Cultiver du mil par amour : Au Japon, un couple, digne héritier, ambitionne de faire fructifier leur legs grâce au programme SIPAM de la FAO

Au Japon, les agriculteurs de la région montagneuse de Tokushima exploitent des variétés locales de mil, légumes et autres espèces agricoles depuis plus de 400 ans. Mais la culture du mil, une plante hautement nutritive, a récemment presque disparu. Seul l’amour d’un agriculteur de Nishi Awa a permis de sauver une variété locale.

Dans le Japon d’après-guerre, l’augmentation du niveau de vie a entraîné une préférence marquée pour le riz, tandis que le mil est devenu un symbole de pauvreté. C’est pourquoi, la population a progressivement arrêté d’en produire. Un agriculteur local témoigne: «Quand je mangeais de l’éleusine cultivée au primaire, j’avais un peu honte car cela voulait dire que nous n’avions pas de riz.»

Cependant, en 2018, quand le système de culture en pentes abruptes de Nishi Awa a été désigné système ingénieux du patrimoine agricole mondial (SIPAM) par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la population a rapidement compris que les variétés locales de mil constituaient une ressource génétique et culturelle importante et avaient de fortes capacités d’adaptation au changement climatique.

Le site de Nishi Awa est remarquable car sur des pentes extrêmement escarpées (jusqu’à 40 degrés), habituellement considérées comme impropres à l’agriculture, les paysans ont développé une méthode innovante pour exploiter des variétés autochtones d’espèces agricoles, dont le sarrasin, les tubercules et différents types de mil, sans créer de cultures en terrasses. Les zones herbeuses qui entourent les parcelles cultivées sur les versants ont pour principale fonction de fournir de la kaya, un type d’herbe qui est utilisé pour recouvrir le sol et servir de paillis pour prévenir l’érosion.

Le mil bénéficiant d’un regain d’intérêt grâce au site de Nishi Awa, l’Iya Millet Production Association a été créée pour promouvoir les variétés locales de cette précieuse plante cultivée. Toutefois, en 2018, il était difficile de trouver des producteurs de mil dans la région.

La situation était particulièrement problématique car le mil fait partie des espèces agricoles qui ne peuvent pas perdurer sans intervention humaine. Les semences des variétés locales d’éleusine cultivée, de millet japonais, de millet des oiseaux, de millet commun et de sorgho ne peuvent pas être conservées plus de quatre ans sans que le taux de germination s’effondre. Autrement dit, pour se perpétuer, les variétés locales de mil doivent être cultivées sans interruption, de génération en génération.

Seul un couple de personnes âgées d’Higashi-iya exploitait toujours la variété locale d’éleusine cultivée pour sa propre consommation. La femme adorait le goût chargé de souvenir de l’éleusine cultivée. C’est pourquoi son mari continuait de produire cette plante par amour pour elle. Toutefois, en 2018, le couple trouvait que cultiver seul du mil était devenu difficile.

C’est pourquoi l’Iya Millet Production Association a hérité des semences d’éleusine cultivée du couple. Elle perpétue l’exploitation de cette plante sur le site de Nishi Awa. L’association travaille aussi actuellement avec des anthropologues culturels de l’Université de Tokushima pour créer de nouveaux produits à base de mil, tels que des biscuits, des galettes et des friandises.

En 2021, Slow Food International a répertorié six variétés de mil de la vallée d’Iya dans le cadre de son initiative l’Arche du goût, afin de contribuer à leur sauvegarde. Bien que le mil ne soit toujours pas un aliment de base dans le Japon d’aujourd’hui, la population l’apprécie pour sa saveur, ses bienfaits pour la santé et sa provenance locale. Redécouvrir des variétés oubliées devient une nouvelle source de revenus pour les locaux.

L’Organisation des Nations Unies a désigné l’année 2023 «Année internationale du mil» pour faire connaître les bienfaits de cette plante au regard de la nutrition et de la santé, ainsi que ses possibilités de culture dans des conditions difficiles et instables. Elle espère que de plus en plus d’agriculteurs et de consommateurs vont découvrir le goût unique et les caractéristiques exceptionnelles de cette plante négligée.

En attendant, c’est grâce à l’amour que la précieuse éleusine cultivée a subsisté et fait son retour au Japon.

S www.fao.org/fao-stories

Pape Ismaïla CAMARA
Up Next

Related Posts