Assainissement Et Gestion Des Inondations : Les populations trinquent et pointent du doigt les autorités

Reportage de Vox populi-Le manque d’assainissement dans certaines localités du pays perturbe la quiétude des populations. C’est le cas à Rufisque où plusieurs quartiers cohabitent actuellement avec les eaux stagnantes, les eaux usées dans des rues devenues impraticables à cause de l’érosion.

Au Camp Marchand de Rufisque, les rues sont devenues quasi infranchissables depuis la première pluie de cette année. Ce qui servait de route pour accéder à l’intérieur du quartier est devenu une marre de boue au grand dam des habitants.

«C’est comme ça depuis toujours. Ici, c’est une zone humide. Si en période sèche, nos habitations restent humides. Alors, quand il pleut, c’est plus compliqué. Quand il pleut quelques gouttes, nos rues sont inondées. Même les habitations le sont alors qu’on fait de notre mieux pour nous en sortir. Mais, c’est très difficile», peste Khady Ndao, selon qui, en période hivernale, même le transport est perturbé, dans leurs zones d’habitation

«Depuis des mois, les voitures de transport refusent de venir ici. Hormis les minibus Tâta, il n’y a pas un autre moyen de transport qui prend le risque de venir ici. Les taxis ne veulent plus sillonner le quartier. Alors, imaginez si quelqu’un tombe malade ou une femme veut donner vie, on fera comment ? Le plus grave dans cette histoire, c’est le mutisme des autorités. On avait espoir en elles. C’est pourquoi on avait voté pour elles. Mais, elles sont pires», a-t-elle martelé en faisant référence aux nouveaux maires élus à travers la coalition Yewwi Askan Wi.

Dans cette même commune se trouve l’école Barack de Gouye Mouride où les eaux ont fini par conquérir l’espace. Les salles de classe et la cour de l’école sont devenues verdâtres.

Le constat fait, Mamadou Diop s’en est insurgé : «Bientôt la rentrée et l’école est dans cet état. Depuis des années on fait de notre mieux. Nous, jeunes de ce quartier, prenons nos moyens pour assainir les lieux afin de permettre à nos petits frères d’aller à l’école à temps. Alors que, normalement, c’est la mairie qui doit s’en charger. Mais nous sommes laissés à nous-mêmes. L’assainissement a été et demeurera un problème dans notre zone. Des promesses sont toujours faites, puis, silence radio. Cette situation est très triste avec la rentrée qui s’approche».

Il déplore les «subventions octroyées aux ASC» qui, dit-il, «pouvaient vraiment aider ces écoles et faciliter la rentrée et les conditions d’apprentissage de nos enfants et petits frères. Si j’ai quelques volontaires on va faire quelque chose avant la rentrée, on va y travailler».

A Bargny, une autre localité du département de Rufisque, les soucis sont les mêmes. Dans certains quartiers périphériques de cette commune comme Bargny Kipp, Bargny Ville Verte, c’est les pieds dans l’eau. Pour vaquer à leurs activités, les populations doivent avoir du cran et faire preuve d’une agilité pour effectuer des enjambées afin d’éviter de patauger dans les eaux stagnantes

Le marigot de Mbao remblayé pour nécessité d’habitations, des riverains alertent

Awa Ndoye, une dame qui habite juste à quelques mètres de la gare du Train Express Régional de Bargny, relate le calvaire des riverains.

«Nous n’avons plus la paix depuis quelques temps. Le manque d’assainissement est un véritable problème ici à Bargny. Nos routes sont impraticables et il faut contourner certains axes routiers, sauter pour ne pas patauger ou glisser dans la boue, pour pouvoir continuer sa route. Nous sommes en période hivernal et le paludisme est là.

Les moustiques ont envahi nos maisons. Les eaux stagnantes dans les rues n’arrangent pas les choses. Imaginez-vous une personne qui peine à assurer les repas quotidiens, comment ferait-elle pour acheter des ordonnances pour sa famille ? Le cadre de vie est un véritablement problème ici. Mais on laisse tout entre les mains de Dieu. Peut-être qu’un jour les autorités prendront notre sort en priorité», a confié cette mère de famille.

 

Si Bargny déplore son sort, Mbao, elle n’est pas en reste. Dans cette localité, la gestion des inondations demeure un casse-tête pour l’équipe municipale dirigée par l’ancien ministre de l’Environnement, Abdou Karim Sall. Dans cette commune, même les locaux de la mairie n’y échappent pas. Chaque année, il faut de gros moyens pour évacuer l’eau de pluie. Mais, un autre problème plus grave guette cette localité. C’est le marigot de Mbao qui a été remblayée pour permettre à des tiers d’y habiter

Cet acte posé pour loger des populations est de nature à susciter des craintes chez Ama Pouye. Celui-ci natif de Mbao ne cache pas son inquiétude et ses regrets.

«Nous alertons depuis des années sur ce danger. Les autorités pratiquent à Mbao la politique de l’autruche. Mais, une grande catastrophe peut se produire ici à Mbao. Des gens véreux s’attaquent aux réserves naturelles. Même la forêt classée de Mbao n’est pas épargnée. Alors, elles attendent que se produisent des soucis majeurs, pour mobiliser de gros moyens et faire semblant d’intervenir. L’eau va reprendre sa place, car il n’y a pas un vrai programme d’assainissement ici à Mbao et ses environs. Oui, il faut le dire. Les autres quartiers périphériques souffrent le plus. Les populations ont tout perdu à cause des inondations.

Les promesses d’une autorité ne règlent jamais les problèmes des populations. Il faut que les populations commencent à penser comment s’unir pour prendre en charge leurs problèmes. Certains quartiers le font déjà en cotisant pour faire des routes pavées, des canaux pour évacuer les eaux pluviales». Des initiatives qui prennent forme un peu partout.

C’est le cas de Diokoul où ce sont les populations elles-mêmes qui ont apporté leur contribution pour construire des routes pavées. A Ndar Gou Ndaw, les habitants qui ont dû faire face, des décennies durant, à des inondations causées par le manque d’assainissement. Elles ont fini par financer, sur moyens propres, un réseau d’assainissement pour leur localité.

Des populations obligées de casser leur tirelires pour financer des ouvrages publiques contre les inondations

Il existe beaucoup d’autres zones d’habitations qui n’ont pas encore pris ces genres d’initiatives et qui, aujourd’hui, encore pataugent. C’est le cas à Saint-Louis, où cette année encore les eaux de pluie ont envahi les artères de certaines localités. Une vue aérienne montre l’image d’une ville dans les eaux comme Venise. Le programme d’assainissement, dans cette ancienne Capitale du Sénégal, est un échec, selon Abdoulaye Boye, un activiste, natif de cette localité.

«Chaque année, c’est le même schéma. Les autorités adorent jouer les héros en se constituant comme les sauveurs par excellence des sinistrés, avec les titres ridules ‘’M. X au chevet de la population…’’. Alors qu’en réalité, aucune proposition, aucun acte allant dans le sens de régler de manière définitive le problème de l’inondation. Rien que de la propagande pour se faire bonne presse. Chercher des motopompes pour évacuer l’eau à SaintLouis est un aveu d’impuissance, d’incapacité et d’échec lamentable. A Darou-Médine, depuis 1990, c’est le même problème, le même schéma politique», argue-t-i

Boye dit savoir, comme beaucoup de ses semblables, ce qui peut régler la question des inondations à Saint-Louis. «Nous savons ce qui peut régler le problème, mais vous persistez à nager dans l’océan de la médiocrité politique. Il faut que la population souffre pour qu’elles puissent montrer leur importance», accuse-t-il les autorités. Loin de cette capitale du Nord,

Dakar connait, elle aussi, son lot de sinistrés des inondations. A la zone de Captage, à Grand-Yoff et environs, les soucis auxquels étaient confrontées les populations, l’année dernière, ont fait que les autorités ont lancé les travaux pour augmenter la capacité du bassin de rétention de cette localité.

Mais de toutes les localités, cette année, c’est Touba qui semble remporter la palme, lors de l’édition du Magal 2023 où la localité a connu de fortes perturbations du fait des inondations. Il faut, cependant souligner qu’à l’exception de certaines communes de Dakar, aucun système de drainage systématique n’a pratiquement été installé dans les régions.

A la suite des graves inondations intervenues en 2009, un plan directeur de drainage a été formulé en 2012 par l’Agence de Développement Municipal (ADM), pour les départements de Pikine et Guédiawaye (PDD), ainsi que le projet les mettant en œuvre (PROGEP) avec l’appui de la Banque mondiale. Dans le département de Dakar, le Plan directeur de drainage et d’assainissement à l’horizon 2025 (PDA) a été élaboré par l’Office national de l’Assainissement du Sénégal (ONAS), avec l’appui de l’UE, en 2013. Le réseau inadéquat pointé du doigt comme étant la principale cause de ces inondations cela, alors que beaucoup de populations ont élu domicile dans des zones non aedificandi, donc non habitables

Vox populi

Mamadou Nancy Fall
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