Donner du piquant aux marchés grâce à des normes garantissant un commerce plus équitable

Les normes alimentaires du Codex Alimentarius renforcent la confiance des consommateurs et ouvrent des marchés aux agriculteurs et aux producteurs.

Christophe Colomb était en réalité parti en quête des épices exotiques des Indes orientales lorsqu’il a découvert les Amériques. L’erreur commise par le célèbre explorateur il y a plus de cinq siècles n’est qu’un exemple parmi d’autres qui illustre comment l’engouement pour les épices a laissé son empreinte, souvent de manière violente, sur l’histoire d’une grande partie du monde.

De nos jours, qu’on choisisse de les piler avec un mortier et un pilon, de les faire mijoter dans un ragoût ou de s’en servir pour agrémenter des gâteaux, les épices que nous utilisons font tout autant partie de notre identité culturelle que nos langues, nos chansons préférées ou nos équipes de sport favorites.

Toutefois, comment les consommateurs d’aujourd’hui peuvent-ils être certains que les petits pots à épices qu’ils achètent dans les marchés locaux ne contiennent pas des quantités dangereuses de pesticides ou d’autres contaminants? Et comment les agriculteurs qui cultivent cette multitude de saveurs peuvent-ils s’y retrouver dans le système commercial mondial et gagner dignement leur vie?

Ce sont là quelques-unes des questions sur lesquelles la Commission du Codex Alimentarius est en train de se pencher ce mois-ci. La Commission, qui supervise les normes alimentaires mondiales rassemblées dans le Codex Alimentarius, ou «Code alimentaire», procède actuellement à l’adoption de nouvelles normes sur plusieurs épices et herbes culinaires fréquemment consommées, telles que l’origan, le gingembre séché, le clou de girofle et le basilic.

Les critères définis visent les quantités de pesticides, mais aussi les contaminants microbiens tels que la salmonelle et les Bacillus cereus, qui peuvent contaminer les épices à différentes étapes de la production.

Des normes de sécurité sanitaire et de qualité sont déjà fixées pour un certain nombre d’épices et d’herbes culinaires telles que le poivre noir, blanc et vert séché, le cumin, le thym et l’ail séché. Il faudra probablement encore du temps pour couvrir l’ensemble des 116 épices et herbes culinaires recensées par le Comité du Codex sur les épices et les herbes culinaires.

Cependant, le réel objectif de cette démarche consiste à mettre de l’ordre dans un véritable labyrinthe de normes internationales et à permettre aux producteurs d’épices d’accéder aux marchés offrant les prix les plus justes pour leurs produits de qualité.

La plupart des épices sont cultivées dans de petites exploitations dans des pays en développement avant d’arriver dans notre assiette. Elles passent par plusieurs étapes de traitement, du vannage et du tamisage à la purification électromagnétique, et sont parfois soumises à des méthodes telles que le traitement par ionisation qui permet d’éliminer les agents pathogènes.

L’établissement de normes pour les épices permet de rassurer les consommateurs, tout en apportant des gains importants aux producteurs, d’après M. M.R. Sudharshan (Inde), Président du Comité du Codex sur les épices et les herbes culinaires. Cette démarche permettra de «donner confiance aux petits producteurs et facilitera l’accès aux marchés, en particulier pour plusieurs pays en développement dans l’ensemble des régions».

Les normes, un ingrédient clé du commerce

L’Inde, qui joue un rôle moteur au sein du Comité du Codex sur les épices et les herbes culinaires dont elle est le pays hôte, a enregistré des exportations d’épices d’une valeur de plus de 3,6 milliards d’USD en 2020-2021 et, d’après des responsables, le pays compterait atteindre la barre des 5 milliards d’USD l’année prochaine.

D’autres pays prennent conscience des immenses possibilités qu’ils pourraient tirer d’un développement de leurs exportations d’épices. «L’industrie nigériane des épices, une mine d’or inexploitée», pouvait-on lire récemment en gros titre d’un média nigérian.

Cependant, l’adoption de normes reconnues à l’échelle mondiale reste essentielle pour les perspectives d’expansion durable des échanges. Sans ces normes, les producteurs d’épices peuvent perdre au change en voyant leurs envois refusés à l’exportation et en étant contraints de se tourner rapidement vers des marchés moins exigeants.

Le respect des normes du Codex implique d’«actualiser les documents de formation et d’orientation» qui sont rédigés par les responsables et les spécialistes de la sécurité sanitaire des aliments chargés d’encadrer le secteur, «afin de tenir compte des connaissances et des pratiques actuelles», explique M. Sudharshan.

 

Certains producteurs d’épices indiens ont déjà suivi une formation financée par la FAO et d’autres organisations internationales pour les aider à utiliser plus judicieusement les intrants agricoles et à adapter leur usage de pesticides aux normes internationales. Ils sont ainsi en mesure d’augmenter les rendements tout en respectant les normes plutôt qu’en ayant recours à des produits chimiques qui pourraient compromettre leurs chances d’exporter vers de meilleurs marchés.

Le Comité du Codex sur les épices et les herbes culinaires est le dernier né des comités de produits du Codex. Sa mission consiste à protéger la santé des consommateurs et à veiller à la loyauté des pratiques en matière de commerce alimentaire, et ainsi à favoriser le développement économique des pays et l’amélioration des moyens d’existence des agriculteurs.

La Commission du Codex Alimentarius existe quant à elle depuis 1963. La FAO et l’Organisation mondiale de la Santé travaillent de concert pour formuler les avis scientifiques servant à étayer ses normes.

Point important, d’un point de vue commercial, les normes du Codex sont reconnues par l’Organisation mondiale du commerce comme ayant valeur de référence dans les décisions qu’elle rend. «Si un pays veut remettre en question les normes, il doit s’appuyer sur la science pour le faire», selon M. Patrick Sekitoleko, Chargé des normes alimentaires au Secrétariat du Codex.

La Commission du Codex prend de plus en plus d’importance à l’heure où la FAO met en place une série de mesures visant à aider les pays à transformer la manière dont nous produisons, distribuons et consommons notre nourriture.

Grâce à ces nouvelles normes sur les épices, le Codex va aider encore davantage d’agriculteurs et de consommateurs en renforçant la confiance dans les produits et en garantissant l’égalité des chances dans le commerce.

Source FAO

Pape Ismaïla CAMARA
Up Next

Related Posts