Niger : la CEDEAO envisage toujours une option militaire a haut risque (Par Paul Ejimé)

Les dirigeants régionaux ont conclu leur deuxième sommet d’urgence sur le Niger à Abuja le jeudi 10 août, en « ordonnant le déploiement de la Force en attente de la CEDEAO pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger », où l’armée a destitué le président élu Mohamed Bazoum lors d’un coup d’État le 26 juillet.

 

Dans le communiqué du sommet lu par le président de la Commission de la CEDEAO, le Dr Oumar Alieu Touray, la Conférence des chefs d’État et de gouvernement « ordonne également au Comité des chefs d’état-major des armées d’activer immédiatement la Force en attente de la CEDEAO dans tous ses éléments ».

 

Les experts de la défense considèrent qu’il s’agit d’une option à haut risque, avertissant que les initiatives politiques et diplomatiques seraient plus efficaces lorsqu’elles seraient combinées avec des sanctions ciblées.

 

Le même communiqué « soulignait encore l’engagement de la CEDEAO à rétablir l’ordre constitutionnel au Niger par des moyens pacifiques ».

 

Il a confirmé les sanctions imposées au Niger, y compris le gel financier, la fermeture des frontières par les États membres de la CEDEAO.

 

Les dirigeants régionaux ont également exhorté tous les pays et institutions partenaires, y compris l’ONU, à soutenir les mesures de la CEDEAO en utilisant ses instruments normatifs.

 

Le président nigérian Bola Tinubu, qui est le président de l’Autorité, a déclaré dans son discours d’ouverture qu’aucune option n’était sur la table, y compris le recours à la force pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger.

 

La CEDEAO avait le 30 juillet remis le Brig-Gen. La junte dirigée par Abdourahamane a lancé un ultimatum de sept jours pour libérer et réintégrer le président détenu Bazoum ou faire face à une action militaire.

 

L’ultimatum a été adopté dimanche dernier, sans aucun signe d’intervention militaire alors même que la junte a consolidé son emprise sur le pouvoir en nommant un cabinet militaro-civil de 21 ministres dirigé par un Premier ministre civil.

 

Des gouverneurs régionaux ont également été nommés par les putschistes qui ont interdit les vols et fermé les frontières du pays.

 

Le communiqué de la CEDEAO a condamné les conditions dans lesquelles Bazoum était détenu, avertissant que les putschistes seraient tenus responsables de sa sécurité.

 

Il a noté que les mesures actuelles étaient devenues nécessaires parce que les efforts diplomatiques, y compris une délégation de la CEDEAO à Niamey, n’avaient pas donné de résultats positifs.

 

Le communiqué indiquait en outre que la junte avait refusé d’accueillir une délégation conjointe CEDEAO-UA-ONU au Niger.

Cependant, les dirigeants de la junte ont reçu mardi à Niamey l’ancien émir nigérian de Kano Muhammadu Sanusi II, qui a informé mercredi le président Tinubu des résultats de la mission qui, selon lui, a été entreprise à titre personnel.

 

Le sommet de la CEDEAO de jeudi a réuni des représentants du Burundi non membre de la CEDEAO et de la Mauritanie, un autre voisin du Niger, qui s’est retiré du bloc régional en 2000.

 

L’Algérie, autre voisin clé du Niger mais non membre de la CEDEAO, n’était cependant pas représentée. Le pays ainsi que trois États membres suspendus de la CEDEAO et dirigés par l’armée – le Mali, la Guinée et le Burkina Faso – se sont opposés à toute intervention militaire au Niger.

 

Les régimes militaires du Mali et du Burkina Faso ont averti qu’une action militaire de la CEDEAO serait considérée comme une déclaration de guerre contre leurs pays et pourrait conduire à leur retrait de la CEDEAO et à leurs mesures conjointes pour défendre les forces armées et le peuple nigériens.

 

Compte tenu d’un scénario aussi délicat, la menace de la CEDEAO de déployer sa force en attente au Niger va également à l’encontre d’opinions dissidentes indépendantes, notamment du Sénat nigérian, d’un groupe d’ulémas musulmans, de la Conférence des archevêques catholiques du Nigéria, de la Guilde nigériane des éditeurs et d’un groupe de « Citoyens nigérians inquiets. »

 

Les citoyens concernés ont appelé dans un communiqué à des efforts diplomatiques pour résoudre la crise nigérienne. Ils comprennent le général Martin Luther Agwai (rtd), ancien chef d’état-major de la défense et commandant de la mission des Nations Unies au Darfour, au Soudan, l’avocat principal A.B. Mahmoud, ancien président de la Commission électorale nationale indépendante, le professeur Attahiru Jega, et une ancienne conseillère spéciale de l’ancien président Muhammadu Buhari, Mme Maryam Uwais.

 

De même, un groupe d’anciens premiers ministres et députés nigériens a également appelé la CEDEAO à lever ses sanctions, qui, selon eux, ont infligé des souffrances à la population nigérienne.

Décrivant les sanctions comme « punitives, sans précédent, dures et insoutenables », le groupe, dans sa lettre signée au président de l’Autorité de la CEDEAO et copiée à l’Union africaine, à l’ONU et à l’UE, a appelé la CEDEAO à explorer la résolution diplomatique de la crise du Niger.

 

Les dirigeants de la CEDEAO auraient peut-être insisté sur la menace d’utiliser la force militaire afin de « donner aux putschistes nigériens une leçon pour oser l’organisation régionale ».

 

Mais les experts de la défense ont exprimé des réserves quant à la pertinence d’une telle option cinétique à haut risque ainsi qu’à l’aspect pratique du déploiement militaire, étant donné que la Force régionale en attente a été confrontée à des défis financiers et d’opérationnalisation.

 

Outre la possibilité qu’une confrontation militaire dégénère en une guerre catastrophique, il y a aussi la perception que la CEDEAO pourrait agir sous la pression de la France et des États-Unis qui ont des intérêts militaires et économiques au Niger.

 

Les deux pays ont des bases militaires au Niger et les entreprises étrangères ont continué à exploiter les ressources naturelles chères du Niger telles que l’uranium et l’or, tandis que sa population estimée à 26 millions d’habitants reste appauvrie.

 

Les régions du Sahel et de la CEDEAO ont été marquées par une insécurité caractérisée par des frappes meurtrières sporadiques de terroristes islamiques et d’autres groupes armés faisant de nombreuses victimes civiles et militaires, notamment au Mali, au Burkina Faso et au Niger.

 

Les conséquences d’une intervention militaire dans un environnement complexe peuvent être mieux imaginées que vécues.

 

Un point dans le temps en sauve neuf !

 

*Paul Ejime est analyste des affaires mondiales et consultant en communication sur la gouvernance

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