À la découverte de Mame Cheikh Anta Mbacké “Borom Dërëm ak Gërëm” (le nanti et l’agréé)

La communauté mouride a célébré mardi 28 mai le Magal de Mame Cheikh Anta Mbacké. À cette occasion, ‘’EnQuête’’ vous parle de ce petit frère de Serigne Touba Cheikh Ahmadou Bamba Khadimou Rassoul, affectueusement appelé ’’Borom Dërëm ak Gërëm’’ (le nanti et l’agréé) ou le grand argentier de la communauté de Serigne Touba.

Dans la communauté mouride, Mame Cheikh Anta Mbacké est très bien connu, car il fait partie des très proches de Serigne Touba Cheikh Ahmadou Bamba Khadimou Rassoul. À son endroit, Bamba avait dit : ‘’Ce que j’avais à offrir je l’ai offert à Mame Cheikh Anta Mbacké.’’

Quand le cheikh est rentré du Gabon, il lui avait réservé un accueil chaleureux. Il avait mis les petits plats sur les grands pour rendre ce jour inoubliable.  Sans oublier les autres dépenses faites à l’endroit de ses fils.

Mame Cheikh Anta Mbacké est l’un de ceux dont la détermination inflexible au service de Cheikhoul Khadim a contribué de façon décisive dans le développement de la Mouridiya et de son inscription dans une courbe irréversiblement ascendante. Il était cette grande figure emblématique de la Mouridiya que d’aucuns n’ont pas hésité à dépeindre comme le grand argentier de la communauté de Serigne Touba.

Cheikh Sidy Moukhtar Mbacké, plus connu sous le nom de Mame Cheikh Anta Mbacké ou de Borom Gawane a vu le jour à Porokhane, dans le Rip en 1867. Selon le site mourdies.com, les sources ne s’accordent cependant pas sur la date de sa naissance. Certaines la situent en 1861, d’autres en 1863.

Ce qu’il est important de savoir, c’est qu’il a le même père que Cheikhoul Khadim, c’est-à-dire de Serigne Momar Anta Sally. Sa mère, la vertueuse Sokhna Anta Ndiaye Mbacké était une cousine de Sokhna Diarra Bousso, la mère de Khadimou Rassoul. Ainsi, les deux frères, en dehors du lien de sang qui leur vient de leur père commun, sont aussi des cousins par leurs mères.

Cheikh Sidy Moukhtar Mbacké a appris le Coran et les sciences religieuses auprès de maîtres très célèbres. Il s’agit de Serigne Dame Abdou Rahman Lo et de Serigne Mor Seck qui lui ont enseigné le Coran.

Il fit ses humanités en sciences religieuses auprès de Serigne Mor Diarra son frère aîné. Après ses études, il rejoignit Cheikh Ahmadou Bamba qu’il ne quittera plus jamais. Auprès de Khadimou Rassoul, il reçut une formation solide qui fera de lui un homme efficace, intègre sachant poursuivre avec opiniâtreté son objectif et donner le prix qu’il faut pour impacter l’agrément de son maître.

La richesse du saint homme

Cheikh Anta Mbacké vouait une obéissance totale à son frère et respectait à la lettre ses recommandations. Il avait, à l’instar de ses autres frères, troqué le lien de sang contre l’allégeance. Il était toujours en quête de son agrément. Cheikh Sidy Moukhtar, grand travailleur, en plus des exploitations agricoles qu’il entretenait avec ses disciples, faisait également du commerce et s’impliquait dans tous les domaines pouvant lui rapporter quelque chose. ‘’Par la grâce de Dieu, il était nanti et mettait sa richesse au service du cheikh. Il était généreux et aidait les nécessiteux’’, a informé la même source.

Origine du Magal de Darou Salam

La fidélité et l’attachement au maître valurent au disciple d’être un homme de confiance. Fidèle disciple, Mame Cheikh Anta a été l’une des rares personnes à avoir rendu visite à Serigne Touba à Lambaréné lors de son exil au Gabon. De ce voyage mémorable, il a rapporté des écrits du Cheikh et des reliques, dont un lit. Il a également rapporté des directives destinées à Mame Thierno Ibra Faty qui avait en charge les destinées de la communauté en l’absence du maître. Il a surtout apporté aux talibés la certitude que le maître était bien vivant et qu’il allait revenir parmi les siens, contrairement aux informations distillées par l’autorité coloniale dans le but de les démoraliser.

Le 11 novembre 1902, quand le cheikh revint de l’exil, c’est lui qui eut l’insigne honneur de monter sur le bateau qui ramenait Cheikh Ahmadou Bamba au port de Dakar pour l’accueillir et le conduire sur la terre ferme, après presque huit ans d’exil.

À Darou Salam, il eut ensuite l’immense bonheur d’organiser les festivités marquant le retour triomphal de Cheikh Ahmadou Bamba parmi les siens et ses disciples. Ces festivités demeurées mémorables sont chaque année commémorées dans la ferveur et l’enthousiasme. C’est le fameux Magal de Darou Salam. Il faut d’ailleurs signaler que c’est à lui que le Cheikh lui concéda Darou Salam, la première cité qu’il a fondée dans la quête de la solitude nécessaire pour rendre un culte exclusif à Dieu et Dieu seul. Ceci n’est que le résultat de l’engagement et de la fidélité.

En 1922, c’est Mame Cheikh Anta a été désigné par le cheikh pour conduire la délégation envoyée à Tivaouane pour présenter ses condoléances lors du rappel à Dieu de Seydi El hadji Malick Sy.

Lorsque le Cheikh fut placé en résidence surveillée en Mauritanie (1903 – 1907) et au Djolof (1907 – 1912), Mame Cheikh Anta servit aussi de relais entre lui et sa communauté.

Pendant cette même période, il s’employa également à désamorcer tous les pièges par lesquels l’autorité coloniale et ses suppôts locaux ont tenté de contrecarrer le développement du mouridisme. Son voyage à la Mecque est également à inscrire dans le cadre de la fidélité du disciple qui veut accomplir les vœux du maître.

Mame Cheikh Anta est un travailleur infatigable doublé d’une grande générosité. Dans ce domaine du travail et de la recherche du gain licite, il s’est montré d’une efficacité extraordinaire. Il organisa ses nombreux disciples en daaras productifs et prospères à l’image de Gawane qu’il fonda en 1905 non loin de la localité de Bambey.

En tant qu’homme alerte intervenant dans tous les domaines pouvant lui procurer un gain licite, il s’est employé à acquérir une immense fortune qu’il a ensuite mise au service du développement de la communauté de Cheikhoul Khadim. Il est à noter qu’il est très au fait de la charia et n’a jamais employé de moyens illicites dans ses transactions avec ses partenaires.

Son exceptionnelle prospérité financière et sa propension à faire le bien autour de lui qui lui valurent l’appellation « Borom Dërëm ak Gërëm’’ (le nanti et l’agréé).

Ses activités d’opérateur économique lui ont permis d’avoir un solide réseau de relations. Mais il n’en a jamais abusé pour obtenir des passe-droits ou des privilèges illégaux. Tout juste s’en est-il servi pour la promotion et la préservation des intérêts de la communauté.

Le pèlerinage à La Mecque

En 1928, soit un an après le rappel à Dieu de Cheikhoul Khadim, Mame Cheikh Anta accomplit le pèlerinage aux Lieux saints de l’islam. Cette expédition mémorable fut effectuée en compagnie de Serigne Fallou Mbacké, Serigne Mbacké Bousso, Serigne Moulaye Bousso, de son second fils Serigne Tacko Mbacké et de trois de ses principaux talibés Serigne Modou Ndiaye Diop, Serigne Ibrahima Dia, Serigne Mayoro Fall.

Mame Cheikh Anta finança entièrement l’expédition, depuis les billets en première classe jusqu’aux provisions consommées durant tout le voyage. Les escales en France, au Caire, comme le séjour en terre sainte ont été impressionnantes, tant Mame Cheikh, en aucune fois, n’a lésiné sur les dépenses pour assurer un service de qualité à ses compagnons.

Les démêlés avec l’Administration coloniale et son exil à Ségou de 1929 à 1935

L’engagement de Cheikh Anta pour les affaires de la communauté et son parti pris pour ses intérêts ont toujours gêné l’Administration coloniale. Il savait faire les détours nécessaires pour déjouer les pièges, mais également mettre le prix pour obtenir ce qu’il voulait.

Son alliance avec Ngalandou Diouf, lui a valu une inimitié et une haine viscérale de Blaise Diagne qui était adversaire politique de ce dernier. Les machinations et accusations aboutissent à son arrestation et à son exil au Soudan français plus précisément à Ségou.

Comment d’ailleurs ce fidèle disciple qui a rejoint son maître en exil au Gabon pouvait-il ne pas connaître cette épreuve ? En tout cas, il l’a endurée avec grandeur et a reçu dans sa solitude loin des siens d’illustres personnes dont Cheikh Mouhammadou Fadel ibn Cheikhoul Khadim et plusieurs dignitaires mourides.

Cheikh Anta Mbacké en l’occurrence passé le reste de vie entre Darou Salam, Thilmakha dans le Cayor et Gawane. Il fut rappelé à Dieu le 10 mai 1941. Son mausolée à Darou Salam est un lieu de pèlerinage qui ne désemplit jamais.

C’est cet homme que les mourides ont célèbré hier

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Momar Diack SECK
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