Le Sénégal subventionne grandement son secteur de la pêche, du moins la pêche artisanale, mais, en même temps, lutte bec et ongles pour réduire fortement les subventions de cette activité au niveau international. C’est ce paradoxe que le ministre du Commerce, des Pme et de la consommation, Abdou Karim Fofana, est venu défendre à Abu Dhabi dans le cadre de la 13ème Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (Cm13). Cela, à la suite de la ratification lors du Cm12 de Genève en 2022, du traité contre les subventions de la pêche.
Ledit traité, a expliqué Abdou Karim Fofana, permet à des pays comme le Sénégal, où l’activité de la pêche est très importante, d’espérer préserver ses ressources halieutiques face à des bateaux d’origine étrangère qui viennent pêcher des quantités industrielles.
Le directeur du Commerce extérieur, Ansou Souba Badji, a souligné l’importance du secteur de la pêche au Sénégal en rappelant qu’il «pourvoit à l’essentiel (70%) des protéines animales dans l’alimentation au Sénégal». Le traité va entrer en vigueur lorsque les trois quarts des pays membres de l’Omc auront déposé leurs instruments d’approbation. Les négociations à l’Omc ont commencé en 2001 déjà au Cm4 de Doha, où «les membres ont décidé d’éliminer certaines formes de subventions qui favorisent la surpêche, et d’interdire la pêche illégale et non règlementée (Inn)». Mais ce n’est qu’en 2022 que les pays se sont accordés sur un texte, qui est toujours en voie de perfection, d’où la poursuite des négociations au cours de la Conférence d’Abu Dhabi, qui voit quelques points d’achoppement techniques entre les pays qui pratiquent la pêche industrielle et les autres dont le Sénégal, qui est en majorité limité à la pêche artisanale.
Le ministre Fofana et ses collaborateurs indiquent que la diminution des ressources halieutiques est due en grande partie à ces subventions, parce qu’elles permettent à de gros navires étrangers, en majorité européens, de venir pêcher jusque dans nos zones économiques exclusives. Ansou Souba Badji a été obligé d’admettre qu’en matière de subventions à la pêche, celles qu’accorde le Sénégal à ses pêcheurs ne diffèrent pas de ce que font les autres pays industrialisés. «Il faut néanmoins expliquer que ce ne sont pas des pays comme le Sénégal, qui est un petit acteur dont les subventions sont dérisoires, qui sont responsables de la disparition ou de la raréfaction de certaines ressources halieutiques. Ce dont nous parlons ici, ce sont les pays qui subventionnent leurs flottes de pêche à coups de milliards.»
Le directeur du Commerce extérieur va ajouter que «les petits pays comme les pays les moins avancés doivent être exemptés. Ainsi, on ne va pas interdire à des pays comme le Sénégal d’accorder des subventions à leurs pêcheurs artisanaux ; car c’est une pêche qui sert le plus souvent à la subsistance et contribue à la création d’emplois pour nos acteurs dans le secteur». Le haut fonctionnaire, bien rôdé aux négociations internationales, indique des avancées certaines, mais il n’a pu s’empêcher de relever des réticences de certains grands pays industrialisés sur certains points de ce traité, notamment concernant la pêche Inn.
Cependant, ni lui ni son ministre n’ont voulu reconnaître que le secteur de la pêche artisanale, qui s’accroît au Sénégal comme un champignon, et sous le regard complaisant et protecteur des pouvoirs publics, est aussi fortement gangréné par les subventions dont il bénéficie.
LeQuotidien