Réunissant plus de 80 participants issus de l’administration publique, du secteur privé, de la société civile et de la presse économique, le Centre d’Études de Politiques pour le Développement (CEPOD) a organisé, jeudi 4 décembre à Dakar, un atelier de partage et de validation du Rapport national sur la compétitivité du Sénégal (RNCS 2024). Une rencontre stratégique marquée par des diagnostics lucides, des chiffres clés sans complaisance et un appel clair à transformer l’analyse en actions concrètes.
Dans une salle comble, diplomates, députés, représentants d’organisations bilatérales et multilatérales, institutions publiques, acteurs économiques et journalistes – majoritairement issus du COJES – ont répondu à l’invitation du Centre d’Études de Politiques pour le Développement pour examiner les résultats du Rapport national sur la compétitivité du Sénégal 2024 (RNCS 2024), élaboré sous le prisme de la compétitivité durable.
Dans son mot de bienvenue, le Directeur du CEPOD, M. Faye, a rappelé que l’objectif central de l’atelier était de partager les principaux enseignements du rapport, d’ouvrir un dialogue franc entre l’ensemble des acteurs du développement et de déboucher sur des recommandations opérationnelles face aux contraintes structurelles de la compétitivité nationale.
Un outil de dialogue stratégique aligné sur Sénégal 2050
Couvrant la période 2016-2023, le RNCS 2024 dresse un état des lieux comparatif de la compétitivité du Sénégal par rapport à un panel de pays, en intégrant les dimensions économiques, sociales et environnementales.
Le rapport se veut à la fois outil d’aide à la décision publique, boussole stratégique pour le secteur privé et les investisseurs, cadre d’interpellation citoyenne et instrument de dialogue entre l’État et ses partenaires techniques et financiers.
Il s’inscrit pleinement dans le nouveau référentiel de politiques publiques, l’Agenda National de Transformation Sénégal 2050, fondé sur la vision d’une nation souveraine, juste, prospère et durable.
Un diagnostic sans détour sur la compétitivité du Sénégal
Procédant à l’ouverture officielle au nom du ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération, le représentant du Gouvernement a salué la forte mobilisation des parties prenantes et la démarche de concertation engagée avec le secteur privé, jugée essentielle pour la réussite de Sénégal 2050.
S’appuyant sur des cadres méthodologiques reconnus – notamment ceux du Forum économique mondial, de Solability et de l’Observatoire de la compétitivité durable – le RNCS révèle une réalité contrastée :
Le Sénégal demeure modestement classé dans les indices internationaux de compétitivité (114ᵉ au FEM, 109ᵉ chez Solability).
La croissance économique moyenne de 5,3 % entre 2015 et 2023 témoigne d’une réelle résilience, y compris pendant la Covid-19 (1,3 % en 2020), mais elle est fragilisée par un endettement élevé, atteignant près de 119 % du PIB, et une progression limitée du PIB par habitant.
Près de 97 % du tissu économique reste informel, posant un défi majeur en matière de productivité, d’emplois décents et de mobilisation de recettes fiscales.
Entreprises, capital humain et défis sociaux
Les performances des entreprises formelles, bien que minoritaires (3 % seulement), sont jugées encourageantes : hausse du chiffre d’affaires, contribution accrue à l’emploi et aux finances publiques. Toutefois, le classement du Sénégal à la 102ᵉ place dans l’indice de compétitivité industrielle de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel souligne une stagnation préoccupante.
Sur le plan social, les progrès enregistrés dans la réduction de la pauvreté, de la malnutrition et l’amélioration de l’accès à l’eau et à l’électricité contrastent avec :
la persistance des inégalités sociales et de genre,
un taux de chômage élevé, notamment chez les jeunes et les femmes,
et un capital humain fragile, marqué par un faible taux d’alphabétisation et des insuffisances en éducation, santé et formation professionnelle.
Environnement, gouvernance et climat des affaires
Le RNCS note une amélioration récente des performances environnementales du Sénégal, passé du 155ᵉ rang mondial en 2020 au 100ᵉ en 2024, tout en soulignant l’urgence d’agir face aux défis climatiques, à la gestion des déchets et à la pollution de l’air.
Sur le plan institutionnel, le pays conserve des atouts : démocratie stable, liberté de la presse et position favorable dans l’indice Mo Ibrahim. Mais les coûts de création d’entreprise, les lenteurs administratives, la justice commerciale et l’attractivité fiscale restent des freins majeurs à l’investissement.
Du diagnostic à l’action : le tandem RNCS–SNDSPI
L’un des messages forts de l’atelier est que le RNCS 2024 n’est pas un simple constat, mais un levier d’action directement articulé à la Stratégie nationale de développement du secteur privé et de promotion de l’investissement (SNDSPI).
Cette stratégie s’articule autour de trois axes majeurs :
Développement des pôles territoriaux et structuration des chaînes de valeur locales ;
Accélération de l’entrepreneuriat et de l’investissement privé, avec un meilleur accès au financement et à l’innovation ;
Amélioration du climat des affaires, à travers la simplification administrative, la réforme fiscale et une justice commerciale performante.
Un appel à l’engagement collectif
En conclusion, le représentant du ministre a lancé un appel clair à l’ensemble des acteurs – État, secteur privé, société civile, monde académique et partenaires au développement – pour instaurer une veille stratégique permanente sur les déterminants de la compétitivité.
« Il ne s’agit plus d’additionner des réformes isolées, mais de repenser en profondeur notre modèle de développement », a-t-il insisté, rappelant que la compétitivité est indissociable des ambitions de souveraineté alimentaire, économique, pharmaceutique et technologique.
Le RNCS 2024 apparaît ainsi comme une invitation à l’action, posant les bases d’une transformation structurelle capable de hisser durablement le Sénégal vers une économie compétitive, diversifiée, résiliente et inclusive.
