Black-Out, Délestages Récurrents de la Senelec Au cœur des errements de Pape Demba Bitèye

Les délestages, sont-ils en train de revenir en force ? Il ne se passe en tout cas plus de jour sans que l’on note des coupures par ci par là dans Dakar et les régions du Sénégal.

Le black-out de ce dimanche 19 juin ou plus exactement la rupture généralisée du courant au niveau national, n’a pas été pour arranger les choses, elle est au contraire venue conforter sur l’ampleur des errements dans le management de la Senelec. De quoi être inquiet surtout pour cette période de chaleur où la demande augmente de manière considérable. Le Mandat

«Des manœuvres ont été effectuées sur le réseau interconnecté, ce dimanche 19 juin à 17 h 00. Elles sont à l’origine des perturbations sur la fourniture d’électricité constatées un peu partout sur le territoire national. Le plan de défense de Senelec a immédiatement été mobilisé pour rétablir l’alimentation. Cette réactivité de toutes les équipes de Senelec, a permis une reprise progressive qui a débuté à 18 h 23. La reprise de tous les départs a été constatée à 20 H 13 pour marquer le retour définitif à la normale. Senelec présente ses excuses à sa clientèle pour les désagréments occasionnés par ces perturbations indépendantes de sa volonté », renseigne un communiqué rendu public, ce dimanche 19 juin et relatif à la coupure générale d’électricité au niveau national.

Un message à la tonalité d’ailleurs bien ambiguë avec le groupe de mots « manœuvres effectuées » qui n’a pas le même sens dans le jargon des techniciens de l’électricité que celui du grand public. Il laisse même penser à des opérations douteuses voire des manipulations sur le réseau de la Senelec. Ce qui n’est pas le cas. Un message finalement aussi laconique qu’équivoque qui ne fait en réalité qu’embrouiller davantage l’esprit de l’utilisateur de l’électricité qui a droit à des explications claires. D’où l’intérêt pour la direction de la communication de la société d’adapter son discours dans un sens plus compréhensible pour tous que de s’enfermer dans un discours technique.

Mais une fois cette précision faite, la récurrence des coupures qui étaient devenues un mauvais souvenir, même si elles ne sont pas au niveau de celles de 2011, nous ramène à des années en arrière et interpellent fortement la gestion de Papa Mademba Bitèye. Maîtrise-t-il vraiment son sujet ? A-t-il réellement le temps de s’occuper de la société, lui qui semble si accaparé par la politique à Kaolack qui ne lui réussit d’ailleurs pas beaucoup ? Battu aux locales au niveau départemental, il a prétexté la présence de chiens qui auraient intimidé les électeurs, comme si ceux-là pouvaient les reconnaître. Il a même poussé le ridicule jusqu’à faire un recours en justice avant de finalement se résoudre à abandonner un combat qu’il savait au finish perdu d’avance. Bref.

Ce qu’il convient surtout de noter, c’est ce qui s’apparente finalement à des problèmes de management de Papa Mademba Bitèye et qui est noté. Le communiqué lapidaire d’il y a quelques semaines, abordait la récurrence des coupures en utilisant comme prétexte la qualité du combustible en ces termes : « Senelec informe sa clientèle que la fourniture en électricité connaît des perturbations, en raison d’indisponibilité partielle ou totale des centrales IPP de Tobène Power et ContourGlobal ». Avant d’expliquer que « cette situation est causée par la qualité du combustible reçu pour leur fonctionnement ».

Un communiqué non seulement maladroit qui tentait de mettre en cause des fournisseurs, mais pire encore Senelec sait bien qu’elle est la responsable de cet achat qu’elle ne peut imputer qu’à ses services et à la direction générale. Une accusation qui a d’ailleurs poussé Birame Sow du Comité national des Hydrocarbures à monter au créneau, au cours d’une interview avec le journal « Bés bi » du mercredi 18 mai, pour nuancer les termes de ce communiqué. « Au Sénégal, on ne peut pas faire entrer un produit qui n’est pas conforme aux spécifications et aux normes sénégalaises» «On ne peut pas parler de mauvais produit car il y a un service de contrôle », a précisé celui-ci.

Des sources internes se sont même permises de faire des commentaires dans le sens de faire comprendre que « la gestion de Bitèye est d’une opacité telle que, malgré la cinquantaine de directeurs principaux, de directeurs simples et de conseillers avec rang de directeur, il gère de manière clanique la société avec 6 directeurs qui sont ses proches et écarte systématiquement les autres. Ce qui ne permet pas de mobiliser toutes les compétences. » Et en plus, relèvent celles-ci, « beaucoup de directeurs s’engagent aujourd’hui en politique parce qu’ils pensent que pour être DG de la Senelec, il faut désormais faire de la politique, étant donné que même le DG actuel rêve lui-même d’être ministre ». Une situation qui, selon ces mêmes sources, ne peut conduire qu’à la prise de mauvaises décisions.

Celles-ci ne s’en sont pas arrêtées là puisqu’elles ont même déploré ces retraités comme l’ancien Secrétaire général, Moussa Dièye et un ancien directeur El Hadji Thiam qui refusent d’aller à la retraite et à qui, Papa Mademba Bitèye a fait des contrats royaux en plus de déplorer le fait qu’ils siègent au comité de direction, tout en isolant des directeurs qui sont au placard. L’autre problème que ces sources relèvent, c’est le fait même que le syndicaliste de Sutelec Habib Aïdara, promu chef d’agence de Sacré-Cœur est devenu un habitué des médias et ne rate plus d’occasion de monter au créneau, comme lors des délestages du mois de mai dernier, pour défendre la gestion de Bitèye, comme s’il n’était plus là pour assurer la défense des intérêts des travailleurs affiliés à son syndicat. Face à Bineta Diallo sur la TFM, celui-ci avait d’ailleurs critiqué le commercial comme étant le secteur qui ne marche pas à la Senelec, avant de vanter la gestion de l’actuel DG et de déplorer l’instabilité du management de la boîte. Ceux qui savent lire, ont compris le clin d’œil fait à Macky Sall en faveur de Bitèye

Retour sur le black-out du dimanche 19 juin

Mais ce qu’il convient surtout de souligner, c’est qu’avec cette coupure générale au niveau national du dimanche 19 juin, l’origine du problème est à chercher dans le management de la direction générale de la Senelec. Manantali que le Sénégal partage avec le Mali et la Mauritanie, ayant suspendu sa liaison avec le Sénégal pour cause de travaux de maintenance effectués sur le réseau, une information d’ailleurs connue longtemps à l’avance (avec des réunions avec la partie Senelec), la Senelec aurait dû anticiper et prendre ses précautions dans le sens de créer des relais. Ce qu’elle n’a pas manifestement été capable de faire. La Senelec dispose en effet d’un mix-énergétique dont des centrales solaires (Cicad, Diass, Bokhol) et éoliennes (Taïba Ndiaye) ; il y a en plus de la centrale à charbon de Sendou qui fonctionne à nouveau depuis plus d’un an et fournit au moins 80 mégawatts, étant entendu, en plus, qu’elle est la centrale la moins chère de la Senelec. Rappelons tout de même que les investisseurs de cette centrale avaient été traînés dans la boue, lynchés à la télévision et menacés de payer des pénalités à un moment où elle était à l’arrêt. Elle constitue aujourd’hui l’une des plus grandes satisfactions.

Là ne sont pas les seuls problèmes de management constatés dans la production. Une centrale comme celle de Wartsila ou plus exactement la centrale C6 de Bel-Air a privé le réseau d’une capacité de production qui aurait pu permettre d’atténuer les difficultés actuelles si tous les 6 groupes avaient pu être mobilisés. Comment par exemple comprendre qu’une centrale qui dispose d’autant de groupes, ait pu dans un premier temps voir ses deux (2) groupes transformés pour pouvoir recevoir du gaz (en prévision de l’arrivée du gaz), puisse continuer à fonctionner avec du fuel ? Il s’agit là d’un problème notoire de planification et de défaut contractuel ? De vrais errements à la vérité. Le pire est que les quatre autres groupes sont en cours de transformation alors que les deux premiers n’ont même pas commencé à fonctionner au gaz. De quoi s’étrangler puisque tout cela ne contribue finalement qu’à causer un déficit de 4 groupes qui aujourd’hui, ne servent à rien et deux groupes seulement qui carburent au fuel

Karpowership Ou Le Bateau Turc

Le gaz ou l’histoire avec le bateau turc au large de Dakar qui cause décidément beaucoup de nuisances, parlons-en. En 2020, la direction générale de la Senelec qui se plaint d’un déficit de production, a souhaité couvrir la période de juillet à octobre, soient 3 à 4 mois qui couvrent la période de la chaleur pendant laquelle la demande augmente. D’une location de 3 mois, celle-ci est finalement passée à 5 ans et sans appel d’offres. Le motif fallacieux invoqué a été d’en profiter pour tester le système du gaz avec ce bateau. Cela n’a pas encore eu lieu jusqu’ici ! En 2022, soit cette année, la Senelec commande un bateau de gaz. Mais entre temps, le gasoil est devenu moins cher que le gaz du fait de la crise en Ukraine. La conséquence est que ce gaz n’est pas utilisé. De plus pour des raisons contractuelles, il coûterait, selon certaines indiscrétions pas moins de 15 milliards par mois à la société d’électricité qui n’en profitent pas pour le moment

Ce qui est en cause à la Senelec, c’est à la fois un management erratique, victime d’une mauvaise planification stratégique de la production qui prive l’entreprise de ressources financière importantes du fait d’une contractualisation sur de la production non utilisée, voire mal utilisée. La conséquence est inévitablement un manque de ressources pour la Senelec pour entretenir son réseau.

Une société qui finalement ne peut vivre sans le soutien de l’Etat de plus de 400 milliards entre 2021 et 2022. Et pendant ce temps, dans sa volonté de s’acheter une paix sociale, la direction générale a augmenté les salaires et consenti certains avantages sans toutefois avoir les moyens de sa politique.

La Senelec est sans aucun doute sur les traces de la Poste et connaît un management défaillant à tout point de vue, sans oublier l’incursion notable de la politique dans la boite. C’est un recul sans précédent qui est en train d’être noté avec ces délestages récurrents et ces histoires de mauvais fuel qu’on croyait derrière nous. Il y a en plus de quoi craindre pour les finances d’une boite déjà fortement endettée auprès des producteurs indépendants privés qui n’hésitent pas parfois à stopper la fourniture avec pour objectif de mettre la pression sur la Senelec qui a du mal à s’acquitter de ses factures. Pendant ce temps, l’on nous annonce des bénéfices à coups de plusieurs dizaines de milliards. De quoi sourire.

Le Mandat

Mamadou Nancy Fall
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