Thiès – conséquence de la cherté de la vie sur le bétail : Le «niamou mbam» (aliment récupéré) devenu introuvable

Alternative pour certains éleveurs, le «niamou mbam» se fait rare depuis un certain temps dans la capitale du Rail. Alors qu’il étaitfacile d’en trouver sur des points de dépôts précis, les restants de nourritures deviennent introuvables. Une situation qui inquiète au plus haut pointles éleveurs de moutons et de porcs n’ayant pas les moyens pour acheter des aliments de bétail. S L’Obs

Unseauà lamain,HélèneMané se dirige, ce jeudi-là, vers un dépôt de «niamou mbam» (restes de nourritures).Surplace, elle est surprise de trouver les récipients vides et certains même ont été renversés par les chats à la recherche de nourriture. Cela fait bientôt une dizaine de jours que cette éleveuse de porcs se rend à ce dépôt sis au quartier 10e de Thiès pour rentrer les seaux vides.«J’ai presque fait le tour du quartier sans trouver du «niamou mbam».

Depuis des jours, je fais la navette entre mon domicile et ici, mais je rentre toujours bredouille. Je ne trouve plus du « niamou mbam » sur les lieux oùj’avais l’habitude d’en trouver», s’inquiète Hélène. Au Sénégal, ce n’est pas uniquement la population qui souffre de la cherté de la vie. Le bétail peine aussi à trouver de quoi s’alimenter.

Depuis un certain moment, des éleveurs de porcs ou de moutons peinent à trouver des restants de nourriture. Le « niamou mbam » que les gens déposaient à certains points de leurs quartiers, afin que les éleveurs puissent s’approvisionner, est devenu introuvable. Une situation qui inquiète les éleveurs de porcs et de moutons qui, par ailleurs, dénoncent la cherté du prix de l’aliment de bétail. Éleveur de moutons, Ibou Niang avait comme alternative au foin, le «niamou mbam».Il s’en servait pour économiser de l’argent et ainsi supporter la cherté de l’aliment de bétail.

«Mes moutons risquent de mourir de faim.C’est le «niamoumbam» qui m’aidait à les nourrir sans difficulté. Mais depuis un certain moment, il est devenu introuvable. C’est difficile pour moi de les nourrir tous les jours avec l’aliment de bétail qui coûte maintenant trop cher. Si la situation perdure, certains éleveurs qui n’ont pas les moyens pour se procurer de l’aliment de bétail courent vers la faillite»,dit Ibou, l’air inquiet. Il pense que si le « niamou mbam » est devenu aujourd’hui introuvable, c’est à cause de la crise économique mondiale qui a abouti à la cherté de la vie.

«Certaines familles ne mangent plus à leur faim. Les prix des denrées alimentaires ont connu une hausse considérable. Si assurer les 3 repas quotidiens devient presque une mission impossible, comment espérer trouver du « niamou mbam ? », se désole Ibou. Son voisin Talla Ndiaye d’ajouter que depuis des jours, il nourrit son bétail avec de l’herbe.

«Avant cette crise, des voisins me trouvaient chez moi pour me donner le restant de  leur nourriture. Le « niamou mbam » était facile à trouver et mes moutons étaient bien nourris. Maintenant, avec la cherté de la vie, même les personnes ne mangent plus correctement», pleure Talla.

Poursuivant, il signale qu’il ne parvient même plus à acheter un sac d’aliment de bétail. Pour nourrir ses moutons, il achète de l’herbe. «Depuis longtemps, mes moutons n’ont pas mangé du « niamou mbam ». Je fais parfois le tour du quartier pour en trouver, mais je rentre bredouille. J’ai même honte de demander aux voisins s’ils ont des restants de nourriture parce que je sais que les difficultés de la vie affectent tout le monde. Tout le monde souffre, même les animaux domestiques», geint Talla qui invite le gouvernement à trouver une solution urgente à ce problème qui freine leurs activités d’élevage

«Il faut faire le tour de plusieurs quartiers pour trouver du «niamou mbam»

Au quartier Thialy deThiès, un lieu habité par de nombreux fidèles chrétiens,les éleveurs de porc sont dans le désarroi. Ils débloquent aujourd’hui beaucoup d’argent pour nourrir leurs animaux. Alors qu’ils se servaient du « niamou mbam » pour alimenter leurs bêtes, ces éleveurs sont aujourd’hui obligés de trouve rune alternative. Étienne Faye relate son calvaire.«Avant cette situation, on nourrissait nos animaux sans aucune pression. Il suffisait de faire le tour des maisons voisines pour récolter un seau de « niamou mbam ». Ce qui n’est plus le cas. Pour trouver maintenant cet aliment, il faut faire le tour de plusieurs quartiers et parfois on rentre les mains vides», souffle-t-il.

Pour lui, la situation est plus que compliquée, parce qu’il remarque que cette famine est générale au moment où les prix de denrées ont connu une spéculation injustifiée. Étienne trouve que les conditions de vie des animaux domestiques dépendent de celles des individus. Quand les personnes souffrent de famine, il soutient que le bétail en souffrira forcément.«Quelqu’un qui ne parvient plus à nourrir correctement sa famille ne peut pas s’occuper convenablement de son bétail. Les éleveurs de porcs rencontrent d’énormes difficultés pour nourrir leurs bêtes», se lamente Étienne. Qui renseigne que quand il ne parvient pas à trouver du «niamou mbam», il laisse ses porcs se nourrir d’ordures.

«Mon bétail ne se nourrit plus correctement. Mes porcs ont tous maigri. Je n’ai pas les moyens d’acheter du ripasse qui coûte aujourd’hui jusqu’à 12 000 Fcfa, le sac. J’ai même récemment vendu un porc pour pouvoir subvenir aux besoins de ma famille», confie-t-il, le visage pâle.

Désespéré, ce père de famille n’écarte même pas de vendre tout son troupeau pour nourrir ses enfants.

«Si cette situation perdure, je vais finir par vendre tous mes porcs afin de pouvoir nourrir ma famille. On vit de cet élevage et c’est le «niamou mbam» qui nous facilitait la tâche. Je ne dépensais presque pas d’argent pour nourrir mes porcs. Ils vivaient de restants d’aliments », regrette Étienne. Avant d’enchaîner : «Maintenant le «niamou mbam» est introuvable et nourrir ma famille est plus important que de nourrir des porcs. J’ai des difficultés pour subvenir aux besoins de ma famille. Vendre un porc pour acheter des denrées alimentaires est une grosse équation. Jepeine à trouver un acheteur parce que tout le monde est impacté par la crise. Tout est à l’arrêt.»

«Je pars souvent à la prison de Thiès pour trouver du « niamou mbam»

Pour nourrir ses porcs, RogerTine a maintenant misé sur un unique dépôt de «niamou mbam». L’éleveur se rend tous les jours devant la prison de Thiès pour vider les seaux de restants d’aliments déposés à la porte. Pour cela, il s’y rend très tôt pour devancer les autres collecteurs de « niamou mbam ».

Dans son blouson bleu, le quadragénaire, le pas pressé, se dirige vers l’arrêt des motos Jakarta. «Il faut que je me rende aux aurores au dépôt de «niamoumbam»qui se trouve devant la prison, sinon mes porcs vont mourir de faim. C’estle seul lieu où je peux trouver maintenant facilement des restants de nourriture. Si cela m’échappe, je serai obligé de laisser mes porcs errer à la recherche de nourriture. Ce que je veux éviter parce qu’on m’en a volé récemment un dans ces circonstances», laisse entendre Roger.

Eleveur de porcs depuis plus de 10 ans, il affirme n’avoir jamais rencontré ce genre de difficultés pour gérer son élevage. Avant cette situation, Roger révèle que ce sont les voisins qui lui offraient chaque jour leurs restants de nourritures.

«Mes pairs éleveurs se précipitent à la maison d’arrêt pour récupérer le « niamou mbam ». Il faut s’y rendre très tôt pour en trouver. Le « niamou mbam » connaît une forte demande chez les éleveurs qui n’ont pas les moyens d’acheter du ripasse ou du pain sec. C’était notre seule alternative pour nourrir convenablement nos animaux», se désole-t-il. Le conducteur de moto Jakarta, Djiby Boye, de soutenir que le manque de « niamou mbam » est bien une réalité à Thiès. Selon lui, la rareté du « niamou mbam » est un bon indice pour mesurer la cherté de la vie au Sénégal

L’Obs

Mamadou Nancy Fall
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