Après des années de silence et d’ignorance, l’heure de la justice est enfin arrivée avec l’ouverture de votre procès le 20 juillet prochain devant les Chambres africaines extraordinaires. Monsieur Hissène Habré, n’avez-vous pas d’orgueil ou de dignité ? N’avez-vous pas honte de vous laisser porter « comme un bébé » pour répondre aux questions d’un juge ? Vos avocats disent que vous ne voulez pas comparaitre aux audiences. Allez-vous donc tous les jours de votre procès vous ridiculiser en vous laissant porter par le service pénitencier pour répondre de vos actes ? Ou allez-vous avec courage et honneur faire face, debout, à cette cour africaine ?
Ce turban que vous arborez en signe de défiance n’est qu’un déguisement qui ne vous cachera pas des mains de la justice. Que l’opinion sénégalaise comprenne qu’au Tchad, n’importe quel justiciable, comme d’ailleurs vos anciens complices l’ont fait, se découvrent devant une Cour. Votre comportement est digne d’un petit enfant qui a fait une bêtise, mais vous, Monsieur Hissène Habré, vous êtes accusé des pires crimes contre votre peuple.
Monsieur Hissène Habré, de quoi avez-vous peur ? Que craignez-vous, vous le « chef suprême des armées, chef de la Garde présidentielle et président du parti unique l’UNIR » ? Vous que l’on surnommait le combattant du désert, le renard des sables, le lion de l’UNIR, auriez-vous peur de nous, ces pauvres citoyens ordinaires que vous vous plaisiez à balancer en prison d’un revers de la main ?
Ne seriez-vous pas capable d’entendre nos témoignages ? De soutenir nos regards où dansent les fantômes de votre propre barbarie ? Vous qui avez rencontré les grands de ce monde et affronté en première ligne la grande armée libyenne de Kadhafi, trembleriez-vous devant vos propres concitoyens ?
Aujourd’hui, vous tentez vainement de justifier votre silence en invoquant l’illégitimité dont seraient frappées les Chambres africaines extraordinaires. En 2000, après votre première arrestation, vous souleviez l’incompétence de la justice sénégalaise. En 2005, vous affirmiez que les juridictions belges étaient incompétentes. Est-ce donc là votre seule défense, votre seul argument pour échapper à la justice et faire face aux victimes ?
Et que penser de votre foi en Dieu ? « En effet, quelle gloire y a-t-il à supporter de mauvais traitements pour avoir commis des fautes ? Mais si vous supportez la souffrance lorsque vous faites ce qui est bien, c’est une grâce devant Dieu » (parole de Dieu 1 Pierre 2 : 20).
Sachez, Monsieur Hissène Habré, que la souffrance est une blessure vive, une plaie brûlante que les années ne pourront jamais refermer. Après 24 ans de lutte, je veux pouvoir vous regarder dans les yeux et vous demander pourquoi j’ai pourri pendant plus de deux ans en prison, pourquoi mes amis ont été torturés et tués.
A l’aube de votre procès, jouer au grand seigneur ne saura biaiser l’immuable marche de la justice. Avec vous, ou sans vous, le procès aura lieu, les preuves de la cruauté de votre régime seront présentées et les juges statueront sur votre culpabilité. L’opinion africaine et mondiale pourra alors constater le courage de vos victimes et la lâcheté de celui qui a fui et qui continue de fuir.
Souleymane Guengueng
Président fondateur de l’Association des victimes de Crimes du Régime de Hissène Habré