Plus de cent jours après son investiture en tant que président de la République du Sénégal, Bassirou Diomaye Diakhar Faye semble fermement déterminé à inscrire son nom parmi les grands leaders africains. Ce quadragénaire, originaire de Ndiaganiao, a choisi de suivre la voie tracée par ses illustres prédécesseurs pour renforcer la position du Sénégal en tant que porte-étendard de la défense du continent africain face à l’hégémonie de la pensée unique occidentale.
Avant de se lancer dans l’arène internationale pour se frotter aux puissances occidentales, à la Russie, à la Chine et aux institutions de Bretton Woods, entre autres, le président de la République s’est assuré une légitimité auprès de ses pairs de la Cedeao et de l’Aes. Le Sénégal a une longue tradition de pays leader en Afrique
Léopold Sédar Senghor, premier président de la République du Sénégal, est l’architecte du leadership du Sénégal en Afrique et dans le monde. Ses initiatives politiques, diplomatiques et culturelles ont non seulement façonné le destin de son pays, mais ont également influencé de manière significative les dynamiques régionales et internationales. Homme de culture d’une dimension internationale, Senghor a été l’un des principaux promoteurs du concept de Négritude, un mouvement littéraire et politique qu’il a cofondé avec Aimé Césaire et Léon Gontran Damas. La Négritude visait à valoriser l’identité noire et la culture africaine face à la domination coloniale
En mettant en avant la richesse culturelle de l’Afrique, Senghor a contribué à une prise de conscience globale de la valeur et de la dignité des cultures africaines. Cela a non seulement renforcé le sentiment d’identité et de fierté nationale au Sénégal, mais a également positionné le pays comme un centre intellectuel et culturel de premier plan en Afrique. Le premier agrégé de grammaire en Afrique était un panafricaniste convaincu. Senghor a joué un rôle central dans la création de l’Organisation de l’unité africaine (Oua) en 1963. En participant activement à cette organisation, il a promu l’unité et la solidarité africaines. La vision de Senghor pour une Afrique unie a aidé à renforcer la coopération entre les pays africains et à positionner le Sénégal comme un acteur-clé dans les affaires continentales. De plus, son engagement envers l’intégration régionale a contribué à la stabilité et au développement de l’Afrique de l’Ouest
Sur le plan politique, Senghor a apporté un soutien important aux mouvements de libération en Afrique. Il a fourni une aide diplomatique, matérielle et financière à plusieurs mouvements luttant contre la domination coloniale. Par exemple, le Sénégal a été un refuge pour des leaders et membres de l’Anc (African National Congress) d’Afrique du Sud. Le Paigc (Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert) de Amilcar Cabral a aussi bénéficié de l’aide appuyée et constante du Président Senghor. En soutenant activement ces mouvements, Senghor a renforcé la position du Sénégal comme bastion de la liberté et de l’indépendance en Afrique.
Grâce à sa vision et à son leadership, Senghor a laissé un héritage durable qui continue d’influencer le Sénégal et l’Afrique aujourd’hui. Ce legs a été sauvegardé et raffermi par son successeur, le Président Abdou Diouf. Durant son magistère, il a pris un certain nombre d’initiatives qui ont contribué à maintenir le Sénégal, ce petit pays d’Afrique occidentale, dans son rôle de pays pivot sur la scène continentale et mondiale
Le Sénégal est intervenu militairement en Guinée-Bissau (1998-1999), en Gambie (1981) et au Liberia (Ecomog) pour soutenir le pouvoir en place et faire respecter l’ordre constitutionnel. A l’international, le Sénégal a envoyé des troupes pour défendre le Koweït (1991) face à l’invasion irakienne. Il était parmi les plus grands pays fournisseurs de contingents militaires dans le cadre des missions de maintien de la paix dans divers théâtres de conflits sous la bannière de l’Onu. Pendant les événements douloureux entre le Sénégal et la Mauritanie (1989- 1991), le Président sénégalais a fait preuve de beaucoup de retenue, ce qui a évité au pays de s’engager dans la voie de la guerre ouverte contre un pays frère.
Le Sénégal, sous Abdou Diouf, a été une terre d’exil et de refuge pour beaucoup de présidents africains déchus à la suite de coups d’Etat. Nous pouvons citer le Camerounais Ahmadou Ahidjo et le Tchadien Hissène Habré. Sur le plan culturel, l’organisation des sommets de la Francophonie (1989) et de l’Oci (1991) a permis de raffermir la position du Sénégal dans le concert des nations. Après près de 20 ans à la tête du pays, Abdou Diouf conclut son action politique par un fait inédit à l’époque et qui aura un retentissement mondial. En effet, au lendemain du 2e tour de l’élection présidentielle, le 20 mars, le Président sortant prit son téléphone et appela son challenger Abdoulaye Wade pour le féliciter de sa victoire. P
Par cet acte, le pays de la Teranga venait encore de se singulariser de fort belle manière parmi les pays africains.
Abdoulaye Wade arrive au pouvoir dans un pays adulé, respecté et cité en exemple partout dans le monde. Le vieil opposant, intellectuel de haute facture devenu Président, va surfer sur cette vague de sympathie pour faire encore briller l’étoile du Sénégal dans la galaxie planétaire. Wade est un panafricaniste convaincu. Les débuts de son mandat ont été marqués par la proposition ambitieuse et audacieuse d’un plan global de développement de l’Afrique, connu sous le nom de plan Omega. Le Président sénégalais, de par son dynamisme, va s’impliquer dans la résolution de plusieurs crises dans le continent et dans le monde.
On peut rappeler son rôle déterminant dans la résolution des crises ivoirienne (2003), mauritanienne (2008) et malgache (2009), pour ne citer que celles-là. Sur le plan de la culture, l’organisation du Festival mondial des arts nègres et (Fesman-2010) et du Sommet de l’Oci (2008) ont conforté le Sénégal dans son rôle de promoteur de la culture africaine et islamique
Président Wade appela le candidat de l’opposition, Macky Sall, pour le féliciter de sa victoire à l’issue du second tour de la Présidentielle. Le Sénégal venait encore d’écrire en lettres d’or son histoire politique et confirmait ainsi son statut de vitrine démocratique sur le continent africain.
Sous la Présidence de Macky Sall, le Sénégal a affirmé son leadership sur la scène internationale, en plaidant vigoureusement pour des changements significatifs dans les politiques globales en faveur du développement durable et de l’intégration de l’Afrique dans les affaires mondiales. Macky Sall a constamment plaidé pour une plus grande inclusion de l’Afrique dans les forums économiques mondiaux, en particulier le G20. En insistant sur la nécessité pour l’Afrique d’avoir une voix plus forte, il a mis en avant le potentiel du continent à contribuer de manière significative aux discussions sur la croissance économique mondiale, les investissements et les politiques commerciales. Son appel fut entendu
Le 9 septembre 2023, le Sommet du G20 à New Delhi a pris la décision unanime d’admettre l’Union africaine comme membre de plein droit du groupe. Cette décision historique a été saluée par le Président comorien, Azali Assoumani, qui a félicité Macky Sall pour son rôle dans cette adhésion. Le Président Sall a également plaidé pour une redéfinition des termes de la dette des pays africains, en appelant à des réformes pour alléger le fardeau de la dette.
Il a plaidé pour un mécanisme de restructuration de la dette qui permette aux pays africains de mieux investir dans des projets de développement durable et de renforcer leurs infrastructures. Concernant les ressources pétrolières et gazières, Macky Sall a toujours et partout défendu le droit des pays africains à exploiter ces ressources au bénéfice de leur développement économique et social.
En outre, il a plaidé pour une augmentation des contributions financières des pays développés (principaux pollueurs) pour soutenir les initiatives climatiques en Afrique, notamment pour des projets de lutte contre l’érosion côtière, la déforestation et la gestion de l’eau. Son action dans la sous-région reste marquée par plusieurs faits, parmi lesquels nous pouvons citer la construction du pont de la Sénégambie, celle du pont de Rosso (en cours), et l’exploitation partagée des ressources gazières entre le Sénégal et la Mauritanie. L’intervention du Sénégal en Gambie, dans le cadre de la Cedeao pour installer le Président Barrow au pouvoir, a fini de consacrer le leadership du pays dans la sous-région.
Sous la Présidence de Macky Sall, le Sénégal a non seulement renforcé son rôle en tant que leader régional, mais aussi en tant qu’acteur-clé sur la scène mondiale. Le 24 mars 2024, les Sénégalais ont porté Bassirou Diomaye Diakhar Faye, candidat du parti Pastef, au pouvoir dès le premier tour, avec plus de 54% des suffrages valablement exprimés, optant ainsi pour une rupture systémique dans la conduite des affaires publiques.
Cette rupture sera notée dans la nouvelle orientation diplomatique du Sénégal. En lieu et place du ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, nous avons désormais le ministère de l’Intégration africaine et des affaires étrangères, marquant ainsi la volonté du Président Faye d’accorder une importance particulière au renforcement du processus d’intégration des Etats africains.
Contrairement à son prédécesseur, qui avait réservé sa première visite à la France, le nouveau Président sénégalais a donné la primeur de ses premières sorties aux pays voisins, consacrant ainsi la diplomatie de proximité et de bon voisinage. Le Président Faye a débuté ses premiers voyages officiels à l’étranger en visitant ses voisins immédiats, la Mauritanie et la Gambie.
Ces visites soulignent son engagement à fortifier les liens de bon voisinage avec les pays de la sous-région ouestafricaine. Bassirou Diomaye Faye, en mettant en avant une «nouvelle politique étrangère axée sur les relations interafricaines», démontre que l’Afrique est désormais une priorité stratégique pour les nouvelles autorités sénégalaises. Cette nouvelle orientation diplomatique porte déjà ses fruits : le Président Faye s’est rapidement positionné en tant que médiateur entre les nations du bloc régional de la Cedeao et les Etats de l’Alliance du Sahel.
Après avoir rendu visite à ses voisins africains, Bassirou Diomaye Faye a choisi la France pour son premier déplacement hors du continent. Le 20 juin dernier, il a participé au Forum mondial pour la souveraineté et l’innovation vaccinales. Son discours a mis en évidence la nécessité d’une production locale de vaccins en Afrique pour réduire la dépendance envers les autres continents et répondre plus efficacement aux besoins de santé publique.
Il a souligné les efforts du Sénégal, notamment avec l’Institut Pasteur de Dakar, pour atteindre cet objectif et a appelé à un soutien international généreux pour financer ces initiatives cruciales. Invité à l’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024, le Président du Sénégal a prononcé un plaidoyer fort en faveur de l’Afrique lors d’un discours tenu la veille devant 500 participants.
Le Président Diomaye Faye a dénoncé la persistance des inégalités et des injustices au sein de l’ordre mondial actuel, appelant à une réforme nécessaire pour rendre le système plus inclusif et équitable. Il a critiqué l’évasion fiscale et les flux financiers illicites qui privent les pays africains de ressources cruciales pour leur développement. Il a également souligné les conditions inéquitables de la transition énergétique, pointant du doigt les politiques hypocrites des partenaires internationaux. Enfin, il a fermement condamné le racisme et la discrimination raciale dans le sport, appelant à une vigilance accrue contre ces fléaux.
Une analyse de la nouvelle orientation diplomatique du Sénégal, à travers les actes posés, permet d’affirmer que le Président Faye est résolu à raffermir la position du Sénégal en tant que pays leader en Afrique, avec lequel il faut compter sur la scène mondiale. Le flambeau du leadership du Sénégal est assurément entre de bonnes mains.
Abdoulaye Ndiaye
Docteur en Science Politique
