Afrique de l’Ouest : Trois domaines d’intervention prioritaires destinés à une alimentation durable, suffisante, abordable et nutritive de la population

Un nombre record de 18,6 millions de personnes ont actuellement besoin d’une aide alimentaire en Afrique de l’Ouest selon le Réseau de prévention des crises alimentaires. Alors qu’une action humanitaire urgente et immédiate est nécessaire pour protéger les populations vulnérables, la nouvelle publication de la Banque mondiale et de la FAO apporte un nouvel éclairage sur les défis et les opportunités associés à des phénomènes de long terme de plus en plus prégnants : le changement climatique, la croissance démographique, l’urbanisation, l’évolution des habitudes de consommation et les progrès technologiques.

Le rapport, dont les conclusions ont été conjointement adoptées par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CLISS), le Conseil ouest et centre africain pour la recherche et le développement agricoles (CORAF) et le Programme de recherche du CGIAR sur le changement climatique, l’agriculture et la sécurité alimentaire (CCAFS), reflète un large consensus entre les acteurs régionaux.

Le Plan-directeur pour augmenter la résilience des systèmes alimentaires en Afrique de l’Ouest identifie trois domaines d’intervention prioritaires au niveau régional, dont la mise en œuvre simultanée est essentielle pour fournir à la population une alimentation suffisante, abordable et nutritive à moyen et long terme : le renforcement de la base productive du système alimentaire, en promouvant une agriculture climato-intelligente au niveau des exploitations et des paysages ; la promotion d’un environnement favorable au développement de la chaîne de valeur intrarégionale et à la facilitation des échanges commerciaux ; et l’amélioration de l’architecture régionale de gestion des risques et des outils d’aide à la décision à l’intention des agriculteurs.

Pour chaque domaine d’intervention, le rapport propose une série d’initiatives phares régionales, en détaillant les activités préconisées, les mécanismes de mise en œuvre, le rôle des différents partenaires et d’autres aspects opérationnels. Une conférence virtuelle à laquelle ont activement participé 400 représentants des parties prenantes d’Afrique de l’Ouest a permis d’identifier ces initiatives. Celles-ci pourraient par exemple s’attacher à :

  • Accélérer la transformation du système régional d’innovation agricole, dans le prolongement du Programme de productivité agricole en Afrique de l’Ouest, en développant des compétences régionales dans des domaines transversaux tels que la mécanisation et la gestion des ressources naturelles pour compléter le réseau existant d’institutions spécialisées ;
  • Instaurer un mécanisme de suivi de la capacité des pays à mettre en œuvre les politiques commerciales dans le cadre de la CEDEAO, afin d’accroître la responsabilité mutuelle des États et de créer des incitations pour réduire les obstacles persistants au commerce agroalimentaire et élargir les débouchés des producteurs et des négociants ;
  • Renforcer la capacité institutionnelle et la coopération public-privé pour fournir aux agriculteurs des conseils agronomiques et des informations météorologiques adaptés à leurs besoins, en tirant parti de la généralisation des technologies numériques dans la région.

 

Plusieurs initiatives phares font déjà l’objet de possibilités de financement par le biais d’opérations en cours de préparation, à savoir notamment le Programme de résilience du système alimentaire en Afrique de l’Ouest (FSRP), qui sera financé par la Banque mondiale. D’autres partenaires devraient apporter leur concours financier à d’autres initiatives régionales.

 

Paroles d’Experts :

Alain Sy Traoré, directeur de l’agriculture et du développement rural, Commission de la CEDEAO « Forte d’une solide expérience en matière de coopération régionale et internationale, l’Afrique de l’Ouest a remarquablement réussi à atténuer les effets des crises alimentaires provoquées par les chocs climatiques, sanitaires et économiques. Il est néanmoins impérieux de consacrer davantage de ressources financières et humaines pour relever les défis à long terme de la sécurité alimentaire, tels que l’augmentation rapide de la demande alimentaire, le changement climatique et la dégradation de l’environnement. »

Souleymane Ouedraogo, directeur général, CILSS/AGRHYMET : « La diffusion des technologies numériques en Afrique de l’Ouest pourrait accélérer les progrès de la région vers la réalisation des objectifs de résilience fixés par l’Union africaine. Par exemple, l’amélioration des systèmes numériques d’alerte précoce et des outils de conseil agrométéorologique pourrait permettre à de nombreux producteurs, actuellement mal desservis par les systèmes de vulgarisation agricole, de mieux s’adapter à la variabilité croissante du climat. »

Abdou Tenkouano, directeur exécutif, CORAF : « Une convergence sans précédent de facteurs perturbateurs pèse de plus en plus sur l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur alimentaire et agricole de l’Afrique de l’Ouest. La région doit relever le double défi de maintenir sa capacité à répondre aux besoins immédiats en matière de sécurité alimentaire tout en intensifiant ses efforts pour se préparer aux chocs futurs en faisant preuve d’une anticipation suffisante. »

Robert Zougmoré, responsable du programme Afrique, CGIAR/CCAFS : « Si la pandémie de COVID-19 a exposé les fragilités du système alimentaire de l’Afrique de l’Ouest, les efforts concertés déployés pour promouvoir son redressement offrent une occasion unique de donner à la région les moyens de fournir à tous une alimentation suffisante et nutritive. Les principales mesures devraient viser à : 1) tirer parti de l’augmentation des investissements dans les systèmes alimentaires dans le contexte de la pandémie ; 2) adopter des pratiques innovantes comme l’agriculture climato-intelligente ; 3) rendre les politiques commerciales régionales plus équitables ; 4) investir dans des systèmes d’alerte précoce ; et 5) favoriser le maintien en bonne santé de la main-d’œuvre agricole. »

Alberta Mascaretti, responsable du service Afrique subsaharienne, Centre d’investissement de la FAO : « Les interventions futures devraient continuer de mettre l’accent sur les investissements productifs indispensables à l’échelon des agriculteurs, mais aussi accorder une plus grande attention aux maillons en aval de la chaîne de valeur. L’adoption d’une approche intégrée des systèmes alimentaires et la valorisation des connaissances et de l’expérience locales des diverses catégories de parties prenantes, notamment les petits agriculteurs et leurs organisations ainsi que les micro, petites et moyennes entreprises, permettront d’accomplir des progrès plus durables en matière de résilience. »

Chakib Jenane, responsable du Pôle d’expertise mondiale en agriculture pour l’Afrique de l’ouest à la Banque mondiale : « L’amélioration de la productivité agricole et de la résilience du système alimentaire est essentielle pour atténuer les chocs futurs dans la région. Cela nécessite : (i) des investissements substantiels dans les intrants et capitaux pour une agriculture intelligente face au climat ; (ii) l’accélération de l’utilisation des innovations numériques qui peuvent aider les petits exploitants à faire face aux crises futures ; (iii) le développement des infrastructures de marché permettant à la région de bénéficier des augmentations de production ; et (iv) une mobilisation accrue des capitaux privés pour promouvoir l’agrobusiness et stimuler une croissance durable du secteur à long terme ».

Source Banque Mondiale

Momar Diack SECK
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