Pourquoi cette Précipitation à l’Épreuve de Force? Par Hady Traoré

À peine installé, le gouvernement du Premier ministre Ousmane Sonko se retrouve face à une levée de boucliers syndicale aussi soudaine que déconcertante. Alors qu’il s’emploie à mesurer l’ampleur des dégâts laissés par ses prédécesseurs, la menace d’une grève générale vient s’abattre sur un pays déjà en difficulté.

Où est passé l’état de grâce, ce temps d’observation que l’on accorde traditionnellement aux nouvelles autorités pour leur permettre de poser les bases de leur action ? Pourquoi cette ruée vers la confrontation alors même que l’heure devrait être à l’évaluation et à la reconstruction ?

L’urgence sociale est une réalité incontestable. Des revendications salariales en suspens, des conditions de travail précaires, une inflation galopante… les syndicats expriment une colère qui, en soi, n’est ni illégitime ni surprenante. Mais le contexte impose un minimum de discernement. La Cour des comptes vient de révéler l’état catastrophique des finances publiques : un gouffre budgétaire abyssal, des détournements massifs, une gestion désastreuse qui a mis l’État au bord de l’asphyxie. Face à une telle faillite, l’urgence première est de restaurer un minimum d’équilibre et de mettre en place des mesures correctives. Comment peut-on, dans un tel chaos financier, exiger des solutions immédiates sans tenir compte de la gravité de la situation ?

Il faut savoir raison garder. Ce gouvernement, porté au pouvoir par une volonté populaire de rupture, s’est engagé à assainir la gestion publique et à défendre les intérêts des travailleurs. Mais toute réforme d’envergure exige du temps et de la méthode. Exercer une pression excessive à un moment aussi critique revient non seulement à affaiblir l’État, mais aussi à compromettre les chances d’une relance économique durable.

On ne peut à la fois dénoncer les erreurs du passé et refuser aux nouvelles autorités le temps de les corriger. On ne peut pas vouloir atténuer les effets d’une crise financière sans se donner les moyens de la surmonter. La responsabilité impose de faire preuve de patience et de pragmatisme. Revendiquer ses droits est un principe fondamental, mais la précipitation dans la confrontation pourrait aggraver la situation au lieu de l’améliorer.

Le Sénégal traverse une phase cruciale. Ce moment appelle au sens du devoir, au patriotisme et à une approche constructive. S’inscrire dans une logique de dialogue et de concertation serait non seulement plus sage, mais aussi plus efficace pour assurer aux travailleurs des acquis durables plutôt que des victoires éphémères et coûteuses.

  • Hady Traoré
  • Consultant-Gestion Stratégique et Politique Publique-Canada
Dieyna SENE
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