Le droit de n’être pas d’accord Par Mary Teuw Niane

Dans un État démocratique, un État de droit, ne pas être d’accord avec une personne, une activité, une action, une autorité, une institution, jusqu’à n’être pas d’accord avec le Président de la République, est un droit garanti par la Constitution. Ce droit est une forme d’expression de la liberté d’opinion.

Le débat contradictoire est une richesse humaine, sociale et politique. Il permet d’extérioriser les peurs, les frustrations, les injustices, les inégalités, les ressentiments, les rancunes. Il met en évidence les germes de violence et permet par le discours de les pacifier.

Être capable de dire non est une valeur fondamentale de l’être humain. Car c’est cette valeur qui permet de prendre une décision en son âme et conscience. Elle donne aux serviteurs de l’État la force de dire non à leurs autorités supérieures lorsque leurs instructions ne sont pas conformes aux Lois, aux règlements, à la morale et à l’éthique.

Un pouvoir a toujours intérêt à ce qu’il y ait des femmes et des hommes de parole, capables en toute circonstance, sans animosité et sans violence, d’exprimer, en toute autonomie, leurs opinions et de se battre, dans le respect des règles démocratiques,   pour le triomphe de leurs idées, de leurs projets, etc.

L’opposition participe à l’existence et à la permanence de cette capacité à exprimer une opinion différente notamment une opinion politique différente. L’opposition contribue à l’éducation de la population, à sa formation politique, à la construction d’une opinion plurielle, à l’établissement d’un dialogue politique contradictoire.

La bataille, pacifique, organisée d’idées entre le pouvoir et l’opposition est non seulement nécessaire mais elle participe à la construction d’une culture de tolérance politique indispensable à l’affermissement de la démocratie. Elle aurait permis un débat de fond sur les questions d’intérêt national à la place de cette cacophonie malsaine qui s’est emparée de l’espace public.

C’est pourquoi le pouvoir a le devoir impératif de rendre accessible les médias publics à tous les courants de pensée traversant l’opinion publique.

La liberté de circuler, la liberté de manifester sont des droits indispensables à l’expression du droit de dire non. C’est la raison pour laquelle les dictatures s’empressent assez souvent de s’opposer ou de supprimer ces deux droits.

 

Disposer du pouvoir ne signifie pas disposer de tous les pouvoirs.

Les autorités administratives, qui jouent un rôle essentiel dans le bon fonctionnement de l’administration territoriale, de l’administration centrale, dans la sécurisation des populations et du pays, dans l’établissement de l’ordre, ont une lourde responsabilité dans l’effectivité de la liberté de circuler et de la liberté de manifester. Elles ont aussi une responsabilité de même dimension dans l’instauration de la paix et de la sécurité des populations.

Le pouvoir a un devoir d’équité tandis que l’opposition a un devoir de mesure.

Choisir toujours ce qui arrange le pouvoir, ce qui ne le dérange pas, les décisions qui confortent ses partisans, les mesures qui dénient à l’opposition ses droits, ne fait qu’exacerber le sentiment de défiance de l’opposition, la conviction que le pouvoir est délibérément partisan et injuste.

Les voix et les voies de la paix et de la mesure constituent les meilleurs moyens de rallier l’écrasante majorité de la population à sa cause, à la dresser à moindre frais contre les injustices subies. Elles contribuent à acculer le pouvoir dans ses derniers retranchements, à provoquer en son sein les fissures et craquements qui sont les prémices de son effondrement prochain.

Pour transformer positivement le pays, il est évident qu’il n’y a pas une voie unique d’accès au pouvoir cependant la voie de l’accès pacifique au pouvoir est celle qui est la plus économe en ressources humaines et matérielles. Elle est celle de la raison.

Dans beaucoup de pays africains où des forces politiques se sont imposées par la violence, la violence s’est installée par la suite de manière durable excluant toute possibilité d’émancipation économique et sociale.

Notre pays est à un tournant. Le pouvoir est de plus en en plus autoritaire. Il laisse de moins en moins de marge d’expression aux paroles dissidentes, aux personnes indépendantes, aux manifestations, à l’opposition. Ce constat doit nous conforter dans l’intime conviction que la peur de la défaite s’est emparée de ses cadres dirigeants. Désormais ils n’agiront plus que pour tenter de sauvegarder ce qui reste de leurs intérêts.

 

Ne cédons pas aux provocations !

 

Continuons patiemment, méticuleusement, pacifiquement à les isoler de la société, à bâtir une victoire de la raison et de l’intelligence dans l’intérêt supérieur du peuple souverain.

 

Je vous souhaite une excellente journée sous la protection divine. Juma Mubaarak.

 

Dakar, vendredi 10 février 2023

Mamadou Nancy Fall
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