Réaction de l’Association AVCRHH suite à la sortie du livre de Moriba Magassouba– « Parlons de tout, sauf des exactions »

Clément Abeïfouta, le président de  l’Association des Victimes de Crimes du Régime de Hissein Habré (AVCRHH) a réagi suite à la parution du livre de Moriba Magassouba, intitulé « Tchad-Sénégal, la machination: acte II ». Le Tchadien, avec qui votre site lactuacho avait un entretien la veille de l’ouverture du procès de l’ancien président tchadien, nous a fait parvenir en lettre ouverte, sa réaction pour relever de ‘’lourdes omissions’’ de l’écrivain. Lactuacho.com vous livre ici l’intégralité.

Moriba Magassouba, qui avait créé le service de presse de Hissein Habré lorsque ce dernier était dictateur du Tchad, continue de défendre son ancien patron sans écouter les récits accablants de milliers de survivants et de témoins.

Pour distraire l’opinion, Moriba Magassouba parle de tout, d‘Idriss Déby, de Macky Sall, des batailles de Hissène Habré contre Kadhafi, des ONG. Les seules choses dont il ne parle pas, dont il ne peut pas parler, ce sont les exactions systématiques commises par le régime de Hissein Habré.

Il ne dit pas un mot des milliers d’assassinats politiques et des massacres de populations civiles qui se sont déroulés alors que Hissein Habré dirigeait son pays d’une main de fer avec son parti unique et sa police politique.

Moriba Magassouba ne parle pas des milliers de personnes qui ont été torturées sous Hissein Habré. Il ne parle pas du ligotage dit « Arbatachar », pratique courante dans les centres d’interrogation, qui consistait à attacher les deux bras aux chevilles derrière le dos de manière à faire bomber la poitrine. Il ne mentionne pas non plus l’ingurgitation forcée d’eau, les décharges électriques, etc.

Moriba Magassouba ne parle pas des vagues d’épuration ethnique sous Hissein Habré qui ont notamment visé les Arabes, les Hadjerai et les Zaghawa, ethnies musulmanes. Il n’évoque jamais les massacres sur les populations civiles dans les villages, notamment au Sud du pays.

Il n’évoque jamais la déportation de femmes à Kalaït et Ouaddi Doum qui ont été envoyées sur place pour servir les militaires, et qui y ont été violées. Il fait fi de tous ces orphelins dont les parents ont été enlevés par les forces du régime.

Moriba Magassouba ne parle en aucun cas de l’archipel des prisons qui jalonnaient le Tchad sous Hissein Habré. Il ne parle pas de la « Piscine », une ancienne piscine que Hissein Habré avait transformée en prison souterraine et où les détenus mouraient de malnutrition et des maladies dues à la surpopulation. Il ne parle pas de la cellule « C » connue comme la « cellule de la mort » et d’où personne n’était censée sortir vivante.

Il ne dit rien de Saleh Gaba, ce journaliste courageux disparu dans les geôles de Habré. Il ne dit rien des massacres dans les villages de Déli, Ngalo ou Bodo. Il ne dit rien des ordres écrits par Habré, et constatés par l’expert graphologue des Chambres africaines extraordinaires interdisant l’hospitalisation de prisonniers de guerre pourtant demandée par la Croix rouge. Pourquoi ce silence? Pourquoi refuser de parler ces choses-là ?

Moriba Magassouba crie au complot international contre Hissein Habré, dénigre le travail des Chambres africaines extraordinaires sans en mesurer l’ampleur en prétendant une instruction uniquement à charge.

Il ne parle pas des innombrables requêtes des juges d’instruction demandant à l’accusé de proposer des témoins. Il n’évoque pas les invitations envoyées aux avocats de l’accusé par les juges d’instruction pour les accompagner au Tchad pendant les commissions rogatoires.

 

Moriba Magassouba ne parle pas des millions que Hissein Habré a dérobé du trésor tchadien pour son propre bénéfice et pour l’aider à se faire passer pour un citoyen modèle et pieux au Sénégal.

Il ne parle pas des Tchadiens qui ont été dépouillés durant son règne et dont les biens ont ensuite été soigneusement inventoriés à la présidence de Habré. Il ne parle pas des femmes qui ont été dépouillées de leurs bijoux en or, or qui a ensuite permis à Habré de payer des gens pour se protéger.

En un mot, Moriba Magassouba préfère ignorer les faits car il ne les connait pas, ne les a pas vécu et ne veut pas en entendre parler.

La véritable question du procès concernera la responsabilité criminelle de Hissein Habré. Les Chambres africaines décideront de sa culpabilité ou innocence sur la base des preuves qui lui sont présentées, et ne statueront pas sur des questions périphériques, vaine tentative d’une défense aux abois de créer un ultime écran de fumée, mais qui n’arrêtera pas la marche de la justice.

Les Chambres africaines extraordinaires ne seront pas actrices de ce jeu de la victimisation de Hissein Habré et rempliront leur devoir d’équité et de justice en honorant le mandat qu’il leur a été donné.

 

L’Association des Victimes de Crimes du Régime de Hissein Habré (AVCRHH)

Clément Abaifouta,  Président

Contact téléphone +235 66 28 19 08

 

Michel DIEYE

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Michel DIEYE

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