Nous célébrons ce 04 avril 2025 le soixante cinquième anniversaire de notre accession à l’indépendance, marquant également l’an un du nouveau régime qui se veut patriotique, souverainiste, anti-systémique et résolument engagé dans un quinquennat prometteur de ruptures structurelles d’envergure, d’actes de gouvernance féconds et créateurs qui doivent être menés conjointement, en dépit des nombreux écueils qui jalonnent le magistère.
Toutefois, il manque à notre Sénégal désenchanté et fracturé une utopie mobilisatrice, édifiée grâce à l’apport de tous. Le futur mérite d’être co-construit car il nous appartient à toutes et tous.
En fédérant la population derrière un imaginaire, des valeurs, un désir et une vision commune, ce travail collectif renforce les projets d’aménagement urbain, de mobilité durable, de refondation éducative et culturelle, de résilience alimentaire locale…
Il est ainsi intéressant de développer cette approche de participation positive et engageante pour proposer des politiques territoriales efficaces, bienveillantes et inclusives.
C’est en ce sens qu’il est impératif de s’approprier la légitimité du discours « éthique» dans le débat public, et s’en servir comme d’une arme, un paravent contre les postures politiciennes, ou tout simplement un marqueur de reconnaissance communautaire, car l’éthique est avant tout notre bien commun.
Et comme méthode, elle s’adresse à ceux qui veulent chercher avec d’autres et sans dogmatisme, plus qu’à ceux qui croient avoir déjà trouvé. À noter qu’elle ne tombe pas du ciel, pas plus qu’elle ne se trouve sous les sabots d’un cheval, mais qu’elle se construit dans la discussion et dans l’échange des points de vue.
Plus qu’un principe moral, un art de vivre…
Nous sommes convaincus que l’éthique est – et ne peut être – qu’un milieu, une attitude, un savoir-être ensemble. Et si, pour reprendre son origine étymologique, elle est porteuse d’un ethos (en grec : « les mœurs »), il ne peut s’agir que d’un ethos démocratique : celui qui permet, au-delà des désaccords, de reconnaître en l’autre non pas un ennemi mortel ou un barbare, mais un adversaire « intelligent, honnête et respectable ».
L’éthique joue un rôle proprement démocratique lorsqu’elle contribue à ébranler les certitudes ; lorsqu’elle sert à les fortifier, elle n’est à l’inverse qu’un prétexte pour « faire la morale ». En cela, elle est aussi un lien commun.
Si l’éthique ne peut se situer qu’au-delà de l’énonciation des principes moraux – puisqu’elle a aussi pour but de les questionner –, elle n’est pas non plus à confondre avec le moment proprement politique du choix ou de la polémique politicienne.
L’actualité récente au Sénégal qui a précédé la nouvelle alternance démocratique nous a montré à quel point la haine, l’animosité frontale, la rivalité malsaine et ses corollaires de dérives autoritaires et de réactions violentes dans le domaine politique ont fait des dégâts psychologiques et physiques incommensurables.
Jamais au pays de la Teranga, il n’existât un temps où ces types de comportements furent tolérés, ou même acceptés, parce qu’ils étaient prétendument le prix à payer pour atteindre le Graal politique. La notion d’amnistie, quand elle leur est appliquée, fait de ces actes des crimes et en portant sur l’action judiciaire, elle est aussi un rapport politique à la mémoire de ces actes. C’est pourquoi, la Justice libérée des enjeux machiavéliques de la politique ne peut qu’exiger la vérité. Et ce, afin de pouvoir reconstruire le Sénégal au-delà du communautarisme socioculturel, en donner la parole aux sénégalais sur ce qu’ils ont vécu et sur ce qu’ils espèrent vivre. La logique de réconciliation est inséparable d’une logique de vérité et de justice réparatrice.
Toutefois, il nous faudra passer à l’étape suivante. De la dénonciation nécessaire des abus qui doit se poursuivre, passons à la promotion active et organisée de l’éthique et de la bienveillance.
Soyons cette génération qui aura amené la transition, qui aura vécu les reliquats d’une société où l’on confondait la persuasion avec la violence, l’éducation et la formation avec le dressage, voire le droit à l’abus et qui aura su ne pas les reproduire mais fonder un nouveau pacte de transmission des connaissances, des valeurs de paix et des décisions.
L’éthique pour revitaliser l’action politique et la régulation citoyenne…
Je suis intimement persuadée que cette approche donne de meilleurs résultats, et de meilleures personnes. C’est cette éthique chevillée au corps et au cœur du sénégalais qui devrait nous guider au sein de la République et il est normal que les milieux de l’enseignement, des classes enfantines aux hautes écoles, soient le moteur de cette révolution.
Une révolution qui formera des professionnels meilleurs, mais surtout des citoyens meilleurs. Une révolution douce et ferme, résolue et engageante, porteuse d’espoir…
Il y a bien urgence à revitaliser l’action politique et la régulation citoyenne. Il s’agit d’être en résonance avec le peuple, afin de capter les aspirations populaires pour leur donner pleinement droit de cité. C’est une stratégie politique de longue haleine qui demande constance et cohérence. Cela ne peut se réduire à des stratagèmes politiciens ou électoralistes de circonstance. Rien ne se fera sans le citoyen rétabli dans sa pleine souveraineté.
C’est cette aspiration à recouvrer la souveraineté qui a guidé les sénégalais, à se dresser comme un seul homme, pour en finir avec le régime mortifère mackyste et ses ramifications mafieuses, se rendant compte qu’ils étaient devenus dans l’ordre social et politique sujets au-dessous de l’ordinaire.
Cette reconquête de la démocratie et de l’intérêt général par l’appropriation de l’éthique constitue le signal de la nécessaire révolution citoyenne.
K.G 04 avril 2025