Une révision sérieuse de la constitution aurait pu être l’occasion de réparer certaines insuffisances de notre Loi Fondamentale et prendre en compte certaines des propositions de la Commission Nationale de Réforme des Institutions (CNRI) qui fut mise en place par le Président de la République. Je n’en citerai que quelques-unes :
1) Extension de la déclaration de patrimoine prévue pour le Président de la République à l’article 37 de la Constitution actuelle aux Ministres, aux membres du bureau de l’Assemblée, aux hauts fonctionnaires ;
2) Déclaration de patrimoine du Président de la république à la fin de son mandat ; Pouvoir au conseil constitutionnel de contrôler celle-‐ci et celle faite en début de mandat ;
3) Interdiction aux ascendants, descendants, collatéraux au premier degré́, ou conjoints de succéder ou assurer la suppléance du Président de la République ;
4) Incompatibilité de la fonction de Président de la République avec l’appartenance à toute assemblée élective nationale ou locale ainsi qu’avec l’exercice de toute autre fonction, publique ou privée ;
5) Limitation du nombre de ministres à vingt-‐cinq et limitation du titre et prérogatives de Ministre aux seuls membres du Gouvernement;
6) Saisine du Conseil constitutionnel par un nombre significatif de citoyens car aujourd’hui seuls le Président de la République et des députés peuvent le saisir.
7) Présidence du Conseil supérieur de la Magistrature par le Président du Conseil Constitutionnel pour aider à construire une véritable indépendance de notre magistrature;
8) Élargissement du cercle des personnalités désignant les membres de la cour constitutionnelle.
Mais au-dessus de tout ce qui précède, se trouve « la mère de toutes les considérations » : la prise en compte du caractère fondamental de notre Loi Fondamentale. Soyez indulgent pour la répétition.
La constitution d’un pays est une chose suffisamment sérieuse pour que sa révision obéisse à un processus suffisamment long et suffisamment inclusif. Ce n’est pas seulement l’affaire de chefs de partis ou de professionnels de la politique.
C’est l’affaire des citoyens, hommes et femmes, riches et pauvres, forts et faibles. Ils ont droit à un débat contradictoire et à des explications détaillées sur les motivations et les objectifs des réformes proposées. Les hommes politiques doivent être les premiers à avoir un respect révérenciel pour le caractère fondamental de la constitution et l’inculquer à leurs militants et sympathisants. L’objectif recherché doit consister à éviter des révisions trop fréquentes.
Cette réflexion sérieuse et ce débat contradictoire, nous ne les avons pas eus dans ce projet de révision constitutionnelle. Rien ne presse. Donnons-‐nous le temps du débat, le temps de décider sans engager des dépenses électorales injustifiées, le temps d’avoir des listes électorales qui ne souffriront pas de contestation, le temps d’avoir une proposition de réforme de la constitution faisant réellement avancer la démocratie et l’Etat de droit au Sénégal.
Pour moi, la route vers des réformes sérieuses et plus complètes, vers le principe de sérieux qui doit être la marque de notre constitution passe par un NON à la proposition qui nous est faite.
Un NON pour crier haut et fort notre exigence de sérieux et de rigueur. Un NON du 20 mars par les urnes, plutôt qu’un NON du 23 juin par les pierres. C’est la voie de notre citoyenneté retrouvée ! C’est la voie du salut
Abdoul MBAYE Économiste – Ancien Premier ministre
Source Sénéplus