Souleymane Ndéné Ndiaye, son analyse du procès et tout le mal qu’il souhaite à Macky Sall

Verdict contre Karim Wade : «Le juge s’est trompé…»

« Vous savez, j’étais l’avocat de Karim Wade. Donc, j’ai été très déçu par ce verdict qui n’a pas tenu compte des règles les plus élémentaires de ce qu’on a appris à la Faculté de droit. Parce que, quand un juge fait prévaloir les déclarations d’un notaire sur ses actes, c’est parce qu’il a violé la loi. La loi attache une certaine valeur aux actes dressés par les notaires. On dit que les actes dressés par les notaires sont authentiques, ils font foi de leur contenu jusqu’à inscription de faux. Donc, il aurait fallu entreprendre des procédures de faux contre tous les actes des notaires, pour pouvoir les écarter et faire prévaloir les déclarations verbales des notaires, fussent-t-ils sous serment avant de dire que ce que le notaire a dit à la barre, c’est ce qu’on retient etc. Vraiment, le juge s’est trompé.

Ensuite le bénéficiaire économique d’une société, c’est l’actionnaire de la société. Et l’actionnariat résulte des statuts de la société. Tu ne peux pas inventer autre chose. Le droit ne se réinvente pas. Tout le droit est écrit. Tout ce que les gens racontent à gauche à droite, c’est du bavardage. Ils se sont trompés parce qu’ils se sont précipités. A aucun moment, ils ne l’ont fait dans les règles de l’art. Le nom de Karim ne se trouve nulle part.

Comportement du juge de la Crei : « il harcèle les prévenus, il s’énerve contre les avocats…»

« Malheureusement, il n’y a pas eu de procès. Parce que toutes les conditions n’étaient pas réunies pour que les personnes convoquées puissent déposer convenablement. Il n’y a eu que des questions à charges et finalement les avocats de la défense et le prévenu Karim Wade ont boycotté l’audience parce que simplement les conditions d’un procès équitable n’étaient pas réunies.

Vous savez, le juge, sa mission est difficile. On lui demande de juger des faits qui se sont produits hors de sa vue. Il est obligé d’entendre plusieurs personnes pour se faire une religion. Mais quand un juge arrive déjà avec des préjugés, et ces préjugés-là résultent de son comportement. Il harcèle les prévenus, il s’énerve contre les avocats. Alors, ce juge-là ne peut pas délivrer un jugement sérieux et équitable.

Pour dire vrai, rien ne m’a surpris dans cette affaire car avec la manière dont les choses étaient menées, je savais que cela allait aboutir à ce résultat. Parce que le juge, à plusieurs reprises, a fait des erreurs en disant «vous pensez que vous allez être libre après ce procès ?». Ce sont des choses qui renseignent sur ce que le juge pense de l’affaire. Le juge, tant qu’il ne donne pas la décision, ne doit pas donner son opinion ».

 Candidature à la présidentielle : «Tout le mal que je souhaite à Macky, c’est de le battre en 2017…»

« En tout cas, tout le mal que je souhaite à Macky Sall, c’est de le battre en 2017 et que je sois son successeur. Que ce soit Souleymane qui succède à Macky. Parce qu’au Sénégal, on doit arrêter la vengeance et les poursuites. Si on doit poursuivre, qu’on le fasse dans les normes. Mais poursuivre quelqu’un parce qu’il est un adversaire politique, on doit arrêter ».

Implication du chef de l’Etat : «Macky doit intervenir dans cette affaire…»

«Je pense que le président de la République doit intervenir dans cette affaire pour faire arrêter l’escalade. Il ne faut pas se bander les yeux et faire comme si rien ne s’est passé. La mobilisation qu’il y a eu hier, au tribunal et devant le domicile de Me Wade, ce sont des alertes.

Quand on est dans un pays, il faut ouvrir ses yeux et ses oreilles, regarder ce qui se fait et écouter ce que les gens disent. Le président doit se situer au dessus de la mêlée surtout quand il s’agit d’un président comme Macky Sall qui a quand même eu un vécu avec Abdoulaye Wade et Karim Wade. Je pense qu’on doit dépassionner ce débat. On doit clôturer ces affaires-là qui ont plus des relents politiques que d’affaires judiciaires ».

Traque des biens mal acquis : «Je suis pour la reddition des comptes…»

« La reddition des comptes n’a rien à voir avec la Crei. Moi, je suis d’accord pour la reddition des comptes. Il faut organiser l’audit pour tous ceux qui ont géré les deniers publics. Voir ce qu’ils ont fait dans leur gestion. Est-ce qu’ils ont magouillé dans des marchés ? Est-ce qu’ils ont volé de l’argent ? C’est ça, la reddition des comptes. Mais choisir des gens contre lesquels on va retenir le délit d’enrichissement illicite, je pense que c’est faire de la politique politicienne.

Il faut mettre en place des commissions d’audit qui vont passer dans tous les ministères, auditer les gestions de tout le monde. Il faut regarder même les missions, parce que la reddition des comptes voudrait que tous ceux qui ont eu à gérer des deniers publics puissent en répondre et voir ce que tous ceux qui sont allés en mission sont allés faire dans ces missions-là ».

Pourvoi en cassation : «On peut espérer avoir un meilleur jugement…»

« Si on regarde les dispositifs de l’arrêt, après la lecture des attendus, il va dire par ces motifs et il va viser des textes de loi. Ces textes de loi visés seront les fondements juridiques du pourvoi en cassation. Parce que, s’il fait prévaloir les déclarations verbales d’un notaire sur les actes de ce notaire-là, il a violé la loi. Avec seulement cet élément, on peut casser la loi. Si on casse l’arrêt, on repart avec des juges plus équilibrés, plus équidistants. On peut espérer avoir un meilleur jugement. Quand je parle de jugement, je veux parler de l’arrêt car la Cour n’a pas de jugement ».

Source Sud Quotidien

Michel DIEYE

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Michel DIEYE

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