Raréfaction des ressources halieutiques à Cayar Les pêcheurs entre reconversion dans l’horticulture et émigration clandestine

Avec la rareté de la ressource halieutique, les pêcheurs artisanaux de Cayar sont dans d’énormes difficultés. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, si certains se reconvertissent dans les activités horticoles, d’autres sont de plus en plus tentés par le phénomène de l’émigration clandestine. Mais une lueur d’espoir se profile à l’horizon, avec le projet d’implantation de 100 000 récifs artificiels, pour régénérer la ressource

Cayar dans le département de Thiès abrite l’un des plus importants quais de débarquement de poissons au Sénégal, avec une production annuelle qui atteignait jadis les 50 000 tonnes.

En période de campagne, il était répertorié entre 2 800 et 3 000 pirogues. Mais aujourd’hui, force est de constater que le secteur est en agonie avec la raréfaction de la ressource.

L’illustration en est donnée par le fait que la campagne de pêche 2024 sera clôturée dans moins de deux mois, et c’est toujours la morosité au quai de pêche de Cayar qui grouillait jadis de monde à pareille époque.

La situation est telle que les pêcheurs artisanaux sont aujourd’hui obligés de se reconvertir dans les activités horticoles, s’ils ne sont pas tentés par l’émigration clandestine. Et sur l’origine de cette déchéance, les acteurs pointent un doigt accusateur sur la pêche industrielle, mais aussi les mauvaises pratiques de pêche, qui détruisent l’environnement marin, poussant du coup les poissons à l’exode vers d’autres contrées.

Mais Bluehome, une organisation canadienne qui s’intéresse à la protection de l’environnement marin, porte un projet pilote d’implantation de 100 000 récifs artificiels pour régénérer la ressource à Cayar.

Avec ce projet, souligne Alioune Ndoye maire de Cayar, il s’agit de restaurer les écosystèmes marins par la création d’habitats marins artificiels. La délégation canadienne de l’association Bluehome, conduite par son président Thierry Basque et son vice-président Gaetan Thomas, en compagnie du Directeur des Pêches Maritimes du Canada, Abdou Aziz Niang a été d’ailleurs reçue au quai de pêche de Cayar, pour une appropriation communautaire du projet.

Selon le maire, cette approche permettra ainsi le retour du poisson dont la raréfaction se fait sentir partout dans le pays.

«Partant du constat sur l’état de dégradation et la perte de biodiversité dans les écosystèmes marins des côtes ouest-africaines du fait de la surpêche, de la pollution, du réchauffement climatique et des mauvaises pratiques de pêche, Bluehome/Canada cherche à préserver la durabilité et la rentabilité de l’activité de pêche dans cette partie du monde, où la pêche artisanale contribue fortement à la sécurité alimentaire, à l’emploi et au développement de l’économie», explique Thierry Basque Président Directeur Général de Bluehome.

L’impact écologique du projet tourne entre autres, autour de «l’établissement de la santé et la productivité des écosystèmes marins (les récifs servant d’abris, zone de frayères et de nourricerie pour beaucoup d’espèces benthiques), l’amélioration de la biodiversité, la captation des Gaz à Effet de Serre (GES) par la flore qui se développe sur les récifs, la contribution à la lutte contre le Changement climatique, etc.).

Ces récifs sont de nature à renforcer la résilience des écosystèmes marins, face aux pressions induites par le changement climatique, la pollution, les pratiques de pêche non durables. Il s’y ajoute que les réseaux étendus de récifs artificiels aident à amorcer ces impacts, en fournissant des habitats stables et en soutenant les populations d’espèces clés, pour la fonction éco-systémique.

En ce qui concerne la valeur ajoutée en béton, elle va contribuer à rétablir la résilience écologique, ainsi que la résilience économique du pays. Cayar abrite ainsi la première phase du projet pour une durée d’un an, à partir du 3 juin 2024. Le coût est estimé à 1,950 milliard de Fcfa. Le déploiement des unités de récifs artificiels va déjà engendrer des emplois, avec l’implication des pêcheurs artisanaux, le transport des 100 000 unités étant assuré par des pirogues de forte capacité.

A la fin de la phase pilote, note Abdou Aziz Niang, une évaluation sera faite et si les résultats sont concluants, les investissements additionnels nécessaires seront faits, pour la mise en place d’une usine de fabrication de récifs à Cayar, pour couvrir tout le pays et même l’Afrique de l’Ouest. Ce qui sera marqué par la création d’au moins 450 emplois. Tous les acteurs de la pêche, notamment le comité local de la pêche artisanal (CLPA), les femmes transformatrices, les micro-mareyeuses, les mareyeurs, ont marqué de leur présence cette rencontre avec les partenaires.

Alioune Ndoye Maire de la commune laisse entendre que toutes les démarches nécessaires seront faites auprès des autorités étatiques, pour le démarrage effectif et dans les meilleurs délais, de ce projet. Et dans ce cadre, les initiatives vont être aussitôt déroulées pour l’obtention des permis de déploiement en mer des récifs artificiels, une responsabilité qui incombera aux autorités locales. Et après Cayar, le projet va se déployer en Mauritanie, au Maroc et au Bénin

L’As

Oumou Khaïry NDIAYE
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