Dans cet entretien accordé à l’Obs, et paru hier lundi, le Membre du Forum civil, Birahim Seck parle du rapport de l’Inspection générale des finances (Igf) et exige des poursuites judiciaires contre les fauteurs. Mais il est revenu largement sur le manque de transparence notée dans la gestion actuelle des marchés publics, chargeant Macky au passage.
«Des enquêtes judiciaires doivent être déclenchées contre les comptables qui ont eu à payer sur la base de ces lettres de confort»
Est-ce que vous avez senti quelque chose de nouveau en termes de transparence dans la gestion actuelle ?
Nous pouvons constater aujourd’hui, comme l’a souligné la Banque mondiale dans les grands projets d’investissements publics, que certains projets ne sont pas réalisés dans la transparence.
Si on fait la cartographie de tous les grands projets qui sont réalisés sous l’ère du Président Macky Sall, on se rend compte qu’il y a des niches de nébuleuse partout. Le marché de réhabilitation du Building administratif a été passé par un appel d’offres restreint, avec un candidat qui n’a aucune qualification, et le montant exact du marché n’est pas communiqué aux Sénégalais. Il y a la construction de l’Unidak 2 qui a été annoncée au départ comme devant passer par un appel d’offres ouvert.
Mais au finish, on se retrouve avec un appel d’offres restreint. Ce sont ces genres de projets qui crèvent le budget de l’Etat et il y a une erreur fondamentale que l’Etat du Sénégal est en train de faire. Vouloir passer des procédures de passation de certains contrats par le Code des marchés publics alors que ce sont des contrats qui doivent passer par la loi portant contrats de partenariat public/privé.
Ils sont en train de faire un forcing pour réaliser des projets avec des paiements différés à travers le Code des marchés publics. La Banque mondiale est en train d’alerter sur la pression que le gouvernement est en train de faire sur le budget de l’Etat en voulant payer leurs projets sur le budget 2015, alors que ces projets doivent être payés sur le paiement différé.
La patronne du Fonds monétaire international (Fmi), Christine Lagarde, a séjourné au Sénégal et a fait des recommandations par rapport à l’économie de notre pays. Qu’en pensez-vous ?
Lors des Assises sur l’Education nationale, le président de la République avait manifesté sa volonté de poser le budget sur la table pour que les Sénégalais en discutent, parce qu’il s’était rendu compte qu’une infime partie des agents publics se partageait une partie importante du budget de l’Etat.
Nous avions répondu par la positive en y ajoutant qu’il fallait donner corps à cette mesure de façon inclusive. Aujourd’hui, les inquiétudes de la Banque mondiale ne font que confirmer ce désastre budgétaire.
Il faut forcément que l’Etat du Sénégal explique aux Sénégalais la répartition de la masse salariale et où vont les indemnités, qui en profite réellement. Il faut qu’on dise qu’est-ce qui justifie ces indemnités, qui en bénéficie et comment sont réparties ces indemnités.
L’Inspection générale des finances (Igf) a fait un rapport où l’on note certaines libéralités dans la gestion des finances publiques, est-ce que cela ne conforte pas vos craintes ?
Les inquiétudes de la Banque mondiale seront davantage accentuées par l’offre spontanée qui est d’accélérer la pression budgétaire sur toutes les entreprises de Btp au Sénégal. La Banque mondiale avait déjà alerté par rapport à ces offres spontanées.
Et on se rend compte que l’histoire lui donne raison parce que les investissements privés sont adossés sur des bases nébuleuses.
Par rapport aux lettres de confort, il s’agit, en réalité, de projets qui datent de 2008 et qui sont perpétués par un régime ayant comme ambition d’asseoir sa politique sur une gouvernance vertueuse.
Ce qui est contradictoire. Ces lettres de confort sont établies avec la complicité de certains agents publics qui n’on aucun amour pour leur pays, car ils aident l’administration politique dans le détournement de deniers publics.
C’est pourquoi, des enquêtes judiciaires doivent être déclenchées contre les comptables qui ont eu à payer sur la base de ces lettres de confort sans s’assurer des faits des prestataires ou des entreprises.
Des poursuites judiciaires doivent aussi être déclenchées. En somme, les complices qui sont dans l’Administration doivent être dénichés. On ne peut pas payer 15 milliards de FCfa dans le vent. C’est inacceptable et c’est incompréhensible dans une République qui se veut vertueuse et sobre.
Source »L’Observateur »