Surexploitation dans le secteur de la pêche : En Méditerranée et en mer Noire la tendance s’inverse

Un nouveau rapport montre que, même si la plupart des stocks de poissons demeurent surexploités, le nombre de stocks faisant l’objet d’une surpêche est en recul pour la première fois depuis des décennies.

Selon un communiqué de la FAO, après des décennies marquées par un accroissement des pressions exercées par l’homme sur les écosystèmes marins et les ressources halieutiques de la Méditerranée et de la mer Noire, les données les plus récentes laissent penser que nous sommes enfin sur le point de renverser le cours des choses en ce qui concerne la surexploitation des stocks de poissons d’une importance si vitale pour la région.

Selon l’édition 2020 du rapport sur La situation des pêches en Méditerranée et en mer Noire, publiée récemment, 75% des stocks de poissons sont certes toujours surexploités, mais ce chiffre a diminué de plus de 10 points de pourcentage de 2014 à 2018. Les taux d’exploitation ont baissé dans des proportions similaires. Si l’on prend en compte les nouveaux stocks évalués, le nombre de stocks de poissons ayant une biomasse relative élevée a doublé depuis la dernière édition du rapport publiée en 2018.

Le rapport sur La situation des pêches en Méditerranée et en mer Noire est publié tous les deux ans par la Commission générale des pêches pour la Méditerranée (CGPM), organe statutaire de la FAO qui fonctionne sous l’égide des organes directeurs de l’Organisation.

La publication a été élaborée par des fonctionnaires de la FAO travaillant au sein du Secrétariat de la CGPM, en collaboration avec un groupe restreint de spécialistes et sur la base des données communiquées par les administrations des pêches de la Méditerranée et de la mer Noire, ainsi que de l’analyse effectuée par les organes statutaires techniques de la CGPM.

La CGPM est une organisation régionale de gestion des pêches qui relève de la FAO et dont la zone de compétence couvre l’ensemble des eaux de la Méditerranée et de la mer Noire. Sa principale mission est d’assurer la préservation et l’utilisation durable des ressources biologiques marines, ainsi que le développement durable de l’aquaculture.

Elle est composée de 23 parties contractantes (Albanie, Algérie, Bulgarie, Chypre, Croatie, Égypte, Espagne, France, Grèce, Israël, Italie, Liban, Libye, Malte, Maroc, Monaco, Monténégro, Roumanie, Slovénie, Syrie, Tunisie, Turquie et Union européenne) et cinq parties non contractantes coopérantes (Bosnie-Herzégovine, Géorgie, Jordanie, Moldova, et Ukraine).

Bien que la plupart des stocks restent surexploités, c’est la première fois depuis plusieurs dizaines d’années que la CGPM est en mesure de faire état de certaines tendances positives.

Selon toujours la FAO, parmi les stocks prioritaires, plusieurs ont vu leur situation s’améliorer. C’est notamment le cas du merlu européen, qui montre des signes de reconstitution en mer Méditerranée, et du turbot de la mer Noire, dont le taux d’exploitation est en baisse, alors que la biomasse de son stock reproducteur a poursuivi son rétablissement au cours des quatre dernières années.

«Grâce à la volonté des experts et des membres de la CGPM de trouver des solutions aux problèmes existants, nous pouvons pour la première fois affirmer que le secteur montre enfin des signes encourageants», se réjouit M. Abdellah Srour, Secrétaire exécutif de la CGPM. «Nous savons qu’il reste encore beaucoup à faire pour garantir la viabilité des pêches de la région, mais nous sommes satisfaits de voir que nous avons commencé à inverser le cours de certaines des tendances les plus inquiétantes.»

«La gestion durable est bénéfique pour les stocks de poissons, mais pas seulement», affirme Mme Islem Ben Ayed, Présidente de l’Association tunisienne pour le développement de la pêche artisanale. «La durabilité de la pêche en Méditerranée et en mer Noire est synonyme de maintien des emplois, d’accès à une alimentation saine et de préservation du patrimoine culturel au sein de nos communautés côtières, et ce, au profit des générations à venir.»

Une évolution positive vers une pêche durable

Au mois de novembre dernier, les ministres de la région ont réitéré leur engagement politique en faveur de la réalisation des objectifs de la Déclaration MedFish4Ever et de la Déclaration de Sofia, dans l’optique de relever encore leur niveau d’ambition dans le cadre de la future stratégie de la CGPM pour 2021‑2025 et de contribuer à la concrétisation de l’objectif de développement durable no 14.

Les mesures de gestion mises en place à l’échelle nationale et régionale ont eu le temps de produire leurs effets, ce qui s’est traduit par un certain nombre de réalisations marquantes. Il existe aujourd’hui dix plans de gestion pluriannuels des pêches dans la région, qui concernent plus de 4 000 navires de pêche.

Incidences socioéconomiques des pêches dans la région

Le rapport montre que les pêches en Méditerranée et en mer Noire apportent une contribution considérable aux économies régionales en produisant des recettes directes, en favorisant des dépenses accrues et en fournissant des emplois cruciaux. La valeur économique annuelle globale des pêches dans la région est estimée à 9,4 milliards de dollars des États-Unis.

Le secteur de la pêche en Méditerranée et en mer Noire fournit 225 000 emplois à bord et, selon les estimations, contribuerait aux moyens d’existence de 785 000 personnes au total. Dans certaines régions de quelques pays, dont la Tunisie, la Croatie et le Maroc, près d’un résident côtier sur 100 est un pêcheur.

Si la pêche artisanale constitue le segment le plus important du secteur halieutique, puisqu’elle représente la grande majorité des bateaux de pêche (83 pour cent) et des emplois liés à la pêche (57 %) dans la région, sa part du volume total des prises n’est que de 15%.

Les artisans pêcheurs génèrent moins de 30% de l’ensemble des recettes provenant de la pêche, leurs moyens d’existence sont précaires et ils sont particulièrement vulnérables face aux problèmes ou aux crises qui surviennent sans prévenir, comme la pandémie de covid‑19. Comme l’indique le rapport, ils ont besoin d’être davantage soutenus par l’État, ce qui suppose la mise en place d’un cadre de protection sociale plus solide, prévoyant notamment l’accès à des prestations d’assurance chômage.

Le rapport fournit également un éclairage intéressant sur l’état de la main-d’œuvre du secteur de la pêche dans la région. Et, manifestement, celle-ci vieillit rapidement: près de la moitié des travailleurs ont plus de 40 ans et seulement 17 pour cent ont moins de 25 ans, ce qui signifie qu’il faudra intervenir en amont si l’on veut encore pouvoir compter sur de la main-d’œuvre qualifiée à l’avenir.

Par ailleurs, il ressort du rapport qu’il sera plus que primordial de renforcer la résilience du secteur de la pêche face à la pression sans cesse plus grande exercée sur le milieu marin par le changement climatique et les activités humaines. La nouvelle édition de La situation des pêches en Méditerranée et en mer Noire constitue un outil de référence précieux qui permettra d’orienter les efforts à mener en vue d’un avenir durable.

Momar Diack SECK
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