Me Mame Adama Gueye, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats : «Macky Sall a raté l’occasion de sortir par la grande porte»

Invité de Grand Jury, Mame Adama Gueye a dressé un tableau reluisant de la gouvernance Macky Sall marqué par un bilan immatériel négatif. Et la crise constitutionnelle inédite provoquée par le Chef de l’Etat à travers le report de l’élection présidentielle vient s’ajouter aux pages noires de l’histoire politique du Sénégal. Des pages noires dans lesquelles le nom de Macky Sall figurera de manière indélébile, selon l’avocat.

«Le Président Macky Sall a, de manière définitive, raté l’occasion de sortir par la grande porte. Avec son renoncement à un troisième mandat, il avait quelque peu regagné la considération des Sénégalais. Mais, il l’a définitivement perdu quand il a commencé à jouer avec nos institution», a-t-il regretté.

Toutefois, l’ancien président de l’Ordre des avocats du Sénégal semble ne pas être surpris par l’attitude du Chef de l’Etat dont le mandat arrive à terme le 2 avril. «La démocratie n’est pas dans l’ADN du président Macky Sall. Son mandat a été marqué par une régression dans ce domaine», a-t-il affirmé, avant de juger «négatif», le bilan immatériel du Chef de l’Etat.

«Ce qui frappe dans la gouvernance de Macky Sall, c’est que sur le plan du bilan immatériel c’est zéro», a-t-il indiqué, avant de se pencher sur la date du ‘’2 avril’’ qui cristallise aujourd’hui toutes les attentions, en dépit de la volonté affichée du Chef de l’Etat de rendre le tablier.

Sur cette question la réponse de l’avocat est sans équivoque. «Le 2 avril, il n’y a rien d’héroïque parce que c’est la fin de son mandat. Il n’a pas le choix et est obligé de partir», a-t-il poursuivi, non sans préciser que «cette question fait partie des dispositions intangibles de la Constitution».

«On ne peut pas  contourner la loi par des règlements politiciens.  Ces candidats dits spoliés doivent respecter la loi»

En prélude au dialogue qui sera lancé par le chef de l’Etat, ce lundi 26 février, l’avocat n’a pas manqué d’exprimer son opposition à toute reprise du processus électoral. Aux candidats dits «spoliés» et aux partisans de Karim Wade, Me Mame Adama Guèye les a invités au respect de la loi.

«Impossible !», a sèchement rétorqué l’avocat qui les a, au passage, invités à se conformer à la loi. «Personne n’est au-dessus de la loi. Et on ne peut la contourner par des règlements politiciens. Ces messieurs et dames qui se disent spoliés doivent comprendre qu’il faut respecter la loi. Aujourd’hui, il faut qu’ils arrêtent ; parce que franchement ce n’est pas une prétention raisonnable que de dire ‘’maintenant, on doit être rétablis dans nos droits, il faut reprendre le processus’’. Ce n’est pas possible ! Parce que la loi ne le permet pas. La Constitution ne le permet pas. Ce n’est pas compliqué. Personne ne peut le faire. Si le président Macky Sall le leur promet, il ne le peut pas. Le vin est tiré, il faut le boire», fait savoir le membre fondateur du Forum civil.

Et ce dernier de souligner que : «Même s’il y avait quelques carences dans le contrôle des parrainages dues à l’aspect technique des vérifications, cela n’est pas une raison valable pour décider d’une reprise. La situation politique actuelle du pays est due à une convergence d’intérêt entre le président Macky Sall et le PDS».

A ces propos, il ajoute : «Le président Macky Sall savait que son candidat n’accrochait pas et il avait le PDS qui était frustré par la mise à l’écart de son candidat. C’est pourquoi, je ne vois pas, d’ailleurs, la pertinence de tenir un dialogue à ce stade. Le jeu est simple. Le Conseil constitutionnel a pris une décision et faut la respecter. L’urgence est de choisir une date pour l’élection et rien d’autre», a-t-il tranché.

«Beaucoup de Sénégalais ont mis en suspens  leur projet à cause de l’incertitude»

Les crises politiques dans un pays entrainent inéluctablement des répercussions sur l’économie nationale. Et le Sénégal qui traverse cette zone de turbulence n’en est point épargné. Une situation qui a attiré l’attention de l’avocat des affaires qui a livré les détails de l’impact économique de l’impasse politique dans laquelle le Sénégal est plongé.

«Quand on veut investir, on regarde le risque pays qui joue un rôle fondamental d’abord dans la prise de décision. Si les banques savent que vous allez au Sénégal, ils vous diront que notre prime de risque a augmenté et cela se traduit par une hausse du taux d’intérêt. Et cette augmentation du taux d’intérêt cause un handicap de départ dans le projet de l’investisseur étranger», a expliqué Me Guèye sur les ondes de RFM.

En outre, Me Gueye a en outre évoque le fait que «beaucoup de Sénégalais ont même, à titre interne, mis en suspens leur projet à cause de l’incertitude. Le business n’aime pas l’incertitude. Et on est dans une situation totale d’incertitude. Les entrepreneurs seront sous le joug de leurs créanciers».

Il a également renseigné que : «dans une convention d’emprunt, il y a des clauses qu’on appelle des clauses de défaut liées aux risques politiques. S’il y a des événements politiques graves, le créancier peut exiger le paiement immédiat de sa créance. Et quand un créancier demande ça, d’autres peuvent le demander sur la base du défaut croisé».

Pour l’ancien Bâtonnier, le risque économique est d’autant plus grave que le principal secteur pourvoyeur d’emplois au Sénégal est l’informel. Il a aussi rappelé que «la réalité économique nationale est que plus de 65% proviennent du secteur informel. Et même si les troubles, c’est deux, trois jours, le secteur subit donc de plein fouet ces troubles quand on sait qu’il vit au jour le jour».

«Notre principal avantage comparatif, c’est la stabilité. On ne doit pas s’amuser avec ça»

Sur le plan diplomatique, ce membre fondateur du Forum Civil a également dressé un tableau peu reluisant de la situation. «A cause de la situation, la valeur des obligations a chuté. Et si ça persiste, ça va être encore plus grave parce que quand les gens ont peur, tous ceux qui ont des obligations vont le mettre sur le marché et ça va être l’effondrement des valeurs. Et aujourd’hui, la situation du Sénégal en termes d’emprunt va être de plus en plus compliquée. Parce que quand vous voulez de l’argent, les gens regardent la situation politique», a-t-il prévenu.

Me Mame Adama Gueye a enfin, appelé les hommes politiques à «éviter de mettre en avant leurs intérêts politiques». «Il faut qu’on soit conscient d’une chose : nous, notre principal avantage comparatif, ce n’est pas le pétrole. Ce ne sont pas les plages. C’est la stabilité. Donc, on ne doit pas s’amuser avec ça pour des intérêts politiciens», a-t-il souligné.

Vox populi

Oumou Khaïry NDIAYE
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