Commerce : le lait local sous la menace de la pandémie de COVID-19 et le dumping des produits laitiers européens.

A l’occasion de la célébration de la Journée Mondiale du Lait, plus de 55 organisations de producteurs de lait local de six pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre-Ouest, membres de la campagne « Mon lait est local », ont associé leurs voix pour réitérer leur appel à l’endroit des dirigeants africains nationaux et régionaux. La filière du lait local est menacée par les impacts de la pandémie du COVID-19 et le dumping des produits laitiers européens.

C’est en ce sens que l’appel vise à amener les chefs d’Etat des pays concernés et les dirigeants des institutions d’intégration des deux régions à agir pour le développement de cette filière qui était déjà en difficulté, et dont la survie est menacée par les impacts de la pandémie du COVID-19 et le dumping des produits laitiers européens.

Les marchés des pays développés vivent une crise du lait à cause d’une surproduction et d’un manque de débouchés.

Selon l’alerte reçue, l’industrie agroalimentaire achète le lait à bas prix aux producteurs européens et l’écoule en Afrique, de l’Ouest notamment, où la filière locale n’arrive pas à s’aligner sur les prix compétitifs : jusqu’à 30% moins cher que les produits d’éleveurs africains.

Une concurrence féroce qui, en dehors du tarif, pose un problème de qualité puisqu’il s’agit de poudre écrémée et ré-engraissée à l’huile de palme ou à d’autres matières grasses végétales (MVG).

Ces produits inondent pourtant le marché africain où le pastoralisme et l’agropastoralisme font vivre et génèrent des revenus participant à la sécurité alimentaire de plus de 48 millions de pasteurs et agro-pasteurs. Les importations ouest-africaines de lait en poudre n’ont cessé de croître depuis une décennie, allant jusqu’à 60% de la balance.

Selon leurs statistiques, en 2018, l’Afrique de l’Ouest a importé 276 892 tonnes de mélange lait écrémé-Matière Grasse Végétale (MVG) en poudre. Presque trois fois plus qu’en 2016 (24%), et 200 fois plus qu’en 2008 (234%). D’après OXFAM et SOS FAIM, ces exportations del’UE de poudre de lait et de mélanges vers l’Afrique de l’Ouest ont consisté à 74,9% en un mélange poudre de lait écrémé-MVG en poudre.

Sur une production ouest-africaine estimée à 4 milliards de litres de lait trait, couvrant environ 50% de la consommation, 2% seulement (60 millions de litre) sont collectés et transformés par les mini-laiteries et l’industrie laitière alors que la collecte industrielle locale fait vivre 15 à 20 000 familles d’éleveurs et de collecteurs directement. A titre d’exemple, la « Laiterie du Berger », au Sénégal,donnedes revenus annuels variant entre 250 000 et 500 000 F CFA par famille ; et en Mauritanie, de nombreuses familles gagnent plus d’un million F CFA/an en étant fournisseurs d’entreprises telles que Tiviski ou TopLait.

Le lait local est en danger en Afrique de l’Ouest. Une menace accentuée par les facilités faites à l’importation du lait en poudre écrémée ré-engraissée à l’huile de palme ou à MGV. Au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) le tarif extérieur commun (TEC) adopté en 2014-2016 prévoit une taxation clémente. La poudre de lait et de mélange MGV en vrac est frappée de 5%, et 20% pour les importations de sacs de mélange MVG de moins de 12,5 Kg.

Les pays concernés sont Burkina Faso, Sénégal, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad. Et la campagne régionale est orientée par un comité de pilotage (COPIL) au niveau régional dont l’Association pour la Promotion de l’Elevage au Sahel et en Savane (APESS) assure la coordination. Si le lait local n’est pas protégé, c’est tout un écosystème et l’ensemble de ses acteurs qui sont menacés.

Les chiffres:

Six pays d’Afrique de l’Ouest et centrale dont les économies et les équilibres sociaux sont menacés.

55 organisations membres impliquées.

48millions de pasteurs et d’agropasteurs en Afrique de l’Ouest, dont la survie est en jeu.

276 892 tonnes de mélange lait écrémé-Matière Grasse Végétale (MVG) en poudre importés d’Europe vers l’Afrique de l’ouest en 2018.

4 milliards de litres de lait produits dont 2 % sont collectés et transformés.

80% des industries laitières installées en Afrique utilisent exclusivement du lait en poudre.

Saphiétou Mbengue
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