projet et responsable de la thématique gouvernance à Oxfam au Sénégal, animé une conférence sur le Thème: « La Gouvernance des ressources naturelles au Sénégal ». Ceci est dans le cadre des « samedis » de l’économie, organisé par L’Africaine de recherche et de coopération pour le développement endogène (ARCADE) et la Fondation Rosa Luxemburg. Selon le conférencier, les ressources naturelles du Sénégal n’appartiennent pas réellement au peuple.

« On se rend compte que l’Etat gagne très peu dans le secteur minier, c’est 1.5% des recettes du budget, c’est presque rien et donc que les revenus générés par ce secteur ne reviennent vraiment pas au peuple. On ne peut pas dire aujourd’hui que les ressources naturelles appartiennent réellement au peuple du Sénégal », explique le conférencier.
M. Elimane Haby Kane de poursuivre : « Ce n’est pas encore une réalité que les ressources naturelles du Sénégal appartiennent au peuple parce que tout simplement sur la question de la propriété, on n’est pas encore souverain dans le secteur parce que tout est contrôlé par les entreprises étrangères.

C’est elles qui peuvent nous dire : qu’est-ce que nous avons dans notre sol ou bien en haute mer ?, c’est elles qui peuvent nous dire : quelle est la quantité de ce potentiel de réserves ?, c’est elles qui ont les moyens pour les exploiter ; c’est elles qui amènent l’argent aussi pour investir et exploiter. Donc, on n’a pas encore cette propriété-là qui appartient au peuple parce que l’Etat n’a pas encore mis en place une organisation qui puisse permettre à ce que le peuple se retrouve dans la propriété réelle de ces ressources ».

Dans ses recommandations M. Kane estime, il faut qu’ils revoient le cadre institutionnel parce que Petrosen est la seule entité qui fait tout dans le secteur, qui représente l’Etat, qui est partie prenante dans l’entreprise qui gère et qui exploite, qui gère aussi le parc sédimentaire, qui fait la promotion, la commercialisation, qui fait aussi le contrôle.
« Nous devrions pouvoir éclater le cadre institutionnel, créer de nouveaux cadres, créer une chaîne de responsabilité, différencier l’octroi des contrats, la participation à l’exploitation et la production, la gestion du transport, les autres acteurs de la chaîne de valeur et le contrôle, la régulation, tout ceci doit être éparpillé dans plusieurs institutions pour qu’on puisse avoir de l’équilibre à ce niveau ? Donc, c’est pour cela que je dis que la situation de Petrosen est anormale, il faut voire ça », martèle le conférencier.

Il précise qu’Il faut que l’Etat s’organise pour rendre ce secteur beaucoup plus souverain par la maîtrise de l’initiative et la maîtrise du financement. « L’Etat n’a pas encore les moyens de contrôler les opérations pétrolières, gazières de ces grandes entreprises. Le pétrole, ça se passe en Offshore, qui va aller voire si réellement les puits en haute mer respectent certaines choses. Est-ce que la production qui est déclarée, c’est réellement ce les gens tirent de notre sous-sol là-bas ? », dixit le conférencier.

D’après le document remis à la presse, la gouvernance des ressources naturelles au Sénégal fait l’objet de grandes controverses, surtout depuis la découverte de pétrole et de gaz, avec l’implication du frère du président de la République. Et parmi les sources principales de ces controverses il y a les circonstances dans lesquelles les contrats ont été signés avec les compagnies étrangères engagées dans la recherche offshore et dans l’exploitation éventuelle de ces ressources. Et aussi, il y a également le flou autour de la part réelle de l’Etat du Sénégal dans les revenus qui seront tirés de cette exploitation.
« A cet égard, le cas des industries extractives est un exemple qui ne pousse pas à l’optimisme. En effet, l’exploitation des mines du pays a eu peu de retombées pour l’Etat et les populations locales, de l’aveu du ministère des Mines et de l’Industrie. Selon celui-ci, les retombées issues de l’exploitation minière pour le pays ont été très faibles, voire dérisoires, au cours de la période 2007-2012.

Cela est dû, entre autres, aux nombreuses exonérations qui ont fait perdre plus de 400 milliards F CFA au pays pendant cette période. C’est en partie pour corriger cela qu’un nouveau Code minier a été adopté en novembre 2016. Mais sera-t-il plus efficace ? », mentionne-t-on dans le document.

La source souligne qu’il faut rappeler que l’accaparement des terres et la question des ressources halieutiques, avec les accords de pêche, souvent décriés par les acteurs de la filière, continuent de susciter des résistances de la part des populations et des mouvements sociaux. Et la source de préciser : « Par-delà ces critiques, l’opinion la plus répandue est que la plupart des ressources du pays sont bradées aux investisseurs étrangers, avec la complicité de l’Etat et de puissants lobbies. Cela expliquerait le fait que le Sénégal ne tire pas assez profit de ses ressources naturelles, surtout au moment où on parle d’« émergence » ».

Saër DIAL

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