Au moment où des États européens ont obtenu de Bruxelles le financement des arrêts temporaires de pêche, au moment où le Parlement européen a voté contre la pêche électrique, au Sénégal les choses sont tellement à la traîne pour préserver les ressources halieutiques. Ce qui a soulevé encore la colère de Birahim Seck du Forum civil qui a participé jeudi dernier à une rencontre de réflexion de la Confédération Africaine des Organisations Professionnelles de la Pêche Artisanale (COAPA) sur : «Quelle gouvernance pour une pêche artisanale durable au Sénégal ?»
Birahim Seck : «Le secteur de la pêche est très mal administré…vers un manque de respect»
«Le secteur de la pêche, je le répète, je le réitère est très mal administré. Cette mauvaise administration peut même étendre ses tentacules vers un manque de respect», fulmine le coordonnateur du Forum Civil.
Birahim Seck de renchérir : «Il y a quelques mois, le président de la République avait décidé d’organiser un Conseil présidentiel pour le secteur de la pêche. Ce Conseil présidentiel n’est pas tenu. En tout cas, comment un secteur qui emploie des milliers de personnes, pour un secteur qui joue un rôle fondamental pour l’alimentation des Sénégalais, pour un secteur qui injecte des milliards dans l’économie nationale, aujourd’hui on est en train d’assister, d’observer à une dégradation d’un secteur aussi stratégique que la pêche au niveau du Sénégal». Et de martelé : «Au vu et au su de tout le monde, de toutes les institutions !».
Toujours selon lui, «Depuis que les acteurs de la pêche ont commencé a crié, je n’ai pas vu les parlementaires mettre en place une Commission d’enquête pour savoir ce qui se passe dans ce secteur de la pêche. Au moment où les autres pays, que ce soit de l’Union Européenne sont en train de développer des politiques pour préserver un bien également qui leur est assez cher : le poisson».
Le CRODT, une priorité absolue…
«Depuis des années, on parle de CRODT (Centre de Recherches Océanographiques de Dakar-Thiaroye), mais on se rappelle qu’un outil aussi stratégique, aussi important que le CRODT qui n’est que de la recherche pour dire : «vous avez du poisson ou vous n’avez pas» ; pour nous dire : «voici comment est-ce que vous devez l’utiliser».
Cet instrument n’est pas financé ou bien est sous-financé ou bien dispose d’un budget dérisoire pour ses moyens de travail, pour aller en mer et faire des recherches nécessaires», a-t-il révélé.
Ce qui lui fait dire : «On est en train de minimiser, de détruire, comme si c’est une volonté de détruire le CRODT pour ne pas connaître la vérité sur la ressource halieutique. Quand on n’a pas la ressource qui permet aux acteurs de vivre, quelle est l’utilité de ces types d’investissement (bateau de fibre de verre, etc. Ndlr) ? À part que c’est de la politique politicienne. Si de façon sérieuse, le Gouvernement, le président de la République en tête ne prend pas à bras le corps ce secteur, nos portes risquent d’exploser. Si les gouvernants ne prennent pas en charge ce secteur de la pêche, l’Europe n’aura jamais la paix à cause de l’immigration clandestine», a-t-il conclu.
Le secteur de la pêche a besoin d’un «New Deal»
Des défis inédits et immenses attendent nos gouvernants, notamment sur le défi environnemental. Le développement du Sénégal ne peut s’affranchir de cet effort à préserver l’environnement et ses ressources. Le secteur océanographique et ses ressources halieutiques ont besoin, aujourd’hui d’une préservation active et accrue de la part du gouvernement sénégalais. Le Président Macky Sall doit assumer ses responsabilités dans le jeu économique mondial et le Sénégal a les moyens d’y occuper une place centrale. Le Sénégal doit d’abord nourrir ses populations. Mais il aura tôt ou tard, considérant ses richesses halieutiques, la charge de nourrir d’autres régions du monde et, d’abord dans la sous-région Ouest africaine. Pour cela, il faut un «New Deal» halieutique entre le gouvernement, les acteurs de la pêche et les océanographes.
Le risque d’une crise économique et sociale n’est pas loin et tout le monde sait que nous n’avons pas les moyens d’une lutte à armes égales avec le reste du monde. Cette situation ne permet pas au Sénégal d’offrir à sa jeunesse les opportunités qu’elle est en droit d’attendre. La pêche, parmi d’autres secteurs stratégiques, doit être bien davantage au cœur des politiques publiques du Président Macky Sall.
Il sait pertinemment que la souveraineté alimentaire est la condition sine qua non de la sanctuarisation d’une classe moyenne sans laquelle il n’y a jamais, nulle part, émergence économique.
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