L’insécurité alimentaire aiguë est en hausse en République centrafricaine, alors que le pays subit de plein fouet les effets du conflit et du covid-19
Près de la moitié de la population (47 pour cent) de la République centrafricaine souffre d’une hausse brutale de l’insécurité alimentaire aiguë, au moment où le pays subit de plein fouet les effets du conflit en cours et du covid-19 et se prépare à une nouvelle période de soudure difficile, de mai à août, préviennent l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM).
D’après un communiqué de la FAO, plus de 2,2 millions de personnes, dont la plupart vivent dans des zones rurales, risquent de se retrouver en situation d’insécurité alimentaire aiguë (Phase 3 ou plus de l’IPC) entre avril et août et une aide d’urgence est nécessaire pour éviter que des gens meurent et que des moyens d’existence soient perdus, indique l’analyse menée selon le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) qui a été publiée aujourd’hui.
Plus de 1,6 million de personnes (un tiers de la population) sont en situation de crise (Phase 3 de l’IPC), ce qui signifie qu’elles risquent de devoir sauter des repas ou vendre le peu qu’elles possèdent pour acheter de la nourriture, et plus de 630 000 personnes (un dixième de la population) sont en situation d’urgence (Phase 4 de l’IPC), ce qui signifie qu’elles risquent de devoir vendre le dernier animal qu’elles possèdent ou la dernière source de subsistance dont elles disposent, de retirer leurs enfants de l’école ou de recourir à la mendicité.
«Le peuple de la République centrafricaine endure depuis dix ans un violent conflit et l’insécurité alimentaire augmente depuis quelques années. Les perspectives concernant l’insécurité alimentaire n’ont toutefois jamais été aussi sombres. À cause du covid-19, les frontières et les marchés sont fermés ou restreints, ce qui empêche la circulation des aliments et tire leurs prix vers le haut. La saison de soudure va bientôt s’installer et les pluies vont rendre les chemins de terre du pays impraticables. Il va devenir encore plus difficile d’acheminer la nourriture, les semences agricoles et d’autres denrées essentielles. Il est vital d’agir vite», a déclaré Perpetua Katepa-Kalala, Représentante de la FAO en République centrafricaine.
En République centrafricaine, la saison de soudure (mai-août) correspond à la principale saison de végétation des cultures, une période où la nourriture se raréfie jusqu’à l’arrivée de la récolte suivante.
«Nous devons briser le cercle vicieux du conflit et de la faim en République centrafricaine. Nous n’avions jamais vu auparavant tant de personnes poussées si brutalement aux limites de la survie. Plus d’un demi-million de personnes sont au bord de la famine. Nous devons agir maintenant et de toute urgence pour sauver des vies avant qu’il ne soit trop tard», a déclaré Aline Rumonge, Directrice adjointe du PAM en République centrafricaine.
Une crise oubliée que l’on ne peut plus feindre d’ignorer
L’insécurité alimentaire aiguë a augmenté sous l’effet d’un regain de violence en décembre, en marge des élections présidentielle et législatives. Les combats intenses qui ont éclaté se sont propagés dans tout le pays et les principaux couloirs de transport ont été coupés, ce qui a créé de fait un blocus sur Bangui, la capitale, et a rendu impraticables des routes vitales pour l’approvisionnement dans les zones enclavées, poussant des milliers de personnes à quitter leur foyer. Cette nouvelle flambée de violence intervient dans le contexte d’un conflit qui dure depuis près de dix ans et dont les effets sur les conditions de vie et les moyens d’existence ont contraint plus de 740 000 personnes à se déplacer. Circonstance aggravante, la production alimentaire locale a été faible l’année dernière.
Cette situation a été exacerbée par la pandémie de covid-19, qui a fait monter en flèche les prix des aliments. Le prix du manioc, par exemple, a grimpé de 60 pour cent de novembre 2020 à janvier 2021. La pandémie a également limité les déplacements des personnes et les échanges et les familles acculées ont dû lutter pour conserver leurs emplois et leurs revenus.
En outre, les liaisons entre Bouar et Garoua Boulai, près de la frontière camerounaise, ont été bloquées par des groupes armés à la fin de l’année dernière, ce qui a perturbé pendant des mois l’approvisionnement en produits vitaux et les services humanitaires.
La FAO et le PAM craignent que cette insécurité continue d’empêcher l’aide de parvenir à ceux qui sont dans le besoin et demandent de pouvoir accéder sans entrave aux populations dont la survie dépend cruellement de l’assistance humanitaire.