Cheikh Ahmadou Bamba était considèré comme un cheikh qui enseignait le Saint Coran et tous les sujets relatifs aux sciences religieuses. Peu de respect était voué à de tels cheikhs. Cheikh Ibrahima Fall va initier toute une révolution sociale en imposant un nouveau comportement à adopter envers Cheikh Ahmadou Bamba.

Serigne Ndame Abdou Rahmane Lo, un des disciples, raconta comment Cheikh Ibrahima Fall fit cette révolution sociale à Mbacké-Kajoor. Quand Cheikh Ibrahima Fall fit son allégeance à Cheikh Ahmadou Bamba à Mbacké- Kajoor, il se dévoua entièrement au travail. Il passait ses nuits à chercher du bois pour les besoins de la concession.

Il se chargeait d’aller puiser l’eau et de remplir les futs, avant de se livrer au nettoyage de toute la concession. Cheikh Ibrahima Fall terminait ses taches à l’aube. ‘’C’est ensuite seulement qu’il quittait la concession pour aller se livrer aux travaux champêtres. Cheikh Ibrahima Fall passait ainsi ses jours et ses nuits.

Un jour, alors qu’il s’apprêtait à terminer ses taches comme d’accoutumée à l’aube, il entendit Cheikh Ahmadou Bamba frapper à la porte des disciples en disant : ‘’Ré́veillez-vous ! Allumez le feu, il est l’heure d’apprendre’’.

Cheikh Ibrahima Fall dit alors au Cheikh : ‘’Dis aux disciples ce pourquoi Dieu t’a envoyé́ ici, cela leur sera plus bénéfique que de les inciter à apprendre’’. Cheikh Ahmadou Bamba fit la sourde oreille. Le lendemain, Cheikh Ibrahima Fall entendit Cheikh Ahmadou Bamba frapper à la porte des disciples en leur disant : ‘’Réveillez- vous ! Allumez le feu, il est l’heure d’apprendre’’.

Cheikh Ibrahima Fall dit alors au Cheikh : ‘’Dis aux disciples ce pourquoi Dieu t’a envoyé́ ici, cela leur sera plus bénéfique que de les inciter à apprendre’’. Cheikh Ahmadou Bamba fit la sourde oreille

Le surlendemain, Cheikh Ibrahima Fall entendit Cheikh Ahmadou Bamba frapper à la porte des disciples en leur disant : ‘’Réveillez-vous ! Allumez le feu, il est l’heure d’apprendre’’. Cheikh Ibrahima Fall dit alors au Cheikh : ‘’Dis aux disciples ce pourquoi Dieu t’a envoyé́ ici, cela leur sera plus bénéfique que de les inciter à apprendre’’. Cheikh Ahmadou Bamba, tout d’un coup, se dirigea d’un pas ferme vers Cheikh Ibrahima Fall. Ce dernier fit de même en se dirigeant avec la même détermination vers Cheikh Ahmadou Bamba.

Alors qu’ils se rapprochaient l’un de l’autre, tels deux aimants, ils s’attirèrent irrésistiblement l’un vers l’autre, s’accolèrent et restèrent ainsi figes. Peu de temps âpres, Cheikh Ahmadou Bamba versa de l’eau entre leurs deux êtres, et ils se détachèrent l’un de l’autre’’, a expliqué l’auteur.

Avant de poursuivre : ‘’Le quatrième jour, Cheikh Ibrahima Fall entendit Cheikh Ahmadou Bamba frapper à la porte des disciples en disant : ‘’Réveillez-vous ! Ceux qui sont venus ici pour apprendre peuvent retourner chez eux. Il y a autre chose en dehors de la connaissance livresque. Ceux qui veulent y accéder peuvent rester.’’ Les disciples perplexes se demandèrent ce que Cheikh Ahmadou Bamba voulait dire par cette ‘’autre chose’’ qui pourrait être meilleure qu’apprendre le Saint Coran et les sujets qui y sont traites.

Certains des disciples dirent alors que si cette ‘’autre chose’’ en dehors de la connaissance livresque consistait à faire ce que Cheikh Ibrahima Fall faisait, ils préféreraient retourner chez eux. Ils n’étaient pas prêts à se livrer corps et âme, tout en faisant dons de leurs biens tel que Cheikh Ibrahima Fall le faisait dans son service à Cheikh Ahmadou Bamba. Ils se décidèrent finalement à aller demander à Cheikh Ahmadou Bamba ce que serait cette ‘’autre chose’’ en dehors de la connaissance livresque.

Cheikh Ahmadou Bamba leur dit qu’ils n’obtiendraient jamais cette ‘’autre chose’’, à moins de faire ce que Cheikh Ibrahima Fall avait fait, c’est-à-dire faire le pacte d’allégeance et combattre dans la voie de Dieu avec sa personne et ses biens. Serigne Ndame Abdou Rahmane Lo demanda à Cheikh Ahmadou Bamba comment procéder pour faire le pacte d’allégeance.

Cheikh Ahmadou Bamba lui répondit que Cheikh Ibrahima Fall était la meilleure personne à qui demander comment procéder pour faire le pacte d’allégeance. Serigne Ndame Abdou Rahmane Lo alla donc trouver Cheikh Ibrahima Fall dans les champs et lui dit qu’il voulait savoir comment procéder pour faire le serment d’allégeance.

Cheikh Ibrahima Fall quitta alors les champs avec Serigne Ndame Abdou Rahmane Lo pour aller dans la concession où se trouvait Cheikh Ahmadou Bamba. Une fois arrivé à la concession, Cheikh Ibrahima Fall demanda à Une telle discipline imposée par Cheikh Ibrahima Fall fut dénoncée à Cheikh Ahmadou Bamba par certains disciples, qui menacèrent de s’en aller si le Cheikh ne prenait pas de mesures pour arrêter les exactions du ‘’fou’’.

Cheikh Ahmadou Bamba leur répondit en disant : ‘’Une seule personne qui draine du monde est bien meilleure que tout un monde qui ne saurait drainer personne.»

Cheikh Ibrahima Fall, quant à lui, adoptera l’attitude qu’il recommande lui-même dans Une Exhortation Au Mouride Pour Se Mettre Au Service Des Saints : ‘’Ô vous qui êtes dotes de raison ! Ne vous préoccupez pas des reproches des gens. Pensez à votre état avant votre naissance, et à votre état âpres la mort. Vous étiez alors seuls, et nul n’avait et nul n’aura son mot à dire, et votre seul confort était et sera en Dieu.’’

‘’Si je n’avais vu personne qui possédait ces signes parmi les vivants, je chercherais parmi les disparus, et lorsque je trouverais sa tombe, je me mettrais à son service jusqu’à ce que j’obtienne la grâce divine’’

Dans le livre, l’auteur soutient que Cheikh Ibrahima Fall a dit : ‘’si je n’avais vu personne qui possédait ces signes parmi les vivants, je chercherais parmi les dis- parus, et lorsque je trouverais sa tombe, je me mettrais à son service jusqu’à ce que j’obtienne la grâce divine. Je m’engage donc en te prêtant serment d’allégeance et je ne désire rien de ce monde Fût-ce l’équivalent d’un poil de cheveu. Mon seul désir est l’amour de Dieu et aspirer à la vie éternelle ».

Cheikh Ahmadou Bamba me répondit alors : « Ô Cheikh Ibrahima Fall ! Si je n’avais trouvé aucune trace du Prophète Mouhammad (Paix et salut sur lui) en dehors des étoiles et du ciel qu’il regardait, ce dont je suis sur, c’est avec la même certitude, que mon amour pour lui et mon intention de le servir me permettront de me rapprocher de lui et de lui faire allégeance. Ceci dit, j’accepte ton allégeance. Conforme-toi aux prescriptions divines et abstiens-toi des proscriptions divines. Que ta seule préoccupation soit l’amour de Dieu. N’attends de moi ni abri, ni maison dans ce monde. Je ne te garantis pas non plus une vie de famille dans ce monde ».

Cheikh Ibrahima Fall prêta allégeance à Cheikh Ahmadou Bamba le vingtième jour du mois de Ramadan à Mbacké – Kajoor. Le lien entre Cheikh Ahmadou Bamba et Cheikh Ibrahima Fall est très bien exprimé par Robert Laffont qui définit l’expérience mystique comme l’union de l’âme avec Dieu ou l’Absolu, qui implique en effet que l’être soit tout d’abord réceptif, se dénude et s’ouvre pour accueillir le divin.

Préparé à la rencontre, il peut s’unir dans un élan vital au divin. Il réalise alors le mariage du ciel et de la terre ; le ciel peut féconder la terre qui, à son tour, peut donner la vie et porter des fruits. On comprend aisément les propos de Cheikh Ibrahima Fall qui disait : « Chaque fois que Dieu mentionne le ciel et la terre dans le Saint Coran, Il fait allusion à Cheikh Ahmadou Bamba et moi.

Je suis la terre et c’est la raison pour laquelle Dieu per- met que toutes formes d’opprobres me soient jetées. En effet, rien ne peut altérer la terre. Tout ce qui est jeté́ sur terre finit par devenir terre. Cheikh Ahmadou Bamba est le ciel et tout ce que vous pouvez faire c’est le regarder. Que fait le cultivateur quand il sème ? IL choisit ses meilleures semences et les confie à la terre. Quand il implore la pluie, il ne demande pas à la terre, mais plutôt il lève les mains vers le ciel pour implorer la pluie. Cheikh Ahmadou Bamba est celui qui fait des- cendre la pluie et je suis celui qui fait pousser la graine. Quand le ciel fait descendre la pluie, il ne la donne pas au cultivateur mais plutôt à la terre, qui à son tour remet les fruits de la semence à ce dernier ».

Des années plus tard les gens s’interrogeaient pourquoi donc Cheikh Ibrahima Fall avait donc une famille, des titres fonciers et autant de richesses alors que lorsqu’il prêta serment d’allégeance il ne devait s’attendre à avoir ni vie de famille, ni abri, et encore moins des titres fonciers. Lorsqu’on posa la question à Cheikh Ibrahima Fall, il répondit :

« Tous les bienfaits qui me lient à ce monde terrestre résultent des quelques grains de sable qui s’étaient incrustes sur mes genoux quand je fis mon allégeance à Cheikh Ahmadou Bamba ».

On pourrait aussi trouver la réponse dans le livre intitulé : Une Exhortation Au Mouride Pour Se Mettre Au Service Des Saints écrit par Cheikh Ibrahima Fall :

« Nul ne peut avoir les honneurs en Dieu, à moins qu’il ne délaisse son honneur pour l’amour de Dieu.

Nul ne peut avoir de repos en Dieu, à moins qu’il ne se prive de repos dans ce monde pour l’amour de Dieu.

Nul ne peut avoir des délices en Dieu, à moins qu’il ne se prive des délices de ce monde pour l’amour de Dieu.

Nul ne peut avoir une beauté́ en Dieu, à moins qu’il ne se prive de beauté́ dans ce monde pour l’amour de Dieu.

Nul ne peut avoir une famille en Dieu, à moins qu’il ne se prive de famille pour l’amour de Dieu. Nul ne peut avoir une progéniture en Dieu, à moins qu’il ne se prive de progéniture pour l’amour de Dieu

Le Peuple