Départ des militaires français : Diomaye entrouvre la porte

Après Bamako et Niamey, l’Armée française va-t-elle quitter Dakar ? Si leur présence a été réduite depuis l’avènement de Me Wade, avec la rétrocession de plusieurs installations militaires françaises aux Sénégalais avec 350 hommes, elle est encore présente dans la capitale sénégalaise, notamment son Quartier général de Ouakam et sa base marine dans la banlieue dakaroise. Dans un entretien hier avec l’Afp et France 2, le Président Faye a laissé entrouverte cette éventualité. «Le Sénégal est un pays indépendant, c’est un pays souverain, et la souveraineté ne s’accommode pas de la présence de bases militaires (étrangères) dans un pays souverain», a-t-il dit dans cette interview. Cette annonce, qui fait écho au discours de Sonko à l’Université de Dakar lors de la visite de Jean-Luc Mélenchon, cadre avec les aspirations souverainistes du nouveau régime qui voudrait rompre avec ce passé avec la présence des bases militaires françaises comme à Abidjan, Libreville et Ndjamena.

«Les autorités françaises doivent envisager d’avoir un partenariat dépouillé de cette présence militaire-là, mais qui soit un partenariat riche, un partenariat fécond, un partenariat privilégié et global, comme nous l’avons avec beaucoup d’autres pays. Présence militaire ou absence militaire ne doit pas être égal à rupture», précise Diomaye Faye, qui met en gras les relations entre le Sénégal et des pays comme la Chine, la Turquie, les Etats-Unis ou l’Arabie saoudite. «Tous ces pays-là n’ont pas de base militaire au Sénégal. Aujourd’hui, la Chine est notre premier partenaire commercial par le volume des investissements et des échanges. Est-ce que la Chine a une présence militaire au Sénégal ? Non. Est-ce que pour autant on parle de rupture ? Non», répond-il lui-même à ses interrogations. Il poursuit : «Est-ce qu’en tant que Français, vous accepteriez de nous voir dans votre pays avec des chars, des véhicules militaires, des soldats en tenue sénégalaise ? Sur le plan historique, la France a pris des esclaves, colonisé et est restée. Lorsque vous inversez les rôles, vous aurez du mal à concevoir qu’une autre armée, qu’il s’agisse de la Chine, de la Russie, du Sénégal ou autre, puisse avoir une base militaire en France.» Il précise par contre qu’aucun «délai de rigueur n’a été fixé. Si jamais cela devait se produire, les autorités françaises en au­raient la primeur de l’annonce».

Aujourd’hui, il annonce la mise à jour de la doctrine de la coopération militaire. Elle devrait commencer par ce départ et la souveraineté dans l’acquisition des équipements militaires, comme il l’a annoncé lors de la Journée des Forces armées avec une mise en place d’une industrie militaire. Pour lui, cette actualisation «impose évidemment qu’il n’y ait plus de bases militaires de quelque pays que ce soit au Sénégal, mais elle impose aussi d’autres évolutions dans la coopération militaire avec ces différents pays qui entendent encore la maintenir (la coopération) avec le Sénégal», insiste-t-il.

Macron reconnait un «massacre» sur Thiaroye 44

Cette insistance sur ce discours souverainiste arrive dans un contexte de commémoration des 80 ans du massacre de Thiaroye 44. Dans le même entretien avec l’Afp, le Président Faye a révélé que le Président Emmanuel Macron avait reconnu dans une lettre que les forces coloniales françaises avaient commis un «massacre» à Thiaroye, près de Dakar, le 1er décembre 1944. Il dit : «J’ai reçu, aujourd’hui (jeudi), du Président Emmanuel Macron, une lettre dans laquelle il reconnaît que c’était un massacre, de façon très claire, sans ambiguïté sur les termes.» Selon lui, il s’agit d’un «grand pas» fait par le dirigeant français qui «s’excuse» de son faux bond lors des festivités prévues dimanche à Thiaroye. «La France se doit de reconnaitre que ce jour-là, la confrontation de militaires et de tirailleurs qui exigeaient que soit versée l’entièreté de leur solde légitime, a déclenché un enchaînement de faits ayant abouti à un massacre», dit le contenu de la lettre de M. Macron consultée par l’Afp. Il annonce d’autres actes futurs. «Reconnaître qu’on a perpétré un massacre, évidemment doit avoir comme incidence de s’amender. Sans être dans la surenchère, nous pensons que de façon naturelle, c’est ce qui doit suivre», note-t-il.

Il faut rappeler que de nombreux tirailleurs sénégalais, constitués de Sénégalais, de Soudanais (Maliens), de Tchadiens, avaient été massacrés au niveau du Camp de Thiaroye le 1er décembre 1944, alors qu’ils réclamaient le paiement de leurs arriérés de solde et diverses primes et indemnités de combat, les forces coloniales leur ont tiré dessus. Si la France avait parlé de 35 personnes tuées, plusieurs historiens avancent un nombre de victimes bien plus élevé : peut-être plusieurs centaines.

 

LeQuotidien

Fatima Seck

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