La publication du rapport de la Cour des Comptes sur la situation des finances publiques a suscité des réactions vives au sein de la classe politique sénégalaise. Abdoul Mbaye, ancien Premier ministre, et Thierno Alassane Sall, député et leader de la République des Valeurs, ont exprimé leur indignation face aux révélations du document, dénonçant des pratiques frauduleuses et un système de gouvernance destructeur.
Abdoul Mbaye : « Une destruction organisée du pays »
L’ancien chef du gouvernement, Abdoul Mbaye, rappelle qu’il a toujours mis en garde contre la croissance économique artificielle du Sénégal, notamment à travers la surévaluation de la production agricole, en particulier celle de l’arachide. Selon lui, cette manipulation des chiffres servait à masquer l’aggravation du déficit budgétaire et l’endettement du pays.
Cependant, après la publication du rapport de la Cour des Comptes, il estime que la situation est largement une simple falsification comptable : « La réalité est bien plus grave. Le rapport révèle des pratiques illégales et des détournements massifs de fonds publics, orchestrés avec la complicité d’administrations financières, d’entreprises publiques et privées, et même de banques. Ce n’est plus du faux ni du vol, mais une destruction organisée du pays et un appauvrissement systématisé de sa population. »
Face à ce qu’il considère comme un « carnage économique », Abdoul Mbaye plaide pour des sanctions exemplaires afin de tourner définitivement la page de la gouvernance de Macky Sall.
Thierno Alassane Sall : « Une administration gangrenée par des pratiques dignes des pires régimes »
Thierno Alassane Sall, pour sa part, estime que ce rapport ne fait que confirmer les nombreuses réserves qu’il a exprimées, notamment à l’Assemblée nationale, sur la sincérité des comptes publics sous le régime précédent. Il va jusqu’à comparer le fonctionnement de l’administration sénégalaise à celle du Zaïre sous Mobutu ou de la République Centrafricaine sous Bokassa.
« Ce rapport dévoile un système où les règles élémentaires de gestion des finances publiques ont été allègrement violées à tous les niveaux, aussi bien dans les administrations des finances et du budget que dans les institutions privées, notamment les banques », s’indigne le député. Il appelle à des sanctions sévères contre tous les responsables impliqués.
Toutefois, il s’interroge sur le rôle de la Cour des Comptes, qui, jusqu’alors, a toujours validé les comptes de l’État sans lever de réserves majeures. « La question se pose : à quoi sert une Cour des Comptes dotée d’un budget conséquent et de pouvoirs étendus si elle n’agit sérieusement que sur commande ? », lance-t-il, pointant du doigt l’absence d’instances de contrôle véritablement indépendantes.
Thierno Alassane Sall critique également l’Assemblée nationale, qui, selon lui, a voté les lois de règlement sans exercer un contrôle approfondi. Il appelle à une refonte institutionnelle pour permettre au Parlement de jouer pleinement son rôle de contre-pouvoir.
Enfin, le député met en garde contre une instrumentalisation du rapport à des fins politiques. Selon lui, certaines figures de l’ancien régime bénéficiaient d’une clémence suspecte en échange de leur ralliement au pouvoir en place. Il dénonce ainsi un « tri sélectif des dossiers » et redoute que la justice ne soit qu’un outil au service du nouvel exécutif, au détriment d’une véritable transparence.
Vers une refonte du système de gouvernance ?
Les réactions d’Abdoul Mbaye et de Thierno Alassane Sall traduisent une profonde inquiétude quant à l’avenir de la gestion des finances publiques au Sénégal. Alors que le rapport de la Cour des Comptes met en lumière des dysfonctionnements graves, la question reste de savoir si des mesures concrètes seront prises pour rétablir la transparence et sanctionner l’ensemble des responsables impliqués, sans distinction.