Maître Bamba Cissé, n’oubliez pas que vous êtes d’abord avocat ! Par Mamadou Mbakhé Ndiaye

Devenant par la force des choses le premier «policier» de ce pays, vous avez, en bon juriste, déjà ingurgité tout le jargon des Forces de défense et de Sécurité. «Discipline», «civisme», «ordre», «retour à l’orthodoxie».

En tant que nouveau ministre de l’Intérieur, votre cahier de charges est manifestement très clair. Et il est assorti d’une posture martiale manifeste de votre part. Évidemment, vous faites partie de l’écosystème du Pastef et de cette nouvelle génération d’acteurs de la vie publique qui veulent réinventer visiblement la marche de notre République et corriger les tares qui plombent le développement du pays.

Évidemment, dans la politique, pour reprendre un ancien Premier ministre français, il doit y avoir une part de jubilation dans le fait de prendre des décisions, d’avoir à les assumer, à les expliquer. Vous êtes dans votre rôle. C’est indéniable. Dura lex, sed lex!

Toutefois Maître, permettez-moi de vous rappeler que vous êtes d’abord avocat. En ce sens, vous avez eu à défendre des causes justes, des causes perdues, des laissés pour compte, des sans-voix.

Et sur ce plan, Ousmane Sonko est sans aucun doute votre plus grand chef-d’œuvre. Mais défendre votre actuel Premier ministre vous a permis aussi d’avoir une plus grande prise sur le réel et comprendre la complexité des choses, des injustices et de l’expérience humaine.

L’occupation anarchique est le mal le plus partagé à Dakar et dans les autres grandes villes du Sénégal. C’est une question lancinante. De ce fait, dans vos «missions régaliennes», il vous incombe de trouver des solutions à ce fléau.

Mais pour ça, il faudra être à la fois idéaliste et rigoureux mais en même temps saisir la profondeur de la tâche. Votre gouvernement a fait savoir à qui veut l’entendre qu’il a hérité d’un pays au bord de la faillite. Et toutes les notations et les rapports de ces derniers mois décrivent un pays avec une situation économique peu reluisante. Le pays est très dur.

Les sénégalais vivotent. Dans ce contexte, est-ce qu’il est opportun de recommencer les déguerpissements et la lutte contre l’occupation anarchique? Le contexte est-il audible. Gouverner demande de la fermeté, mais nécessite aussi des arbitrages. L’accessoire suit le principal. Les artères de Dakar doivent être dégagées. Mais les gens aussi doivent vivre tout simplement.

Le cadre de vie est un produit de luxe qui demande des préalables. Le secteur informel permet actuellement à beaucoup de ménages de tenir. C’est un secret de Polichinelle. Il faut s’attaquer à l’occupation anarchique avec parcimonie.

Le Premier ministre a déjà eu à désamorcer une bombe sociale liée à l’occupation anarchique. Naturellement, à long terme, il faudra trouver une solution définitive à ce fléau qui pose comme vous le dites un réel problème de sécurité publique. Mais votre première mission, à mon humble avis, devrait être d’observer et de discuter avec tous les acteurs. Donnez-vous le temps de mûrir votre conviction sur cette question. Il est sain de reconnaître le non-aboutissement d’une réflexion.

Vous l’avez dit lors de la cérémonie de passation, il faut une doctrine du service public et non de la puissance publique. «C’est dire que la concertation, le dialogue dynamique avec de larges consensus serontles outils avec lesquels nous comptons mener notre action», prôniez-vous. Le peuple ne doit pas toujours être ce sur quoi on exerce la violence, même celle légitime.Il faut l’écouter, le comprendre, l’aider.

Tous les grands avocats qui ont inspiré le monde ont d’abord été du côté des sans-voix. Mandela était avocat. Gandhi était avocat. Et vous aussi, si vous êtes entré dans le panthéon médiatique, c’est grâce à ça. Donc trouvez un bon équilibre entre votre fonction de ministre de l’Intérieur et votre rôle d’avocat. Bonne chance !

 Mamadou Mbakhé Ndiaye

Dieyna SENE
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