Paris/Plainte en correctionnelle : Le groupe Bolloré et Camerail trainés en justice pour publicité mensongère

Visiblement inspirée par l’accident ferroviaire d’Eséka du 21 octobre 2016, une plainte en correctionnelle adressée au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris le 29 mai 2017, revient sur les désagréments dont a été victime l’auteur au cours d’un voyage de l’Inter-city en 2014, et contre lesquels les responsables de Camrail avaient rechigné à lui assurer réparation. Celle-ci vient après celle contre des cadres de la présidence de la République et Franck Biya.  

« Votre honneur, nous comptons sur la justice française dont vous êtes la porte d’entrée pour cette quête de justice et de réparation. C’est pourquoi c’est avec beaucoup d’espoirs et d’attentes que je vous adresse cette plainte. Par divers échos que je reçois de la réalité du système judiciaire français, je sais qu’en France le mot « égalité » n’est pas un vœu pieux, un slogan creux, mais une réalité forte et permanente dans ce pays berceau de la déclaration universelle des droits de l’homme. Dans l’attente que vous m’inviterez bientôt à venir devant vous pour la suite normale de la procédure, je vous transmets l’expression anticipée de ma gratitude ».

C’est sur cette note d’espoir que se referme la plainte du pasteur Augustin Nkoma dont l’exposé des  motifs s’adosse sur une sorte d’escroquerie intellectuelle dont il a été victime à la suite d’une publicité de la société Camrail. Publicité distillée à travers affiches, banderoles, prospectus et publi-reportages sur des chaînes de radio et de télévision. « Un train d’avance sur la sécurité », ou encore « l’expérience d’un train plus confortable pour un voyage plus agréable », le tout assorti d’une annonce selon laquelle « tout le monde gagne tous les jours ».

Ce sont visiblement ces messages publicitaires qui avaient amené Augustin Nkoma à faire le choix du train Inter-city pour un voyage entre Douala et Yaoundé le 27 novembre 2014. Mais à en croire ses explications dans sa plainte, cette odyssée aura été tout sauf le voyage plaisant et agréable que proposaient les messages publicitaires.

Selon l’exposé des motifs, le premier désagrément a commencé avec l’achat du ticket de voyage. Au lieu de 4 000 FCFA tel que proposait la publicité, Augustin Nkoma avait déboursé 6 000 FCFA. Conforté par le fait que « tout le monde ne gagne pas » comme l’indiquait l’annonce publicitaire, il lui avait été expliqué qu’il n’était pas étudiant, et que son âge de 46 ans ne lui permettait pas de bénéficier de la promotion, bien que cette spécification ne fût pas précisée sur le message publicitaire.

Accident ferroviaire d’Eséka

La suite du voyage aura été l’autre cauchemar du plaignant. « Le voyage fut tout sauf un plaisir. Il fut cauchemardesque. La publicité « un train plus confortable pour un voyage plus agréable », ne s’appliquait ni à ce train, ni à ce voyage », dénonce Augustin Nkoma dans sa requête. En effet, suivant son récit, c’est tout couvert de poussière qui a endommagé la chemise blanche qu’il arborait au cours de ce déplacement qu’il est arrivé à Yaoundé.

La conséquence, selon lui, de l’ouverture des vitres tout au long du voyage, faute de climatisation. Le récit rapporte que le plaignant menaçait de glisser et de tomber chaque fois que le train effectuait un virage, parce qu’il était assis du côté du couloir, dans une chaise sans accoudoir. A la suite de ces désagréments, Augustin Nkoma avait dû saisir le 2 décembre 2014, les responsables de Camrail de l’époque, et notamment son président du Conseil d’administration, pour demander réparation. Après plusieurs mois, un coup de téléphone de la direction générale de Camrail l’informait que sa requête avait été examinée, et qu’il sera appelé plus tard pour la suite à elle réservée.

Mais depuis lors, plus rien, jusqu’à la survenue de l’accident ferroviaire d’Eséka le 21 octobre 2016. Selon toute vraisemblance, ce déraillement qui a causé officiellement 79 morts et de nombreux disparus, est venu raviver ses douloureux souvenirs, et le convaincre de ce que la sécurité des personnes et des biens est loin de constituer une préoccupation pour cette entreprise de droit français, appartenant au groupe Bolloré, et le convaincre à porter plainte contre l’entreprise de l’industriel français.

D’ailleurs Augustin Nkoma ouvre sa plainte par un rappel d’antécédents fâcheux qui l’avaient déjà amené en 2009 à pondre un rapport assez critique sur les prestations de Camrail, à l’adresse des autorités camerounaises, suite aux multiples déraillements qui émaillaient souvent les transports par train, avec à la clé d’énormes pertes en vies humaines et matérielles. Des rapports qui lui avaient valu d’être convié à titre bénévole et citoyen à plusieurs travaux de réflexion sur l’amélioration des prestations de Camrail, à l’époque du ministre d’Etat Bello Bouba Maïgari.

Pressions diplomatiques

Joint au téléphone par Sans Détour Camer.be pour comprendre les motivations de sa démarche, Augustin Nkoma dit vouloir porter à la connaissance de l’opinion publique que Bolloré et Camrail ont toujours trompé les Camerounais. Il déclare en outre vouloir susciter un élan de sympathie et de soutien à tous ceux qui comme lui, ont été victimes des publicités mensongères de Camrail, et les inciter à saisir eux aussi les autorités judiciaires afin que justice soit dite et réparation obtenue. S’il se montre confiant à l’égard de la justice française pour examiner sa requête, il redoute tout de même les pressions diplomatiques qui pourraient s’exercer sur les magistrats afin de les amener à classer le dossier sans suite.

Dans une autre requête adressée toujours à la justice française, Augustin Nkoma avait porté plainte contre certains cadres de la présidence de la République du Cameroun, le fils aîné du chef de l’Etat, Frank Biya, et son épouse, et quelques magistrats en poste à Yaoundé, pour « torture » et « dénonciation calomnieuse », qui avaient motivé sa condamnation et son embastillement à la prison centrale de Yaoundé-Kondengui durant 6 mois. Depuis lors, cette requête n’est toujours pas examinée, même si certains médias annonçaient il y a peu que la présidence de la République avait ouvert une enquête sur les allégations du pasteur Nkoma. Quelle suite sera réservée à cet autre procès de l’homme de Dieu en quête de justice humaine ? Just wait and see.

Source.camer.be

Momar Diack SECK
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