Une nouvelle enquête publiée aujourd’hui par la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF) a révélé que des millions de dollars avaient été investis dans l’immobilier américain en lien avec l’ancien conseiller à la sécurité nationale nigérian Sambo Dasuki, qui avait déjà été inculpé pour avoir détourné des milliards destinés à la lutte contre Boko Haram.
Des dizaines de millions de dollars que Dasuki aurait volés dans les caisses du gouvernement nigérian ont fini dans des propriétés immobilières de luxe à Los Angeles, en Californie, et à McLean, en Virginie, une banlieue cossue de Washington DC.
PPLAAF a obtenu et analysé des milliers de pages d’actes de propriété, de documents d’enregistrement de sociétés, de relevés de transactions bancaires et de documents judiciaires du Nigéria et des États-Unis. Elle a retracé les fonds jusqu’à des biens immobiliers de luxe achetés par les proches collaborateurs de Dasuki, Robert et Mimie Oshodin.
Ces documents montrent que le couple a reçu au moins 27 millions de dollars du bureau de Dasuki et a investi une somme comparable dans l’immobilier aux États-Unis. PPLAAF a partagé ses documents et ses conclusions avec le Washington Post aux États-Unis et le Premium Times au Nigéria, qui ont publié aujourd’hui des articles exclusifs.
« « Notre enquête révèle que la lutte pour la transparence au Nigeria s’aggrave lorsque des pays comme les États-Unis ferment les yeux sur la corruption. Quelque chose ne va vraiment pas lorsque ceux qui sont chargés de protéger leurs citoyens détournent l’argent à des fins personnelles », a déclaré Jimmy Kande , directeur de PPLAAF pour l’Afrique de l’Ouest.Les États-Unis peuvent et doivent faire mieux, tant sur le plan moral que juridique .
En 2018, les forces de l’ordre nigérianes ont informé les autorités américaines des allégations contre Dasuki et le couple Oshodin, implorant le ministère de la Justice de suivre la trace de l’argent. Mais le couple Oshodin a continué à acheter et à vendre des maisons supplémentaires.
« Cela me rend malade de réaliser que l’argent destiné à combattre le terrorisme et à soutenir mes compatriotes brutalisés dans le nord du Nigeria a été et est encore détourné pour les besoins luxueux de quelques prédateurs », a déclaré Lanre Suraj de l’ONG nigériane Human and Environmental Development Agenda.« Cette enquête historique devrait inciter le Nigeria et les États-Unis à récupérer l’argent pour le peuple nigérian. »
Dasukigate
En juin 2012, Dasuki a été nommé conseiller à la sécurité nationale du président nigérian de l’époque, Goodluck Jonathan. Dasuki a été chargé de diriger la réponse du gouvernement au groupe terroriste Boko Haram, qui a provoqué des violences et des déplacements de population à grande échelle dans le nord-est du Nigeria et dans les pays voisins, le Cameroun, le Tchad et le Niger.
Selon les forces de l’ordre nigérianes, Dasuki aurait détourné plus de 2 milliards de dollars de fonds destinés à la lutte contre Boko Haram, par le biais de contrats d’achat de matériel de défense et de contrats frauduleux. Lorsque Muhammadu Buhari est arrivé au pouvoir en 2015, le président nouvellement élu a limogé Dasuki. Le gouvernement l’a ensuite arrêté dans le cadre du scandale, communément appelé Dasukigate .
Des styles de vie somptueux et de magnifiques demeures
Dans le cadre d’une enquête plus vaste, la PPLAAF a identifié de nombreux actifs liés à l’affaire Dasukigate. Peu après sa nomination au poste de conseiller à la sécurité nationale en 2012, Dasuki a commencé à transférer d’importantes sommes d’argent à Robert et Mimie Oshodin, qui étaient alors les tuteurs légaux de deux des enfants de Dasuki aux États-Unis. À cette époque, le couple a commencé à faire d’importants investissements immobiliers dans les États américains de Californie et de Virginie.
Pendant le mandat de Dasuki en tant que conseiller à la sécurité nationale, le couple Oshodin a dépensé environ 24 millions de dollars en biens immobiliers aux États-Unis, ce qui correspond souvent à des transferts importants depuis le bureau de Dasuki. La plus importante de ces transactions immobilières a porté sur l’achat d’un manoir de 9,5 millions de dollars à Los Angeles, le jour même où le bureau de Dasuki a transféré 12 millions de dollars sur un compte détenu au nom de l’entreprise de meubles du couple Oshodin au Nigeria.
Selon les documents judiciaires obtenus par PPLAAF, le couple Oshodin aurait stocké des dizaines de millions de dollars de bijoux dans un manoir de Los Angeles, dont une bague d’une valeur de plus de 3 millions de dollars, et des millions de dollars en meubles et antiquités.
L’argent sale trouve refuge
En 2018, les forces de l’ordre nigérianes ont informé les autorités américaines des allégations contre Dasuki et le couple Oshodin, implorant le ministère de la Justice de suivre l’argent. Le couple Oshodin a continué à acheter et à vendre des maisons supplémentaires après que les autorités américaines ont été informées des allégations, et le couple possède toujours des biens immobiliers évalués à 20 millions de dollars à Los Angeles, en Californie, et à McLean, en Virginie.
L’enquête menée par le gouvernement nigérian sur le couple Oshodin suggère que les efforts déployés par les États-Unis pour empêcher l’argent sale de pénétrer le marché immobilier américain présentent des lacunes importantes. Les États-Unis ont récemment pris des mesures supplémentaires pour lutter contre les flux financiers illicites dans l’immobilier américain, notamment en exigeant des conseillers en investissement et des professionnels de l’immobilier qu’ils signalent tous les achats en espèces effectués par des sociétés et des fiducies.
Le gouvernement nigérian peine toujours à recouvrer les avoirs et à poursuivre les affaires liées au scandale Dasukigate, ce qui est également inquiétant, en raison de problèmes de coordination et de retards judiciaires importants. Le scandale Dasukigate reste donc un test crucial pour la détermination du Nigéria à lutter contre la corruption.
Source PPLAAF
La Plateforme pour la Protection des Lanceurs d’Alerte en Afrique- PPLAAF- est une organisation non gouvernementale créée en 2017 pour protéger les lanceurs d’alerte et défendre et s’engager dans des litiges stratégiques en leur nom lorsque leurs révélations portent sur les intérêts généraux des citoyens africains.