APPEL AU REFUS DE L’ORGANISATION D’UN REFERENDUM DELOYAL ET INOPPORTUN

Après le rendez-vous manqué (tout à fait prévisible pour tout observateur averti) du Président Macky Sall avec l’histoire vertueuse, la clameur diffuse qui a suivi a fini en une situation de cacophonie empêchant, du coup, une bonne approche du problème mettant en jeu les responsabilités présentes et passées, les enjeux et les conséquences de la mascarade présidentielle.

Oui, le Président Macky Sall a trahi la parole donnée à son peuple, en se soustrayant si flagrammant et si légèrement de son engagement de réduire le mandat en cours de sept à cinq ans. Et il a trahi « le peuple » des assises nationales en ne respectant pas son engagement d’appliquer les réformes préconisées par la charte des assises et matérialisées par l’excellent travail de la CNRI. Ainsi, il a perdu toute légitimité et le minimum de crédibilité qui lui restait aux yeux de la plupart des sénégalais. Au-delà, c’est la parole et l’honneur du sénégalais qui n’ont plus de valeur sur l’international, puisque le premier d’entre nous s’est trimbalé de chancellerie en chancellerie, et sur des plateaux de télévisions étrangères pour crier urbi et orbi sa décision ferme de réduire son mandat. Aujourd’hui, le sentiment qui traduit le mieux le ressenti des sénégalais, c’est la HONTE ! Ce reniement, une fois encore, a été commis avec l’aide d’un organe habitué des faits, une institution judiciaire récidiviste, au cœur de toutes les forfaitures politico-juridiques qui ont failli, à plusieurs reprises, plonger le pays dans le chaos du feu et du sang, et dont les membres se font pourtant affubler de la pompeuse appellation de « sages ». Faut-il en rire ou en pleurer !

En vertu de quelles règles ou de quels principes généraux du droit est-ce que cinq citoyens sénégalais, quel que soit le mythe dont est revêtue l’institution qu’ils représentent, se permettent de se substituer au seul souverain qu’est le peuple sénégalais?

Le Conseil constitutionnel, encore une fois, a outrepassé ses prérogatives pour se mettre au service d’un dessein politique. Fallait-il en attendre autre chose pour des magistrats triés sur le volet par ce même Président de la République et arrosés d’avantages financiers, fonciers et matériels au-dessus de tous les standards de leur corporation ? Dixit Macky Sall, réagissant à la validation de la candidature du Président Wade en 2012 par le Conseil constitutionnel.

Dès lors, le rideau tombé sur les deux acteurs principaux, la tragi-comédie pouvait mettre en scène les autres acteurs, pour rajouter à la confusion.

D’abord l’opposition dite significative, avec à sa tête le PDS et ses excroissances, essayant de profiter des errements moraux et de l’incompétence du régime de Macky SALL, pour créer une sainte alliance, dont il serait la locomotive bien entendu, et se racheter une « virginité » et une crédibilité politiques. Comme si l’histoire n’était pas encore fraîche dans nos mémoires politiques juvéniles et comme si le passé récent n’était pas jonchés des mêmes délits politiques portant leur empreinte, et qui nous valent d’ailleurs cette situation. Il n’est pas besoin d’énumérer la longue liste, rappelons simplement que c’est le Président Abdoulaye Wade et le PDS qui, en 2008, avaient illégalement modifié la constitution pour faire passer le mandat à 7 ans au moyen d’une loi constitutionnelle votée par l’Assemblée nationale alors présidée par un certain… Macky Sall. Hé oui, Acta est fabula.

Ensuite une certaine société civile-politique, que l’on entend très peu ou pas du tout sur les vrais débats économiques ou les scandales à répétition, très prompte à ruer sur les brancards dès qu’il est question de débats sur les institutions et la politique. Cette frange de la société civile qui abdique sans combattre, préférant se ranger d’emblée dans le cadre tracé par le Président Macky Sall, et entrer dans sa campagne pour appeler à voter non. Plus question du mandat, ni de respecter l’esprit des assises nationales, encore moins les propositions de la CNRI. Ce faisant elle accepte de compléter le tableau constitué des deux blocs politiques ci-dessus qui, en réalité, ne sont que les faces d’une même pièce.

QUE PROPOSE ALORS PASTEF-LES PATRIOTES ?

Fidèle à la philosophie et aux principes qui guident son action, PASTEF se refuse à une vision de la question seulement circonscrite aux dimensions politique et juridique mettant en avant une poignée d’hommes et de femmes prétentieux et arrogants qui, à eux seuls, pensent déterminer l’avenir de toute une nation. Et le PEUPLE dans tout cela ?

Cette simple question oblige à se pencher sur une approche alliant les aspects qualitatifs et quantitatifs afin d’établir un bilan coût-avantage et de juger de l’opportunité de l’organisation de ce référendum au regard des difficultés et priorités du peuple qui souffre dans sa chair.

Un référendum est une élection, un scrutin, une charge budgétaire donc. Il coûte beaucoup d’argent, tiré de l’impôt, c’est à dire de l’effort contributif pécuniaire des sénégalais. Ces moyens budgétaires, dans un pays pauvre qui en manque cruellement, auraient pu servir ailleurs, à construire des salles de classes en lieu et place d’abris provisoires, des postes de santé en milieu rural, à créer de l’emploi pour une jeunesse désemparée, à apaiser le climat social dans l’enseignement supérieur, l’éducation nationale, la santé, les collectivités locales…, à relancer les entreprises en difficulté, à entreprendre des infrastructures routières, hydrauliques, énergétiques….

Si l’on sait qu’aucun crédit électoral n’a été inscrit dans la loi de finance initiale au titre de l’année 2016, le financement de ce scrutin se fera obligatoirement au moyen de transferts de crédits qui relèvent, quelque part d’un, « détournement » du pouvoir législatif budgétaire

Le gouvernement a annoncé un budget de 3,2 milliards pour ce référendum, montant largement sous-évalué puisque ne tenant pas compte des milliards mobilisés pour alimenter les moyens de campagne en faveur du oui de certains ministres, députés, directeurs généraux, directeurs… du régime qui sillonnent déjà le pays avec des mallettes d’argent.

Partant, la seule justification recevable à l’organisation d’un tel référendum, c’est qu’il soit porteur de réformes consolidantes pour notre démocratie et nos institutions.

Qu’en est-il réellement, à l’examen minutieux du texte de l’avant-projet ? Nous répondrons à cette question à travers un examen des limites objectives du document en question.

LES INSUFFISANCES, RECULS ET OMISSIONS DU PROJET : TOUT CHANGER POUR QUE RIEN NE CHANGE !

La position du Président de la République reste fidèle à l’architecture  institutionnelle actuelle

Dans le texte, à l’heure actuelle, qui devrait être soumis au Parlement, en réalité, on ne change pas les articles 42 à 52 (les pouvoirs du président de la République), autrement dit, le régime se maintient. Ce régime d’un présidentialisme excessif laisse peu de place à des mécanismes de pluralisme, de diversité, de transparence, de responsabilité, qui incombent à d’autres organes constitutionnels (les contre-pouvoirs constitutionnels étant,  tous en réalité, sans aucun pouvoir : législatif, judiciaire, Conseil supérieur de la magistrature, collectivités territoriales, OFNAC, CNRA, CENA, ARTP, médias, etc.).

Le plus cocasse dans le projet, c’est que le Président Macky SALL va jusqu’à prévoir les conséquences politiques de son parjure, notamment par un vote sanction massive aux législatives de 2017 qui le contraindrait à la cohabitation. Ainsi, prévoit-il la possibilité pour le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, d’engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou tout autre projet. Lequel projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Cette disposition constitue une pâle copie du modèle français, mais en plus vicieuse, car ce dernier ne s’applique qu’aux projets de lois relatives à la fiscalité ou la sécurité sociale.

Enfin à quoi sert d’étendre le pouvoir de contrôle de l’Assemblée Nationale aux directeurs généraux des établissements publics, des sociétés nationales, des agences d’exécution sans un renforcement des capacités techniques (formation et mise à niveau) et humaines (recrutement d’assistants parlementaires) de cette institution.

Par ailleurs, beaucoup de constitutionnalistes focalisent leur analyse sur les relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, alors, qu’aujourd’hui, il y a d’autres pouvoirs, des tiers pouvoirs qui sont tout à fait essentiels, qui ont un rôle de régulation et d’arbitrage qui n’est pas proprement politique. D’où l’objectif, c’est la portée de la vision de PASTEF, qui consiste à renforcer la résonance, la portée et les garanties d’indépendance de ces tiers pouvoirs. Ces tiers pouvoirs sont tout dans la société et rien dans la Constitution.

Les pertinentes propositions de la CNRI avaient d’ailleurs préconisé leur renforcement avec, notamment, la constitutionnalisation d’autorités administratives indépendantes tels le Médiateur de la République, l’Autorité de Régulation de la Démocratie et le Conseil de Régulation de la Communication.

Le Conseil des Collectivités territoriales, le statut de l’opposition : des objets juridiques non identifiés

Concernant le Conseil des Collectivités Territoriales, il s’agit d’un simple organe consultatif qui devrait intervenir sur tous les textes concernant les collectivités territoriales. Mais à ce niveau, nous émettons des réserves qui sont principalement de deux ordres : d’abord, sa place dans l’architecture constitutionnelle n’est pas précisée, ensuite, il existe déjà le Conseil économique social et environnemental dont les compétences consultatives risqueraient de faire naitre des conflits de compétences. La présentation très réductrice dans le projet de révision renseigne sur le caractère flou de cette institution qui, en réalité, cache mal une opération politicienne de restauration d’un Sénat pour caser une clientèle politique pléthorique et inutile. Encore des milliards à budgétiser au détriment des priorités du peuple qui souffre déjà des conséquences d’un acte III de la décentralisation aux motivations essentiellement politiques.

Le statut de l’opposition a été posé depuis l’adoption de la Constitution du 22 janvier 2001 (article 58). Toutefois, ce statut reste toujours ambigu car, il n’est pas défini. Il y a d’abord un problème de fond à régler préalablement : sommes-nous dans un régime parlementaire ? Auquel cas, le chef de l’opposition serait-il le chef du second choix à l’élection présidentielle ou le chef du parti ou de la coalition de partis arrivés seconds aux élections législatives ? Une question qui ne manquerait pas de soulever beaucoup de difficultés. D’autant que le projet supprime toute référence à la notion « d’opposition parlementaire » pourtant inscrite dans la constitution de 2001.

La nomination des juges constitutionnels toujours entre les mains du Président de la République

Parmi les propositions se trouvant dans le projet de révision, il est prévu notamment, de donner au Président de l’Assemblée nationale la possibilité de proposer deux membres du Conseil constitutionnel. On peut imaginer que l’exercice et la portée de ce nouveau pouvoir risqueraient d’être limités du fait de l’existence d’un bloc majoritaire et de la fusion entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif, le président de l’Assemblée Nationale étant élu sous la dictée du président de la République.

La composition actuelle du Conseil constitutionnel laisse subsister le soupçon d’une juridiction politisée avec des décisions orientées en faveur du pouvoir. Il y a un grand écart entre le mode de nomination de ses membres et son fonctionnement qui doit être essentiellement juridique. Ce point n’est qu’une simple réformette d’autant plus que la CNRI avait proposé la création d’une Cour constitutionnelle ; proposition beaucoup plus ambitieuse.

La participation des candidats indépendants à tous les types d’élections : beaucoup d’incertitudes

C’est un faux-semblant d’avancée du moment que les candidatures indépendantes existent déjà sauf en ce qui concerne les élections locales. Au-delà, il faut s’interroger sur certaines bizarrerie ou confusions puisqu’un député qui démissionne de son parti perd son mandat alors que les indépendants ne sont généralement pas investis par des partis politiques. N’est-ce pas là l’ouverture d’une boite de pandore à un mandat impératif ? Vaste question !

Les devoirs du citoyen : Un véritable danger et la porte ouverte à toutes les dérives arbitraires

C’est l’ouverture à toutes les dérives arbitraires. L’histoire révèle que les devoirs ne tombent jamais du ciel, les droits non plus. Il y a aussi un autre paradoxe : au moment où l’on parle de devoirs du citoyen, on oublie la responsabilité des gouvernants, alors que l’article 101 de la Constitution est toujours sujet à polémique. Ainsi la classe politique, principale gangrène du système politique et de la gouvernance publique, demeure une caste intouchable, si ce n’est entre eux dans le cadre des règlements de compte politiques comme c’est le cas avec la CREI.

L’exception d’inconstitutionnalité : une fausse révolution à la sauce Macky SALL

Cette procédure existe depuis 1992 avec la loi du 30 mai 1992. Aujourd’hui, la possibilité offerte au citoyen pour la soulever devant la Cour d’Appel ne change rien, d’autant plus que certaines régions comme Diourbel n’ont pas de Cour d’Appel. Il aurait été nécessaire de permettre aux justiciables de pouvoir la soulever devant le tribunal de grande instance. Sans possibilité de soulever l’exception devant les juges du fond, il ne pourrait y avoir une vraie exception d’inconstitutionnalité.

EN CONCLUSION, l’exercice a établi que ce projet qui sous-tend le référendum ne répond à aucune préoccupation fondamentale:

  • Le référendum ne permet de réaliser aucune avancée significative et consolidante, ni pour notre démocratie et son système politique, ni pour la vitalité de nos institutions ;
  • Le référendum comporte des dispositions dangereuses et permissives qui, à bien des égards, nous ramènent des décennies en arrière ;
  • Le référendum entraine un coût budgétaire irrationnel.

Aussi, PASTEF-LES PATRIOTES, fidèle à son sacerdoce d’être en tous temps et circonstances du côté exclusif du brave peuple sénégalais, refuse-t-il de se laisser enfermer dans le cadre bien tracé par le régime et qui n’autorise à ne répondre que par un Oui, un Non ou un boycott du référendum.

Une autre posture existe bien, et en dehors du cadre. Elle consiste à appeler le peuple, seul souverain, à reprendre sa souveraineté déléguée et à refuser l’organisation de cette mascarade gabegique dans le seul but de couvrir le parjure d’un homme.

Cet appel ne s’assimile nullement à un boycott, il va au-delà. Il se veut actif et citoyen, c’est pourquoi il sera accompagné d’une pétition nationale et internationale au slogan de « REFERENDUM, NOUS N’EN VOULONS PAS ! ».

De même, au regard du caractère illégal que revêt l’organisation d’un scrutin en pleine révision des listes électorales, PASTEF envisage, en rapport avec d’autres forces vives et républicaines nationales, d’introduire des recours  auprès des juridictions compétentes.

Sénégalaises sénégalais, forces vives de la nation, nous tenons une occasion historique de rappeler à une classe politique méprisante, arrogante et peu soucieuse de son peuple, que la souveraineté appartient exclusivement à ce dernier. Ne la ratons pas !

Pour le Comité de Pilotage,

 

 

            Le Président Ousmane SONKO

 

 

Saër DIAL

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Saër DIAL

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