. L’ Afrique au cœur des enjeux géopolitiques mondiaux Par Khady Gadiaga

L’impression que le théâtre d’opérations du conflit russo-ukrainien s’est déplacé en Afrique de l’Ouest ne fait plus de doute. Ce qui se joue présentement, c’est la « planétarisation de la question africaine ».

Le centre de gravité économique mondial se déplace lentement mais sûrement vers l’Afrique.

L’Afrique a toujours été un instrument pour d’autres enjeux pour les puissances étrangères. Des enjeux intérieurs : champ de manœuvre pour l’armée, financement de la vie politique française par exemple, approvisionnement en uranium et en pétrole. Des enjeux de politique internationale : réservoir de votes dans les institutions internationales, zone de transit pour le soutien à leur programme nucléaire.

Une « Mafiafrique » est devenue quasi planétaire, le continent étant l’objet de tant de convoitises. Est-il utile de rappeler que l’avenir du monde se joue en terre africaine et que c’est là que la rentabilité des investissements est la plus élevée ?

Ce qu’offre aujourd’hui l’Afrique à toutes les mafias, c’est la mise à disposition d’États de complaisance par des cliques dirigeantes retranchées sur les positions prédatrices qu’elles peuvent encore exercer, c’est l’aventurisme de ses guérillas mercenaires.

L’exemple le plus patent est cette guerre d’influence entre Paris et Moscou sur le sol africain. Sur le terrain, chacun défend ses intérêts, tente de trouver ou de garder des alliés sur le continent. Comment gagner la guerre des cœurs et des esprits en Afrique quand la guerre dans le champ des perceptions prend encore plus d’importance avec les réseaux sociaux et les nouvelles technologies, notamment au sein de la jeunesse africaine ?

 

Une confrontation entre blocs inédite et risquée

 

Allons-nous donc être les spectateurs passifs du dépeçage de notre sous-région, devenue un enjeu central pour les grandes puissances avec l’onction de la CEDEAO ?

Aujourd’hui, pour préserver des intérêts étrangers, elle piétine avec allégresse tous ses principes fondateurs, surtout celui du respect et de la protection des droits des peuples, en imposant un embargo économique, commercial et financier à l’égard de nos frères nigériens en plus de menaces de représailles militaires. La CEDEAO veut substituer une souveraineté communautaire factice à une souveraineté légitime des peuples maliens, burkinabè, guinéens et maintenant nigériens qu’elle n’a jamais pu aider ni dans leur lutte contre le terrorisme djihadiste, ni contre les dérives politiques des présidents déchus, membre de leur syndicat d’affairisme…

La plupart des chefs d’États africains qui ont « fermement » condamné le putsch militaire contre le président Bazoum sont d’anciens putschistes ou d’ intraitables autocrates. Tous exigent sans condition le retour de l’ordre constitutionnel alors qu’eux-mêmes s’évertuent à piétiner quotidiennement leurs propres constitutions, instrumentalisant leurs institutions judiciaires, assenant des coups de massue aux libertés individuelles et collectives, persécutant leurs opposants.

 

Se mobiliser pour éviter le chaos…

 

Quoi qu’ils pensent des juntes militaires, les Africains ne peuvent pas accepter l’attitude impérialiste de la France. Dans tous les pays du continent la mobilisation doit être à l’ordre du jour pour ramener les membres de la Françafrique à la raison, en leur rappelant fermement que l’Afrique n’est peut plus être une chasse gardée. Que les peuples d’Afrique se mobilisent pour marquer leur désaccord au chaos qui se profile avec la bénédiction de la CEDEAO. Voilà l’urgence du moment et après nous reviendrons à nos débats internes sur les légalités et les légitimités des uns et des autres. Si ces représailles contre le Niger passent, l’Afrique sera encore pour longtemps un théâtre de désolation ! Nous avons une chance historique de porter des coups décisifs à la Francafrique et par-delà à tout autre acteur de prédation de nos ressources. Nous n’avons pas le droit de laisser passer ce moment pour défaire l’étau autour de nos richesses naturelles et de nos droits à disposer de nous-mêmes.

 

Le temps de la déconnexion a sonné

 

Le continent africain peut être le moteur de notre monde, mais pour ce faire, il doit parachever sa décolonisation, réactualiser les valeurs qui sont les siennes et proposer un projet de civilisation ancré dans « ses potentialités heureuses ».

Vivement la déconnexion comme le préconisait Samir Amin pour tenter de renverser le rapport, c’est-à-dire contraindre le dominant, l’impérialiste, à reculer et à mieux considérer son vis-à-vis…

Mais dans tous les cas, les nouvelles générations se positionnent de façon déterminée comme forces du changement pour renverser la logique du système, pour avancer, pour réduire la polarisation et donc se donner des chances d’avancer.

 

Nous sommes bien entrés dans une période de turbulences et aucun des pays de la CEDEAO ne sera, hélas épargné, si nous laissons le règlement des crises se faire par l’usage de la force de frappe militaire.

Contre l’union sacrée française et de l’OTAN, opposons fermement l’union sacrée panafricaine !

Puisse également ce sursaut rédempteur des peuples constaté un peu partout en Afrique, être pour nos dirigeants et notre jeunesse des leçons apprises, des défis à relever et des ponts jetés vers un leadership pragmatique, résilient et tourné vers un développement endogène durable et inclusif.

 

Khady Gadiaga  7 août 2023

Momar Diack SECK
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