Disfonctionnements de l’interchangeabilité et fuite des bouteilles vers la sous-région : ça sent le gaz entre l’autorité et les grossistes qui menacent…

Ce n’est pas une bonne nouvelle pour les ménages à l’approche du mois de Ramadan. En effet, les grossistes de gaz regroupés dans l’union nationale des grossistes de gaz (UNAGAZ) ont soulevé ce week-end deux « problèmes majeurs » qui leur causent un préjudice énorme dont le début de solution viendrait de la mise en vigueur du projet d’arrêté validé en conclave en septembre 2022. Sans quoi…

Plus de huit mois après les conclusions issues de réunions séquentielles entre les acteurs du gaz, l’Etat tarde à concrétiser les attentes des grossistes. Aussi envoient-ils un signal.

 » L’UNAGAZ est une association nationale reconnue, qui contrôle les 185 grossistes qui sont au Sénégal. Nous sommes conscients des conséquences du manque de gaz, c’est pourquoi nous ne voulons par arrêter sa distribution. Mais si l’Etat tarde à prendre ses responsabilités, l’UNAGAZ prendra les siennes », menacent-ils.

Cela veut dire qu’on va arrêter de commander pour au moins 72h durant le Ramadan. Et si les grossistes ne commandent pas, le gaz ne sera pas livré. C’est cependant une situation que nous souhaiterions éviter parce que les consommateurs, les Sénégalais en souffriraient et nous sommes des Sénégalais », préviennent-ils.

Les grossistes de gaz, conduits par leur président Maguette Dieng, en compagnie de Ibra­hima Yéro Diallo (secrétaire général) et d’autres membres du bureau comme Maniang Diop, Fallou Fall ou encore Gaoussou Diallo, se sont plaints de préjudices consécutifs à des disfonctionnements dans l’interchangeabilité du fait d’un manque de bouteilles.

« Il y a un fait qui perdure et s’accentue depuis 2001, c’est un blocage par rapport à la question de l’interchangeabilité entre les structures qui s’activent autour du gaz. Elles sont au nombre de cinq, à savoir Total, PUMA, OLA, Lobbu et Touba Gaz », exposent-ils. « Aujourd’hui, il y a un blocage majeur entre les sociétés parce qu’il y a des difficultés autour du changement de bouteilles qu’elles devaient opéraient entre elles. Ça ne marche plus et cela a des répercussions sur l’approvisionnement au plan national », ajoutent-ils.

« Quand on parle d’approvisionnement, on vise les grossistes que nous sommes parce que nous sommes le maillon de la chaîne de commercialisation. En effet, après leur enfutage au niveau des sociétés, les bouteilles passent par les grossistes, les dépôts pour leur distribution dans les points de vente, les boutiques », expliquent-ils. « Aujourd’hui, il est avéré qu’aucun marketeur, aucune société ne peut plus satisfaire ses grossistes en termes de livraison parce que chacun se plaint d’un manque de bouteilles. Le stock-outil nécessaire au fonctionnement est composé souvent de bouteilles d’homologues qui n’ont pas l’équivalent de votre stock. Ainsi, vous ne pouvez plus travailler car chaque société ne peut enfuter que ses propres bouteilles ».

Le principe de l’interchangeabilité des bouteilles a été mis en œuvre à le 30 juillet 2008 par Samuel Sarr, alors ministre de l’Energie, rappelle le SG Ibra­hima Yéro Diallo, qui souligne que « le volume annuel du Sénégal était à 108 tonnes. Aujourd’hui, le volume a doublé, la population a augmenté et on ne suit pas la croissance ». Et pour ne rien arranger, le produit se retrouve au-delà des limites géographiques du Sénégal. « L’autre constat que nous avons fait est que les bouteilles sénégalismes sont dans tous les pays limitrophes du Sénégal, que ça soit le Mali, les deux Guinées, jusqu’au Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, alors qu’elles ne devaient pas sortir de nos frontières ».

Après avoir constaté ces problèmes de l’interchangeabilité et de la fuite des bouteilles, « tous les acteurs du gaz, que ce soit les acteurs, les marketeurs, y compris les autorités étatiques, je fais allusion au ministère du Commerce, au ministère du Pétrole et au CNH (Comité national des hydrocarbures) qui est la haute autorité en charge de la régulation de la commercialisation du gaz, comme tout produit pétrolier, au Sénégal, se sont retrouvés en conclave, avec des réunions séquentielles », rappelle Gaoussou Diallo. Selon lui, « ces rencontres ont été sanctionnées d’un projet d’arrêté ministériel retenu par tous les acteurs qui ont, consen­suellement, reconnu que sa signature par les autorités compétentes serait un début de solution par rapport au principe de l’interchangeabilité »

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« Si le ministre ne signe pas dans les meilleurs délais le projet d’arrêté, ce qui est sûr, il y aura une pénurie qui sera ressentie sur l’ensemble du territoire national »

 

Sauf que cet arrêté, qui a rencontré l’adhésion de tout le monde, n’a pas été totalement signé par les parties concernées. « Nous avons appris que le ministre du Commerce a eu à accomplir la formalité en signant l’arrêté. Aujourd’hui, celui qui retarde sa signature, c’est le ministère du Pétrole, nous ignorons la cause. Mais cela nous porte énormément préjudice dans notre travail parce que les grossistes en souffrent ainsi que le consommateur sénégalais et cela installe une sorte de pénurie du gaz alors que le produit est disponible. C’est-à-dire que le butane est au Sénégal mais les bouteilles sont ailleurs et cela a des conséquences parce qu’aucun grossiste ne peut plus avoir un approvisionnement correct en termes de quantité qu’il doit recevoir ».

Selon lui, « la co-signature du ministre du Pétrole décanterait cette situation de pénurie qui ne dit pas son nom et qui perdure depuis deux ans de cela, pour permettre à ces sociétés pétrolières de faire les échanges entre elles parce qu’à tous les niveaux de la chaîne de distribution, nous nous sommes entendus sur les clauses pour que chacun joue son rôle par rapport à l’interchangeabilité et des sanctions sont prévues en cas de manquements ».

Entre autres points d’accord objet du projet d’arrêté, confient-ils, « le boutiquier n’aura plus le droit de refuser d’échanger n’importe quelle bouteille présentée par un consommateur. En ce qui nous concerne, nous grossistes, l’arrêté a prévu, le cas échéant, de refuser toute bouteille venant des distributeurs. Et, nous n’aurons plus à chercher quel fournisseur remettre les bouteilles, nous allons simplement les remonter au niveau supérieur, les sociétés pétrolières, pour qu’à leur niveau, ils fassent l’interchangeabilité entre elles. Mais elles sont obligées de répercuter l’interchangeabilité sur les distributeurs, à leurs frais et à leurs dépens », esquissent-ils.

Sur la fuite des bouteilles, ils évoquent un autre préjudice. « Vous commandez vos bouteilles, une fois au Sénégal, on vous dit que les bouteilles sont hors du pays. Ça veut dire qu’il y a un marché noir parallèle ». La solution : « Tous les acteurs du gaz sont unanimes pour dire que seul le relèvement des prix des bouteilles à leur valeur absolue à l’importation, qui tourne autour de 13 000 frs, permettrait de mettre fin à cette hémorragie et à cette fuite de bouteilles vers les pays limitrophes. Et, nous harmoniserions ainsi nos prix par rapport à la sous-région », poursuivent les grossistes, qui sont toujours dans l’attente. « Ce sont les solutions proposées par les acteurs mais l’Etat tarde à prendre ses responsabilités par rapport à ces deux questions-là. »

« C’est un cri du cœur mais c’est même temps une alerte parce que nous souffrons tous en termes de préjudice financier. Nous travaillons tous à perte. On ne parvient plus à couvrir nos charges courantes. C’est surtout une alerte par rapport à l’opinion nationale dans la mesure où le gaz est un produit social, cela implique une grande consommation qui s’accroît durant le mois de Ramadan, alors qu’on est déficitaire en termes d’approvisionnement. Si le ministre ne signe pas dans les meilleurs délais le projet d’arrêté, ce qui est sûr, il y aura une pénurie qui sera ressentie sur l’ensemble du territoire national », avisent-ils.

Vox populi

Mamadou Nancy Fall
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