Après avoir avalé beaucoup de couleuvres, elle a finalement décidé de rompre les amarres avec le Président Macky Sall. Un divorce à la tronçonneuse qui laisse augurer un duel sans merci entre l’ancien Premier ministre et celui qui était jusque-là son mentor. Et Mimi peut assurément faire mal et même très mal. Comment et pourquoi ? Eléments de réponse.
Alors qu’elle a eu souvent de bonnes raisons de sonner la rupture, elle n’a jamais franchi jusque-là le Rubicon. Puisqu’à chaque fois, le Président Macky Sall parvenait toujours à la consoler et à lui faire oublier sa déception. Mais cette fois-ci, la cause semble entendue. Aminata Touré ne peut digérer cet énième coup de Jarnac du Président qui lui a ravi, à sa grande surprise, le perchoir de l’Assemblée après le lui avoir promis en la désignant tête de liste de la coalition présidentielle aux législatives du 31 juillet dernier. Une « trahison » qui a finalement amener Mimi Touré à s’éloigner (pour de bon ?) du camp présidentiel et de la personnalité qui l’incarne. Non sans prendre la ferme résolution d’en découdre avec son ancien mentor et, surtout, de se porter à l’avant-garde du combat contre une éventuelle troisième candidature de Macky Sall pour 2024. Décidée cette fois-ci à aller à la confrontation, Mimi peut assurément faire très mal pour avoir plusieurs cordes à son arc.
Risque de déballage !
Ministre de la Justice dans le premier gouvernement du Président Macky Sall, c’est elle qui avait conduit le dossier Karim Wade dans le cadre de la traque des biens mal acquis, Par la suite, elle a été promue au poste de Première ministre. Un poste qui lui a permis d’être au coeur et d’en détenir tous les secrets. En termes clairs, elle ne peut pas ne pas être au courant de faits qui peuvent fortement secouer le régime actuel, surtout ceux en rapport avec des contrats qui continuent d’alimenter les débats. Poussée jusqu’à ses derniers retranchements, comme le laissent entrevoir les attaques dont elle fait déjà l’objet, elle pourrait être tentée de secouer le cocotier et de révéler des faits qui pourraient mettre mal en point le Président et son entourage.
Possible récupération des frustrés de l’Apr et de Benno
En s’éloignant du camp présidentiel, Aminata Touré pourrait aussi ne pas se retrouver seule. Au contraire, elle pourrait accueillir à ses côtés certains frustrés de l’Alliance pour la République et de la coalition Benno Bokk Yakaar. Et Dieu sait qu’il en existe. Qu’il s’agisse de responsables qui ont été membres fondateurs de la formation politique présidentielle avant d’être renvoyés dans les marges ou de partis alliés qui se sentent lésés dans Benno Bokk Yakaar. D’autant qu’à plusieurs reprises, des voix se sont élevées pour dénoncer les choix opérés par Macky Sall. En effet, plusieurs responsables ont eu à clamer qu’ils ne se retrouvent pas dans la gestion des affaires publiques. Mieux, ils ne manquent jamais l’occasion de tirer sur leur mentor qui préfère, selon eux, miser sur des transhumants qui font la pluie et le beau temps.
Quant aux partis alliés, certains d’entre eux pointent du doigt ce qu’ils considèrent comme un diktat de l’Apr, du Parti socialiste (Ps), de l’Alliance des forces de progrès (Afp) et du parti Rewmi depuis la transhumance d’Idrissa Seck. Du côté des jeunes, c’est également le même constat. Compagnons de la première heure pour certains, ils sont nombreux à dénoncer leur mise à l’écart. Autant dire que Mimi Touré pourrait donc être le réceptacle de cette pléthore de frustrés qui pensent n’avoir aucune chance d’être entendus par leur mentor, Macky Sall et qui désespèrent de pouvoir hériter d’un poste de responsabilité.
Vers une alliance avec les anti 3ème mandat ?
Elle l’a encore martelé : la principale pomme de discorde entre Mimi et le Président Macky Sall n’est rien d’autre que la question d’une éventuelle troisième candidature. Ayant longtemps défendu la thèse selon laquelle, Macky Sall ne peut être candidat en 2024, Aminata Touré l’a réitéré avant-hier lors de sa conférence de presse. A l’en croire, «juridiquement et moralement, le Président Macky Sall ne peut prétendre à une troisième candidature». Est-elle la seule à penser de la sorte au sein de l’Apr et de Benno ? Assurément non ! Si la majorité des anti troisième mandat préfèrent ne pas se prononcer actuellement sur la question, ils attendent sûrement d’être édifiés par le principal concerné, en l’occurrence le Président Macky Sall. A partir de ce moment, beaucoup pourraient bel et bien rejoindre le camp de Mimi Touré afin de barrer la route au Président Macky Sall. Quoi qu’il en soit, Aminata Touré, en sonnant la rébellion contre une troisième candidature, dispose d’atouts forts pour gonfler ses rangs avec les anti-troisième mandat qui ne manquent pas au sein de l’Alliance pour la République et de la coalition Benno Bokk Yakaar.
La maîtrise du terrain politique et de l’appareil de l’Apr
Mimi Touré a une autre corde à son arc : sa connaissance du terrain politique. Directrice de campagne du candidat Macky Sall en 2012, chargée de la collecte des parrainages à la présidentielle 2019 et tête de liste de la coalition Benno Bokk Yaakar aux dernières législatives, l’ancienne présidente du Conseil Économique, social et environnemental (CESE) connaît très bien le terrain politique. Et ce, pour avoir battu campagne dans l’ensemble des localités du Sénégal. Ayant réussi à se faire un nom à l’échelle nationale, Mimi Touré connaît sans doute les foyers dormants de l’Apr, composés de militants découragés. A l’image du Président Macky Sall qui a fait le tour du Sénégal entre 2008 et 2012, Mimi Touré, de par les responsabilités qui lui ont été confiées, peut parfaitement noyauter l’Apr et le Benno de l’intérieur pour sa propre chapelle. Exactement comme l’a fait Macky Sall en 2012 en mettant à profit sa connaissance de l’appareil du Pds pour bâtir sa victoire face à son ancien mentor, Abdoulaye Wade.
L’effet «victimisation» peut jouer en sa faveur
Sur la dernière ligne droite de leurs mandats, les Présidents Abdou Diouf et Me Abdoulaye Wade ont été fortement affaiblis après le départ de certains de leurs hauts responsables. Entre 1998 et 1999, le régime socialiste a vécu ses derniers moments au pouvoir suite aux défections de Djibo Leyti Kâ et Moustapha Niasse. Ce fut aussi le cas sous le magistère de Me Abdoulaye Wade dont le bourreau a été son ancien Premier ministre Macky Sall.
Il faut aussi noter que les Sénégalais ont la propension de nourrir de la sympathie pour les acteurs politiques qu’ils estiment être victimes d’une cabale ou d’une injustice. Tour à tour, Niasse, Djibo, Macky et actuellement Sonko en ont récolté les dividendes électoraux. Or, cet effet « victimisation » peut jouer en faveur de Mimi dont beaucoup de Sénégalais pensent qu’elle a été simplement « trahie » par son ancien mentor.
Même si elle est encore loin d’avoir la même carrure que certains leaders de l’opposition comme Ousmane Sonko, force est de reconnaître que Mimi Touré peut faire mal au régime actuel en direction de 2024.
Le Vrai Journal