88 ans ! Le deuxième président du Sénégal est un homme béni. Depuis sa sortie de l’Enfom, il est au service de l’humanité. Abdou Diouf est un homme poli. Un fonctionnaire bien formé. Un cadre très bien encadré à l’époque. Un président mesuré. Un chef d’Etat modèle. Un homme grand. Un grand homme. Combattu durant tout son règne de 1981 à 2000, il a fini par se retrouver à la tête de l’organisation internationale de la francophonie suite au parrainage de Jacques Chirac et Abdoulaye Wade. La consécration. Le Graal. Le job fait, il préféra se retirer pour enfin mener une vie normale.
Diouf incarne la république dans toute sa rigueur mais surtout dans toute sa splendeur. Mise sobre, gestes majestueux, attitudes raffinées, verbe sans verve, regard autoritaire, Diouf avait tout pour séduire. Oui, il était coupé du peuple. Oui, il n’a pas fait du Sénégal un pays riche mais il a réussi à consolider l’héritage de son prédécesseur pour léguer un État à son successeur. Si on le regrette c’est parce que ses successeurs ont souvent confondu famille, parti et État avec en prime un enrichissement rapide et ostentatoire de leurs proches au détriment d’un peuple appauvri et fatigué.
Aujourd’hui, le Sénégal recherche désespérément un Président à la dimension de sa notoriété. Le Sénégal, touchons du bois, a une trajectoire singulière en Afrique. Transitions démocratiques douces, libertés publiques garanties, pluralité médiatique réelle, architecture institutionnelle digne des grandes démocraties, forces de défense et de sécurité formées, une stabilité enviée…
Quoi de plus ? Le peuple manifeste sa soif de gouvernance transparente, d’une magistrature indépendante, d’un environnement des affaires assaini, d’une classe politique républicaine et non cupide. En un mot, un pays où la méritocratie consensuelle prime sur le népotisme. Savoir que Abdou Diouf a quitté la présidence de la république sans posséder une parcelle de terre surprend dans un Sénégal où le plus petit promu ou élu amasse des hectares de terre faisant dire à Macky Sall que les litiges fonciers jonchent son bureau.
La cinquantaine de candidats déclarés doit subir une cure de désintoxication politicienne avant de recevoir la sève républicaine dans leur veine. Faute de quoi, nous serons dans un éternel recommencement avec des Présidents indignes d’un Sénégal qui avance et dont le peuple veut urgemment savourer les effluves d’une émergence chantée par des bouches mal remplies et qui ne doivent pas rempiler.
S L’Essentiel