Amnistie de Karim et de Khalifa Sall : Macky veut-il effacer de présumés crimes économiques sous son règne ?

Le débat sur une possible amnistie de Karim Wade et de Khalifa Ababacar Sall est subitement revenu au-devant de la scène politique. La majorité présidentielle, comme l’a proposé Macky Sall lors de sa première rencontre avec le CUDIS, souhaite une loi d’amnistie. Dès lors, il est légitime de se demander ce que cache ce jeu du Président dont les différents gouvernements qu’il a mis en place se sont illustrés par des séries de scandales financiers.

Le président Macky Sall est un animal politique et quand ses intérêts sont menacés il trouve la bonne formule pour sortir du gouffre qu’importe la procédure, l’essentiel est qu’il parvient à se tirer d’affaires.

A deux ans de son fin de règne, il veut desserrer l’étau autour de lui et s’assurer sûrement une retraite paisible après avoir dirigé le Sénégal d’une main de fer. Alors que le CUDIS est sorti de nulle part pour prétendre pacifier l’espace politique à la veille des élections locales où le régime est indexé par l’opposition radicale et la société civile de biaiser le processus électoral par le refus de délivrance des certificats de résidence, puis un rejet massif des listes de l’opposition, voilà que le président nous sert une proposition que personne ne lui avait demandée.

«On n’exclut pas l’amnistie de Karim Wade et de Khalifa Sall. Mais il faut s’assurer de trouver la bonne formule si ce sera une amnistie ou une réhabilitation » avait-il lancé.

Du coup, cela semble être un tour de passe-passe parmi sa panoplie d’astuces politiques pour mettre en œuvre ses plans. Seulement, pour faire accepter à la masse une proposition d’amnistie, il devra à tout prix gagner la bataille médiatique et faire porter le chapeau au CUDIS.

D’ailleurs lors d’une rencontre initiée par ce Cadre Unitaire de l’Islam au Sénégal (Cudis) et la plateforme Jammi Rewmi, avec Wallu Sénégal, Gëm sa Bopp, Benno Bokk Yakaar, Jammi Gox Yi, Bunt Bi, le mouvement Frapp, des organisations syndicales et patronales, notamment la Cnts et le Cnp, Mor Ngom, Me El Hadji Amadou Sall et Cheikh Sarr, qui représentaient le camp du pouvoir ont réitéré la proposition du Président Macky Sall.

Une opposition plurielle

Ce qu’il faut souligner c’est que le projet prêté au Président qui est de réhabiliter politiquement Khalifa Sall et Karim Wade, n’est pas fortuit. Macky veut en effet apaiser la tension politique qui a connu ces temps– ci une montée d’adrénaline jamais égalée. Par la même occasion, il parviendrait à couvrir ses arrières sur les scandales dans la gestion des deniers publics ayant été commis sous son magistère.

En ce moment où le climat social est tendu à cause de la cherté de la vie, il suffit d’une étincelle pour que tout s’embrase. C’est ce que le régime en place cherche à tout prix d’éviter. Face à un jeune opposant teigneux et charismatique, Ousmane Sonko, que le régime a créé de toute pièce par peur d’adversité, Macky tente de diversifier le pôle de l’opposition surtout que le PDS perd du terrain.

La dualité Macky-Sonko peut s’avérer fatale et conduire le Sénégal dans l’impasse comme ce fut le cas au mois de mars dernier. Afin d’éviter de revivre ces évènements tragiques, Macky Sall ne semble plus avoir le choix, Il est obligé de rétropédaler et de revoir sa politique contre l’opposition. Donc en facilitant le retour de Karim Wade et de Khalifa Sall, Macky pourra redonner de l’espoir aux militants et sympathisants de ces hommes qui vont reprendre du poil de la bête.

Couvrir Les Crimes Économiques

Outre cette opportunité de desserrer l’étau autour de lui, Macky est sûrement hanté par sa gouvernance émaillée par une série de scandales. En misant sur une amnistie, Macky ne vise ni Khalifa Sall ni Karim Wade mais plutôt les crimes économiques commis durant son magistère. Les corps de contrôle, CENTIF, OFNAC, IGE, IGF, ARMP, Cour des comptes, ont produit plusieurs rapports d’enquête qui ont épinglé ses proches à qui il avait confié des responsabilités. Sous le régime de Macky Sall, le milliard est banalisé.

Tout récemment, la presse a révélé que son griot pèse au moins 25 milliards, des  fonctionnaires sont suspectés d’être devenus en un laps de temps des milliardaires et paradoxalement, ces gens qui sont sur le banc des accusés, ont dirigé des sociétés nationales qu’ils ont soit mis en difficulté, soit contribué à mettre la clé sous le paillasson. Dans plusieurs directions et ministères, certains responsables ont démontré leurs talents dans la gouvernance sombre et sans vertu

Paradoxalement, la plupart des gens qui sont cités dans des présumés scandales ne sont pas inquiétés par la justice qui a fini par devenir le bras armé du pouvoir. C’est pourquoi le journaliste d’investigation Babacar Touré est monté au créneau pour décortiquer le jeu inavoué de Macky Sall.

«Macky ne vise pas Khalifa Sall et Karim Wade. Ce qu’il veut en réalité est de passer une éponge sur les crimes économiques que son régime a commis. Et ceci est dangereux car on ne peut pas gérer un pays pendant 12 années avec une gestion aussi catastrophique marquée par des scandales de tout genre et se faire voter une loi d’amnistie.

Les bons dirigeants doivent rendre des comptes sans avoir peur. Cette volonté de Macky Sall de faire voter une loi d’amnistie, est une preuve palpable à quel point la gestion de ce régime est donc calamiteuse » a averti le journaliste. Il sera rejoint sur cette position par Thierno Alassane Sall pour qui le vote d’une loi d’amnistie n’est pas acceptable car les dirigeants doivent avoir le courage d’assumer leurs responsabilités. Il suffit juste de réhabiliter Karim Wade et Khalifa Sall et pour cela, le candidat à la mairie de Thiès dit qu’on n’a pas besoin d’une loi d’amnistie.

Macky a-t-il raison de couvrir ses arrières?

Le président Macky Sall est lui-même menacé par l’opposition par une plainte pour haute trahison. Dans la législation sénégalaise, la haute trahison n’est pas définie. Donc, user de cette loi ne cause aucun problème surtout qu’une plainte a été déposée dans 6 pays pour tirer au clair l’affaire Petrotim. Dans un article paru dans Business Human Rights World Resource Center, l’ancien premier ministre avait chargé le frère du chef de l’Etat.

« Il (Aliou Sall) n’a qu’à engager toute mesure qui peut contribuer à faire éclater la vérité. S’il considère que les informations données ne sont pas conformes à la vérité, une plainte permettra de faire éclater la vérité dans ses moindres détails. Je rappelle qu’une plainte avait été annoncée lorsque les premières révélations sont tombées. Une menace de plainte a été brandie par son ami, mentor et employeur Frank Timis. »

«  D’ailleurs, Me El Hadji Diouf avait été retenu comme avocat. A ce jour il n’y a toujours rien. Nous souhaitons la tenue de ce procès pour que lumière soit faite. Il y a près d’un an, j’ai déposé une plainte portant sur cette affaire en citant Aliou Sall et je n’ai pas eu de réponse. Il faut que les Sénégalais sachent tous les détails de cette affaire : Le rôle d’Aliou Sall, Aly Ngouille Ndiaye. J’apprends aujourd’hui que même Abdoulaye Timbo serait concerné. Je suis pressé que les développements judiciaires de cette affaire commencent » a soutenu Abdoul Mbaye.

Cependant, à l’équation de la mauvaise gestion des deniers publics, est venue s’ajouter la controverse des contrats de cession sur les ressources minières, pétrolières et halieutiques qui sont fortement décriés.

A ce rythme, même une loi ne pourra épargner le régime car une loi pouvant abroger la première pourrait être votée sans tenir compte de la CREI qui est une juridiction d’exception que le président a dépoussiérée pour solder ses comptes avec le régime précèdent du Président Abdoulaye Wade pourrait toujours faire l’affaire de son prédécesseur

Le Mandat

Saphiétou Mbengue
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