Appréciation négative de la modalité d’exécution du programme d’urgence de développement communautaire, la Société Civile s’insurge

Communiqué :

Mardi dernier, le 7 juillet, le gouvernement a lancé le Programme d’urgence de développement communautaire (PUDC), qui ambitionne, non pas de lutter contre les inégalités sociales comme il a été annoncé, mais plutôt contre les disparités sociales entre zones urbaines et rurales, en équipant ces dernières afin d’améliorer les conditions de vie de leurs populations. Cependant, ce qui heurte la conscience des patriotes et interpelle leur bon sens, c’est le fait que l’exécution de ce programme ait été confiée au Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).

A cet égard, au-delà de toute position partisane, l’on est obligé de questionner le bienfondé de cette décision qui, il faut bien le reconnaître, constitue une insulte aux capacités de pilotage et de suivi-évaluation des projets/programmes par l’administration, voire aux compétences de ses ressources humaines.

Tout comme l’on est fondé à s’interroger sur la manière dont le PNUD pourrait assurer sa responsabilité d’agence d’exécution sans recourir aux structures nationales en tant qu’agents de réalisation, à moins qu’il n’ait été pris le parti de faire entièrement réaliser ce programme par des entreprises de construction, des fournisseurs et des sociétés de service extérieurs ?

Il faut savoir en effet qu’en vertu des procédures « mandataires » du PNUD, il y a une distinction entre agence d’exécution et agences de réalisation, l’agence d’exécution étant chargée du pilotage et de la supervision d’un projet/programme et les agences de réalisation étant, pour leur part, chargées de l’exécution à proprement parler, c’est-à-dire de la mise en œuvre des actions inscrites à un projet ou programme, en tout ou en partie.

En outre, il faut relever qu’en sa qualité d’agence d’exécution, le PNUD engrangera à coup sûr, toujours en vertu de ses procédures, entre 3 et 7% des ressources (113 milliards de francs CFA pour cette première phase), en guise de « recouvrement de coûts » (le « cost recovery », qui constitue en fait le coût de sa prestation), soit un montant qui sera compris entre 3,39 milliards et 7,91 milliards de francs CFA, une somme qui aurait pu être consacrée, à l’évidence, à d’autres activités structurantes, productives ou à vocation sociale!

La Plateforme politique AVENIR « Senegaal bi ñu bëgg » estime, dans ces conditions, que les arguments avancés par ne sauraient prospérer, en particulier ceux selon lesquels une telle formule serait prévue par l’accord-cadre liant le PNUD à l’Etat du Sénégal en matière de coopération technique, ou qu’elle serait dictée, en raison « des exigences et de l’impatience des Sénégalais », par des soucis de célérité et d’efficacité, compte tenu de la lourdeur des procédures administratives et des rigidités de la passation des marchés publics, ainsi que de garantie du respect des principes de transparence et de bonne gouvernance.

Au regard de ces allégations, force est de souligner tout d’abord que l’accord-cadre entre le PNUD et l’Etat du Sénégal auquel il est fait référence date d’une trentaine d’années, ayant été signé en 1987, c’est à dire à un moment où le PNUD avait vocation à jouer exclusivement un rôle de partenaire financier et non technique, les compétences techniques étant alors réservées aux organes spécialisés du système onusien tels que l’OMS, la FAO, le Fonds d’équipement des Nations Unies(FENU), « ONU-Habitat », ou le Département des affaires économiques et sociales.
Si le PNUD ne voyait pas là une occasion de « renflouer ses caisses », dans un contexte de raréfaction des ressources concédées par ses bailleurs de fonds bilatéraux traditionnels, il est fort probable qu’il aurait fait jouer un « effet de levier », en apportant son cofinancement à un tel programme, à travers une contrepartie financière et ne se serait pas investi dans un rôle d’agent de mise en œuvre des activités, faisant ainsi ce que l’on appelle de la pure « coopération de substitution ».

Ensuite, le choix de contourner les procédures administratives nationales et les règles de passation des marchés publics ne garantit pas forcément la diligence de l’exécution des actions du programme, dans la mesure où les agences onusiennes ont aussi leurs propres procédures de passation, le « procurement », qui ne sont pas exemptes de formalités tatillonnes et qui se caractérisent, elles aussi, par une certaine lenteur. En tout cas, ce choix renseigne amplement, si besoin en était, sur l’appréciation négative qu’ont nos dirigeants sur le professionnalisme et l’intégrité des managers et agents de l’administration sénégalaise.

La Plateforme AVENIR « Senegaal bi ñu bëgg » considère qu’il s’agit là, quelles que soient les justifications avancées, d’un aveu des autorités sur la piètre opinion qu’elles ont des capacités de l’Administration publique, en termes, sinon de savoir-faire de ses ressources humaines, du moins de structures, de méthodes, de procédures et de valeurs éthiques, en un mot de système.
Cet aveu est caractérisé par l’annonce fortement médiatisée, faite par le Premier Ministre au lendemain du lancement du PUDC, sur l’élaboration d’un énième Code de déontologie des agents publics et la mise sur pied à cet effet d’un Comité de pilotage, curieusement distinct d’un précédent Comité de pilotage chargé de la réforme de l’administration. Au demeurant, il faut relever qu’un tel code existe pourtant déjà dans la « Charte de la Fonction Publique en Afrique », élaborée sous l’égide de la Conférence Panafricaine des Ministres de la Fonction Publique et de l’Union Africaine et adoptée par le Sénégal. Il suffirait donc, au besoin, d’en incorporer les dispositions dans notre droit positif.

Après avoir manqué pendant trois ans d’assumer leurs responsabilités en prenant les dispositions appropriées pour réformer en profondeur l’Administration publique, les autorités, pressées par l’obsession du résultat, optent pour une stratégie de contournement. Cette stratégie de courte vue ne fait que différer un problème incontournable auquel il faudrait trouver une solution urgente.

Au-delà de l’incongruité des justifications fournies, la Plateforme AVENIR « Senegaal bi ñu bëgg » se demande si l’option prise par les autorités n’obéit pas à des conditionnalités imposées par les bailleurs de fonds extérieurs du pays, à travers la procédure relativement récente de l’appui budgétaire direct en faveur des projets et programmes.

Quoi qu’il en soit, si le clientélisme, la complaisance et l’impunité n’étaient pas de mise et si les sanctions étaient assurées avec toute la rigueur nécessaire, en mettant fin à la protection politique dont continuent de bénéficier bon nombre de politiciens, de cadres et d’agents véreux, nul doute que notre administration serait en mesure d’assumer son rôle au bénéfice des populations.
La Plateforme AVENIR « Senegaal bi ñu bëgg » attire l’attention de l’opinion sur le fait que la satisfaction des besoins des populations à la base passe par des mesures fortes de correction de la forte captation des ressources budgétaires de l’Etat par les salaires très élevés versés à certains agents publics, aux directeurs des agences nationales d’exécution, ainsi qu’aux bénéficiaires de contrats spéciaux, par les dépenses somptuaires et de prestige, par la gabegie sous toutes ses formes et par la corruption.

C’est la satisfaction de cette exigence majeure qui permettrait de consacrer des ressources budgétaires plus significatives à la satisfaction de la demande sociale et à la fourniture des services sociaux de base au bénéfice des populations.

Dakar, le 13 juillet 2015

La Plateforme Avenir « Senegaal Bi Nu Begg »

Momar Diack SECK
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