De la présidentielle 2019 à Yewwi Askan Wi : Ousmane Sonko: touché moralement, piégé politiquement

Il y a manifestement un avant et un après présidentielle 2019 pour Ousmane Sonko. Autant son échappée solitaire et son discours antisystème lui avaient permis de faire son trou, réalisant une sacrée performance au scrutin présidentiel (15% des suffrages), autant ses accointances avec les politiciens « professionnels » et l’affaire Adji Sarr semblent avoir ralenti sa marche en avant. Touché moralement par l’affaire Sweet Beauty et englué dans les remous que vit actuellement la coalition Yewwi Askan Wi dont il est la tête de gondole, le leader de Pastef devra renouer avec sa stratégie initiale pour repartir du bon pied. Le Vrai Journal

Après le coup de maître, le coup de massue ! Révélation de la présidentielle 2019 (15% de l’électorat pour sa toute première participation), Ousmane Sonko croyait s’ouvrir devant lui un grand boulevard pour 2024. Surtout après le ralliement à la mouvance présidentielle d’Idrissa Seck, considéré jusqu’alors comme le principal opposant de Macky Sall.

C’était sans compter avec l’affaire Sweet Beauty et les convulsions que connaît actuellement la coalition Yewwi Askan Wi dont il est le chef de file.

Affaire Adji Sarr : un gros coup au moral

Auteur d’une ascension fulgurante entre 2017 et 2019, son étoile a par la suite pâli. Même si l’affaire de viols dont il est accusé semble avoir été montée de toutes pièces, il en a visiblement pris un gros coup au moral. D’autant qu’il était perçu jusqu’alors comme un homme responsable et sans histoire, sans frasque ni casserole. Pour s’être illustré à plusieurs reprises comme le grand pourfendeur du régime de Macky Sall, il est évident qu’on a cherché le moindre cafard dans son passé d’Inspecteur des impôts et domaines pour le tenir à carreau et lui rabattre le caquet.

Mais il n’y a eu visiblement rien de compromettant si bien qu’on a dû s’accrocher à cette affaire infâmante de viols répétés contre la masseuse Adji Sarr pour « détruire » l’image plutôt lisse qu’il a toujours renvoyée aux Sénégalais. Et quand bien même l’opinion n’est guère convaincue de sa culpabilité, le simple fait de le voir traîné dans la boue suffit peut-être au bonheur de ceux qui ont concocté cette histoire à dormir debout juste pour nuire à sa réputation.

Et ils auront réussi à vrai dire à écorner quelque peu l’image du leader de Pastef qui, en plus de cette affaire pendante devant la justice, vit présentement sa deuxième déconvenue depuis la présidentielle 2019 avec les remous qui secouent la coalition Yewwi Askan Wi dont il est la tête de liste nationale aux législatives du 31 juillet prochain.

Accointances avec les politiciens : le virage piégeux

Il est évident que s’il avait poursuivi son échappée solitaire, en restant fidèle à son discours résolument antisystème, le leader de Pastef ne serait certainement pas englué dans la crise que vit présentement Yewwi Askan Wi. La faute à ces tenants de la politique politicienne dont il s’est longtemps méfié comme des pestiférés avant de tourner casaque.

Combien de fois a-t-il eu d’ailleurs la dent dure contre ceux qu’il considérait comme les symboles du système qu’il prétendait combattre. On se rappelle cette saillie pour le moins retentissante en octobre 2018, à seulement trois mois de la présidentielle 2019.

« Ceux qui ont dirigé le Sénégal depuis 2000, disait-il, si on les regroupe et les fusille, on ne commettrait aucun péché ». Et Sonko d’enfoncer le clou : « C’est des criminels. Il y a un énorme potentiel et de réelles capacités dans ce pays. C’est inadmissible de voir un tel niveau de souffrance des populations ».

Ce fut assurément le discours le plus radical entendu de la bouche du leader de Pastef en direction des politiciens. Et pourtant, il était manifestement du goût d’une bonne frange de l’électorat, vu son score remarquable en février 2019 (15% des suffrages).

Mais Sonko changea subitement de cap et adoucit son discours à l’endroit des tenants de la politique politicienne.

S’est-il fait avoir par le très suspecté Khalifa Sall ?

Reçu par le Président Wade, il n’hésita pas à lui tresser des lauriers, estimant qu’il était le meilleur chef de l’Etat que le Sénégal ait connu. Puis, travaillé par Barthélémy Dias, il se rapprocha de Khalifa Sall avec lequel, il s’entendra finalement comme larrons en foire. Et ce, en dépit des nombreuses mises en garde du même Barthélémy Dias qui, bien qu’il avait permis le contact, se doutait bien que le leader de Pastef pourrait se laisser séduire par le très débonnaire Khalifa au point de se livrer à lui pieds et poings liés.

Sonko s’est-il finalement fait avoir par le placide Khalifa Sall ? A-t-il eu tort de lui avoir fait pleinement confiance au point de le laisser décider, presque seul, des affaires de la coalition ? Paie-t-il sa confiance aveugle à ce vieux briscard dont personne ne sait finalement à quel jeu il joue ?

Certes, Sonko a gagné entre-temps la mairie de Ziguinchor avec l’étendard de Yewwi Askan Wi. Mais, en tant que tête de liste nationale, il pourrait payer à présent le contrecoup électoral de l’échec des investitures imputable au seul Khalifa Sall.

C’est peut-être le temps des regrets pour le leader de Pastef. Mais sortira-t-il indemne du dossier Sweet Beauty et réussira-t-il à s’extirper de ce piège dans lequel, il s’est laissé prendre avec des investitures qui n’augurent rien de bon pour la coalition qu’il dirige. C’est de sa capacité à résoudre cette double équation que dépend son avenir politique.

Le Vrai Journal

Mamadou Nancy Fall
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