Paradigme De Redistribution Des Richesses Nationales : Ndukur Kacc Ndao

Le pouvoir a momentanément gagné la bataille contre Sonko et le Pastef. La purge a commencé et continuera de façon très violente. Les leaders de Pastef seront emprisonnés. Des fonctionnaires radiés. Le MFDC qui a une base militaire a été battu. A fortiori un parti politique comme le Pastef qui n’a pas les moyens politiques et militaires de mettre le pays à terre. C’est une surestimation évidente des rapports de force dans un contexte où le président Macky a décidé de renoncer à un autre mandat. Les forces ont été éclatées et les logiques de confrontation dispersées.

J’avais averti ce parti contre l’extrémisme infantile. Ce parti devait mieux manager stratégiquement les dynamiques. Sonko avait tous les moyens avec d’autres coalitions d’arriver au pouvoir. C’est juste un avis qu’il faut soumettre à une évaluation plus rigoureuse. Il reste que le Pastef pouvait jouer au moins un rôle tout aussi fondamental sur l’échiquier politique national.

Mais le manque évident de rigueur et de discernement de Sonko a fait place à des insultes et commérages pour ceux qui étaient plus lucides dans ce parti et en dehors. J’espère que ce parti va tirer les leçons de ses débâcles et se repositionner avec d’autres leaders qui ne sont pas dans l’infantilisation politique.

Le pouvoir a gagné momentanément le Pastef. Mais il doit faire très attention. Sonko et le Pastef n’ont été qu’une étincelle. Ils ont su profiter d’une grave et profondément crise de notre pays. Un OS en prison et même un Pastef dissous, ne dissipera l’aversion contre ce système qui n’a pas su donner de l’espoir aux désespérés (à défaut d’améliorer leurs moyens d’existence). Il est vrai que OS tenait avec la démagogie qui le caractérise un « discours d’opposant » (comme d’autres avant lui). On peut le qualifier d’extrémiste, populiste, salafiste, subversif, léger, etc. mais il a trouvé un terreau fertile et attentif chez une large fange de gens qui veulent entendre autre chose que la langue de bois habituelle et le déni de leur anxiété et misère.

 

Nous ne devons pas tomber dans le cynisme de ceux qui qualifient de bornés ou victimes de prosélytisme ou de regionalisme ceux qui sont avec Sonko. La réalité est plus inquiétante. Ce ne sont pas des dépités et des néo-politiciens inexpérimentés. Ce sont parfois des Sénégalais formés dans le même moule que les autres et qui sont révoltés par la façon dont le pays est gouverné et aspirent à un autre modèle dans un contexte ou l’offre politique alternative est soit inexistante ou incapable de toucher les cœurs et esprits d’une large fange de la population (majoritaire jeune) laissée en rade par les formes de gouvernance/distribution en cours.

 

Le système pour eux c’est aussi cela. Les inaccessibles hauts en d’autres et leurs laudateurs qui exercent leur violence symbolique constante et partout. Il suffit d’observer la pollution d’opulence qui gangrène l’espace public. Dans ce cas comment voulons-nous appeler faussement à la raison des millions de jeunes gens dont le long terme c’est le prochain repas ?

A supposer que le Pastef soit un « monstre » est ce que ce camp d’en face (démocratiquement élu) est un modèle de lumière, de vertu et de volonté pour transformer le quotidien des plus démunis ? Est-ce une faveur de donner à chaque sénégalais un bol de riz, un toit, de l’eau et de l’électricité, de l’éducation, des routes pour se déplacer,  un médecin pour se soigner,  un sentiment de sécurité et l’assurance d’être jugé de façon impartiale et un respect de sa dignité et ses croyances ?

 

Il faudra qu’en un moment donné nous fassions notre introspection nationale. La question dépasse OS, Macky, et toute cette bande qui jouent au juridisme, à la fausse  pudibonderie et au nationalisme de façade.Ce pays est dans l’impasse. Il y a partout cette peur d’être soi même. On se regarde depuis si longtemps en chien de faïence, tout le monde prend des précautions oratoires pour dire la vérité de peur de compromettre ses avantages, ses relations, son avenir. Alors le « moussante » devient la règle qui régit nos rapports à l’autre et aux biens publics

Cette forme de dissonance nous met tous en mal avec nous-mêmes parce  qu’elle nous empêche d’être en accord avec la morale, nos religions, nos confréries, les règles de bonne gestion et de patriotisme nous édictent. Aujourd’hui pour être impopulaire il suffit de chercher à être cohérent et véridique. Cette tension beaucoup de Sénégalais de toute origine sociale, d’âge et de niveau d’éducation la vivent même s’ils l’expriment différemment. La peur d’être soi-même. C’est cela qui entretient les Var honteux, les reniements, transhumances, les mensonges, excès de zèle, les délations et verbiage. C’est pourquoi aussi nous sommes dans cette lassante cacophonie dans un pays devenu un capharnaüm avec ses affaires et foire d’empoigne entretenues par moins de 200 politiciens (dont certains n’ont même pas de metier) alors que 38 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et l’Indice de Développement Humain est de 0,5.

Je reproche toujours aux partis et dirigeants de ce pays de ne jamais toucher la question fondamentale de redistribution des richesses. Nos politiciens sont extrêmement riches du moins le leadership. Une richesse injustifiée. C’est un aspect contre lequel la jeunesse se rebelle. Une richesse arrogante et violente contre cette jeunesse désenchantée. Il suffit de voir ces enfants dans la rue pour comprendre le niveau de délitement de notre société. Au moment où les adultes d’ici, de la diaspora ou faux influenceurs se terrent ou accaparent les réseaux sociaux.

 

Nous sommes dans un contexte difficile au niveau sous régional. Le pouvoir actuel court un grand risque d’être la victime d’un coup fourré de la classe militaire. Celle ci n’est pas exempte de velléités de coup d’État même si elles est bien formée et républicaine. Ce serait un grave recul car les militaires sont de fait des despotes lorsqu’ils prennent le pouvoir. Macky doit apporter de vraies solutions aux problèmes structurels de notre jeunesse. C’est cela qui permettra de dévier les velléités insurrectionelles de cette jeunesse qui n’a rien à perdre.

 

Il ne faut pas que le pouvoir regarde le doigt mais le ciel. La crise est profonde. Pastef n’était qu’un catalyseur. Cette crise est inscrite au fond et sur les intercices de notre société. Il faut que ce pouvoir et d’autres qui arrivent s’occupent de la redistribution des richesses nationales. On ne peut créer une société de riches politiciens et de pauvres citoyens. Au point que pour être président de la République il faut être riche. C’est le modèle de société qui nous est offert.

 

Macky n’est pas encore sauvé car la jeunesse est encore dans le flot mortel de la vague. Ce ne sont pas simplement les grands programmes économiques d’insertion des jeunes. Mais un changement radical de paradigme centré sur la redistribution des richesses nationales dans un contexte où notre pays est devenu gazo-pétrolier. Tout le reste n’est qu’interface graphique.

 

Ndukur Kacc Ndao

Mamadou Nancy Fall
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