Référendum: Pastef attaque les décrets de Macky Sall devant la Cour Suprême pour excès de pouvoir

A Monsieur le Président et à Mesdames et Messieurs les Conseillers composant la chambre administrative de la Cour Suprême du Sénégal

Le sieur OUSMANE SONKO, Citoyen Sénégalais, Electeur, agissant es-nom et es-qualité de Président du parti politique « Patriotes du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité (PASTEF-Les Patriotes), demeurant à Dakar, Villa 8 cité Alia Diène;

A L’HONNEUR DE VOUS EXPOSER :

Que par les présentes, il entend former et forme effectivement un recours pour excès de pouvoir contre les décrets n° 2016 – 262 du 19 février 2016, 2016 – 306 du 29 février 2016 et 2016 – 261 du 18 février 2016, pris par Monsieur le Président de la République du Sénégal et portant respectivement organisation d’un référendum, publication du projet de loi portant révision de la Constitution et fixant la date du référendum, sur le fondement des éléments de fait et de droit suivants :

Que l’un des décrets a fait l’objet d’une publication au Journal officiel de la République du Sénégal portant le numéro 6912 du mardi 1er mars 2016 ;

Que le présent recours ainsi introduit dans le délai de 2 mois prévu à l’article 73-1 de la loi Organique 2008-35 du 07 Août 2008 est recevable ;

Que les actes attaqués au travers du présent recours font grief au requérant en ce que notamment la convocation du corps électoral en pleine révision ordinaire constitue une rupture de l’égalité des citoyens devant leur droit civique.

Que pour cette seconde raison tirée de l’existence d’un grief, le recours est recevable ;

EXPOSE DES FAITS :

Prenant pour prétexte d’un souci d’approfondissement de la démocratie et de modernisation des institutions de la République, le Président de la République a décidé d’entreprendre une réforme constitutionnelle d’envergure ;

C’est ainsi que, de manière unilatérale, sans concertation aucune, il a préparé un avant-projet de révision constitutionnelle portant sur 15 points ;

Que le Conseil constitutionnel, saisi pour « avis » sur la base des dispositions des articles 51 et 103 de la Constitution, a rendu une « décision » sanctionnant l’exercice d’un « contrôle minimum » de conformité ;

Que par suite, arguant de « l’avis de conformité » rendu par le Conseil constitutionnel, le Président de la République, par décret sus visé, a publié la mouture définitive du projet de loi portant révision de la Constitution ;

Qu’en conséquence, et devant le silence total du code électoral, il a édité les deux autres décrets convoquant et organisant le référendum ;

Que c’est ces décrets qui sont présentement déférés à la censure de la Cour Suprême statuant en formation administrative.

SUR LES MOYENS DU RECOURS :

1. Sur la violation du code électoral en ses parties législative et règlementaire

Attendu que les présentes font grief aux décrets n° 2016 – 262 et n° 2016 – 261, pris par le Président de la République ;

Considérant que les décrets attaqués ne sont pas conformes au code électoral en ce que, prenant prétexte du silence de ce dernier en matière de référendum, ils « légifèrent » en violation de son texte et de son esprit ;

Considérant en effet que la convocation du corps électoral en pleine révision ordinaire constitue une rupture de l’égalité des citoyens devant la loi et une violation des dispositions des articles L.39 alinéas 4 et 5, et L.53 du code électoral ;

Considérant qu’aucun scrutin ne peut se tenir sans le déroulement, au préalable, de tout ou partie de la campagne, alors que le vote des corps militaires et paramilitaires se tiendra les samedi 12 et dimanche 13 mars 2016 coïncidant avec les deux premiers jours de la campagne référendaire (2é alinéa de l’article 2 du décret) ;

Que cette disposition doit être considérée comme un acte détachable du décret n° 2016 – 261 du 18 février 2016 portant fixation de la date du référendum et convocation du corps électoral lequel, dans son ensemble, relève d’un acte de gouvernement ;

Qu’elle porte atteinte au droit des électeurs à une information équilibrée et préalable au vote ;

Considérant que le délai de 30 jours, courant de la date de convocation des électeurs (18 février 2016) à la date du scrutin (20 mars 2016), n’est pas conforme à l’esprit du code électoral, notamment en ses articles L.11-12é, LO.130, LO. 150, LO. 182 et L. 217 qui prévoient un délai d’au moins 90 jours ou, exceptionnellement, 60 jours ;

Que le délai de 19 jours, courant de la date du décret de publication du projet de loi portant révision de la Constitution ( 29 février 2016) à la date du scrutin (20 mars 2016), et les délais très courts impartis à la campagne référendaire ( 8 jours) ne respectent pas l’esprit général du code électoral, notamment est ses articles L.66, L.67, LO.178 et LO.122 ;

Qu’ainsi, ces violations confèrent un caractère déloyal et inéquitable à ce référendum vis-à-vis des partis politiques ;

Considérant que la disqualification des « partis politiques » et « coalitions de partis », prononcée par l’article7 du décret n° 2016 – 262 du 19 février 2016 portant organisation d’un référendum, a entrainé, comme conséquence, la fixation par voie règlementaire d’une composition des bureaux de vote non conforme aux dispositions de l’article L.67 du code électoral ;

Que la limitation de la composition partisane du bureau à un seul « représentant du camp du OUI » et un seul « représentant du camp du NON » n’accorde aucune garantie de transparence, de sincérité et de fiabilité du scrutin ;

Que cette garantie ne peut être apportée que par l’accréditation de deux ou trois représentants par camp pour pallier l’insécurité que causerait l’absence momentanée d’un seul représentant ;

Au vu de ce qui précède, il est avéré que les décrets attaqués violent de manière flagrante l’esprit général et le texte de la loi n° 11/2014 du 15 avril 2014 portant Code Electoral faisant référence en la matière ;

Il convient en conséquence, d’annuler les décrets n° 2016 – 262 et n° 2016 – 261, pris par le Président de la République, pour violation de la loi.

2. Sur la violation de la constitution et la non-conformité à l’esprit général de la constitution et aux principes généraux du droits invoqués dans la décision du Conseil constitutionnel n° 1/C/2016 du 12 février 2016 :

Attendu qu’il ressort des dispositions de l’article 4 de la Constitution que « Les partis politiques et coalitions de partis politiques concourent à l’expression du suffrage » ;

Que ce droit, découlant de la charte fondamentale, s’applique à tous les types de scrutins et n’est soumis à aucune restriction ;

Or, à l’article7 du décret n° 2016 – 262 du 19 février 2016 portant organisation d’un référendum, il est dit que : « pour l’application du présent décret et pour les besoins du référendum, les termes « candidat » ou « liste de candidats », « parti politique » ou « coalition de partis politiques » figurant dans le code électoral sont remplacés par « représentant du courant du OUI » ou « représentant du courant du NON » » ;

Attendu qu’un référendum n’est pas une élection, mais bien un scrutin par lequel s’exprime le suffrage ;

Que s’il faut admettre, à ce titre, que les termes de « candidats » ou « liste de candidats » soient inopérants, il n’en est pas de même pour ceux de « parti politique » ou « coalition de partis politiques » ;

Qu’ainsi libellé, cette disposition du décret à allègrement violé la Constitution et le Président de la République a outrepassé ses prérogatives ;

Considérant, par ailleurs, que le motif invoqué par le Président de la République pour justifier l’inapplicabilité de la réduction du mandat de sept à cinq ans au mandat en cours découle de sa volonté de se plier à l’avis conforme du Conseil constitutionnel ;

Considérant que ce conformisme ne peut pas être réduit qu’à la seule question du mandat, mais à l’ensemble des réserves formulées par le Conseil constitutionnel se référant à l’esprit général de la Constitution et aux principes généraux du droit ;

Qu’il appert, à la lecture croisée de la décision du Conseil constitutionnel et du décret n° 2016-306 portant publication du projet de loi portant révision de la Constitution, que certaines de ces réserves d’interprétation n’ont pas été prises en compte et intégrées dans le texte final ;

Qu’il en est notamment ainsi pour :

– Les réserves formulées contre l’extension des clauses d’intangibilité prévues aux articles 26 et 27 et leur restriction au cas prévus par l’avant dernier alinéa de l’article 103 de la Constitution avec aménagement d’une possibilité future d’extension « en fonction des exigences de la société » (article 6 de la décision du Conseil) ;

– Les réserves formulées pour la réécriture de l’article 89 nouveau afin de tenir compte de l’augmentation du nombre de membres du Conseil constitutionnel (article 5 de la décision du Conseil);

– Les réserves formulées quant à la pertinence de fixer les règles de fonctionnement interne des partis politiques (associations privées) dans la Constitution. De même que les règles relatives à la dissolution des partis politiques qui obéit spécifiquement au régime de la liberté d’association (observations en annexe de la décision, page 3)… ;

Considérant que le décret a donc violé la décision du Conseil constitutionnel et l’esprit général de la Constitution du 22 janvier 2001 et les principes généraux du droit qui la sous-tendent ;

Que ce constat est renforcé par la parole même du Président de la république qui, dans son discours à la Nation du 16 février 2016, disait : « j’entends me conformer à la Décision du Conseil constitutionnel (…). Au demeurant, l’article 92 de la Constitution m’y oblige, en ce sens que, je cite « les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucune voie de recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et toutes les autorités administratives et juridictionnelles. (…). Je veillerai donc à ce que tous les aspects de la révision constitutionnelle soient conformes à la Décision du Conseil constitutionnel ».

Au vu de ce qui précède, il est avéré que les décrets n° 2016 – 262 du 19 février 2016 et 2016 – 306 du 29 février violent de manière flagrante les dispositions de la Constitution et de l’article 2 du protocole additionnel de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance signé le 21 décembre 2001à Dakar qui fait partie intégrante de la Constitution de la République du Sénégal en vertu des dispositions de l’article 98 de notre loi fondamentale.

Attendu que le présent recours est dirigé contre les décrets n° 2016 – 262 du 19 février 2016, 2016 – 306 du 29 février 2016 et 2016 – 261 du 18 février 2016, pris par Monsieur le Président de la République du Sénégal ;

Que les questions d’inconstitutionnalité soulevées à travers ledit recours constituent des questions préjudicielles;

Qu’en droit la question préjudicielle est celle qui oblige la juridiction saisie à surseoir à statuer jusqu’à ce qu’elle ait été soumise à la juridiction compétente, en l’occurrence le Conseil Constitutionnel;

Qu’il y a lieu d’en tirer les conséquences de droit avant de statuer sur le présent recours.

PAR CES MOTIFS :

Et tous autres à produire, déduire ou suppléer, au besoin d’office, l’exposant postule qu’il plaise à la Cour Suprême :

En la forme :

– Déclarer le présent recours recevable ;

Au fond :

– Annuler les décrets n° 2016 – 262 du 19 février 2016, 2016 – 306 du 29 février 2016 et 2016 – 261 du 18 février 2016, pris par Monsieur le Président de la République du Sénégal.

– Ordonner la restitution de l’amende.

SOUS TOUTES RESERVES
POUR RECOURS
Dakar, le 8 mars 2016

Saër DIAL

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Saër DIAL

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