Dialogue National – Modification Des Articles L28 Et L29 Du Code Electoral Khalifa Sall et le cadeau empoisonné

L’Obs– Il y a l’envers et l’endroit. Khalifa Ababacar Sall retrouve ses droits civiques et politiques au gré du consensus acté par la Commission politique du dialogue national pour modifier les articles L28 et L29 du Code électoral.

Le Leader de Taxawu Sénégal est donc libre d’être candidat à la Présidentielle de 2024, mais reste toujours accusé d’avoir profité de ses fonctions pour détourner 1,8 milliard FCfa de la régie d’avance de la mairie de Dakar avec une condamnation à une peine de 5 ans de prison ferme, assortie d’une amendepénalede5millionsFCfa, sans dommages et intérêts, pour «escroquerie aux deniers publics», «faux et usage de faux dans des documents administratifs» et de «complicité en faux en écriture de commerce».

La modification des deux articles du Code électoral ne le lave donc pas de sa condamnation. Un couteau à double tranchant pour le candidat déclaré à la Présidentielle de 2024

L’endroit :

Parlons d’abord de cet énorme gain politique obtenu au sortir du dialogue national.«KhalifaSall a gagné son pari, celui de retrouver ses droits civiques, notamment d’être électeur et éligible. Tout le monde savait qu’il y avait un parfum politique dans l’affaire de la Caisse d’avance. La finalité, c’était de neutraliser sa candidature parce que c’était suite aux divergences qu’il y a dans le Parti socialiste (Ps), quand l’aile radicale a voulu mettre fin au compagnonnage et positionner un candidat pour les socialistes.

Comme Khalifa incarnait une sorte de rébellion contre Ousmane Tanor Dieng, Macky Sall a trouvé l’astuce de la Caisse d’avance. Même s’il y avait des irrégularités dans la gestion, le juge a reconnu dans son jugement que Khalifa Sall ne s’est pas enrichi personnellement avec cet argent», explique Assane Samb, journaliste et analyste politique.

Son avis est partagé par Mamadou Sy Albert, également analyste politique. Il dit: «Khalifa Sall a gagné son pari de retrouver ses droits civiques et politiques. Il va participer à la Présidentiellede2024et c’est important pour sa carrière qu’il soit candidat.» Au sein de Taxawu Sénégal, l’on ne semble pas vouloir analyser la position de Khalifa Sall en termes de gain ou de perte.«Il ne s’agit pas de gagner ou perdre quoique ce soit», affirme Bassirou Samb, responsable des jeunesses de Taxawu Sénégal.

Selon lui, il s’agit purement et simplement d’une injustice qui a été réparée. «Khalifa Ababacar Sall n’a jamais été condamné pour la perte de ses droits civiques et politiques parce que la déchéance des droits civiques et politiques doit être expressément prononcée par le juge, insiste-t-il. Il n’y a aucune juridiction au Sénégal qui l’avait déclaré et pourtant, il a été écarté de la course à la Présidentielle de 2019. Chose qui a été dénoncée par tous les démocrates de ce pays. Au-delà de Taxawu Sénégal, l’opposition sénégalaise regroupée au sein deYewwi Askan Wi, et F24 ont toujours dénoncé le fait que Khalifa Sall soit écarté de la Présidentielle de 2019 de manière injuste et ils ont tous réclamé qu’il soit réintégré et qu’il puisse retrouver ses droits.»

L’envers :

La face hideuse du tableau le présente toujours comme quelqu’un coupable «d’escroquerie aux deniers publics», entre autres. Un fait qui pourrait continuer à saper l’image de l’homme lisse que ses affidés peignent. Mamadou Sy Albert, analyste politique : «D’abord, en tant que candidat, Khalifa Sall va porter cette tâche noire et ça pourra toujours le rattraper. Il va traîner cette tâche d’ici à la Présidentielle et même après parce qu’on ne sait pas ce qui va se passer, si jamais il n’est pas élu. Il retrouve ses droits, va être candidat, mais l’image qui a été ternie par son procès va rester et en plus, c’est sa crédibilité dans la mouvance de l’opposition qui risque d’être affectée.»

Selon Mamadou Sy Albert, «quelque soit le candidat de la mouvance présidentielle, on va le taquiner moralement, dire que c’est un candidat qu in’a pas les mains propres. Pour ses rivaux dans l’opposition, cela peut-être aussi exploité. Est-ce qu’il n’y aura pas encore de remous au sein de la coalition Yewwi ? Est-ce qu’elle va garder la même confiance vis-à-vis de Khalifa Sall ? Il sera suspect et peut-être même écarté.

Il gagne autant qu’il perd et on peut dire qu’il perd plus parce qu’après Ousmane Sonko, c’était lui. Ça va être difficile pour lui de jouer le rôle qu’il devait y jouer, surtout s’il parvient à accéder au second tour. Il y aura des conséquences par rapport à sa position dans la mouvance de l’opposition.»

Un argumentaire que rejette Bassirou Samb de Taxawu Sénégal. «Il ne peut pas y avoir de tâche noire. Chaque chose en son temps. Au-delà des juridictions sénégalaises, partout dans les juridictions internationales, l’Etat du Sénégal a perdu face à Khalifa Sall parce qu’on sait que ce qui s’est passé, c’était tout sauf une justice. Il y avait juste une commande orientée à partir du Palais qu’il fallait exécuter juste pour empêcher un potentiel candidat de se présenter à la Présidentielle de 2019.

Khalifa Sall a l’habitude de le dire, il a été écarté par la politique par le biais de cette politique, il devra retrouver ses droits et le plus important, c’est que justice soit rendue, qu’on n’utilise plus les lois pour éliminer de potentiels adversaires. Il retrouve son éligibilité par les honneurs. Pour le reste, il faut laisser le temps au temps.»

Le journaliste Assane Samb est à peu près du même avis. «Je ne pense pas que l’affaire de la Caisse d’avance puisse être agitée par d’éventuels adversaires parce que c’est ça le risque pour ternir l’image de Khalifa Sall et pousser les électeurs à lui tourner le dos

Il me semble que ce serait très facile pour lui de prouver qu’il ne s’est pas enrichi avec ces fonds et qu’il a tellement fait preuve de loyauté qu’il a évité de révéler la liste des bénéficiaires de cette Caisse d’avance.»

L’analyste politique reste convaincu que Khalifa Sall garde toute son intégrité morale parce que par rapport à sa gestion de Dakar, des résultats engrangés à l’époque, il peut faire prévaloir cela, sa crédibilité, sa moralité.

Mais, assure-t-il : «malheureusement pour lui, il risque d’avoir un autre adversaire en dehors de Macky Sall, ce sera le candidat de Yewwi Askan Wi (Yaw). Ses anciens alliés risquent d’être ses nouveaux adversaires et des adversaires redoutables parce que c’est des gens qui utilisent des moyens non conventionnels de lutte politique et n’hésiteraient pas à faire tout ce qu’il faut pour décrédibiliser Khalifa Sall. Le fait qu’il soit condamné pour détournement en soi est déjà un problème, mais il n’est moralement condamnable que si l’ objectif visé est de s’enrichir personnellement, parce que tout le monde sait que dans les actions de détournement au Sénégal, les gens détournent pour s’enrichir ou enrichir des proches. Je ne vois pas comment on pourrait lui reprocher cela pour entacher sa crédibilité de candidat déclaré à la Présidentielle de 2024.Il y a eu des fautes de gestion, des incohérences, des maladresses, des négligences, mais cela n’entame en rien la crédibilité et l’honorabilité de Khalifa Sall.»

Surtout que pour Bassirou Samb, l’on pourra toujours évoquer ce qu’il appelle un complot politique pour justifier la condamnation de Khalifa Sall. «Khalifa Sall n’a jamais perdu sa crédibilité et son intégrité, malgré ce complot, cette opération organisée pour ternir son image, les Dakarois l’ont élu député à partir de la prison de Rebeuss. S’il avait perdu sa crédibilité, les Sénégalais allaient le sanctionner. Toutes les personnes éprises de justice ont dit que Khalifa Sall est victime d’une injustice. C’était juste pour l’écarter, il n’y avait rien de sérieux, rien de légal. Il reste plus que jamais une réalité politique au Sénégal.» 2024 n’est plus loin

L’Obs

Momar Diack SECK
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