Le Jubanti est en marche. Le changement subite de certains discours en est la marque.
Depuis la prise de fonction du Président de la République Bassirou Diomaye Faye, suivi du triptyque Jub, Jubal, Jubanti, qui signifie tout simplement une soumission rigoureuse de l’Etat comme du citoyen au Droit, nous assistons à une démarche hostile pour ne pas dire pugnace de certains religieux à l’endroit de l’autorité étatique.
Paradoxalement, jusqu’à un passé très récent, ces religieux réservaient à l’État, depuis la nuit des temps, une attitude « pouvoiriste ». Autrement dit, « le pouvoir appartient à Allah qui le donne à qui il veut ». Par conséquent, s’en prendre au pouvoir temporel en tant que religieux de voix autorisée, serait synonyme d’œuvrer à l’encontre de la volonté divine. Cette posture adoptée par le spirituel légitimait, en quelque sorte, son rapport avec le temporel.
De fil en aiguille, la conjonction politique du Sénégal semble découvrir certains visages et pratiques. Depuis la fin de règne de l’ancien président Macky Sall impliquant la prise de fonction du président Faye, qui arrive avec une ferme volonté de se préoccuper uniquement des besoins des Sénégalais sans favoritisme ni clientélisme malsain, tout en prônant également la promotion du mérite avec la fin des privilèges indécemment et injustement acquis, des religieux commencent à s’agiter.
Curieusement, tous ces agitateurs étaient entièrement aux abonnés absents au moment où l’ancien régime tuait les Sénégalais, au moment où l’ancienne dictature emprisonnait et torturait ses propres enfants. Encore plus criant, certains hommes religieux sont allés plus loins en qualifiant les martyrs de mauvais perdants.
Le Jubanti est en marche car les privilèges acquis depuis la nuit des temps sur le dos du peuple semblent stopper. La fin des privilèges semble impliquer la fin de cette posture de ne pas aller à l’encontre du temporel par le spirituel. Pour illustrer cela, il convient, tout d’abord de citer, sans être exhaustif, certains discours en commençant par le sermon en Wolof de l’imam de la Grande mosquée de Dakar lors de la dernière fête de Tabaski devant l’actuel Président de la République.
Ensuite, la sortie à peine déguisée de l’abbé Ndiaye sur le discours du Premier Ministre relatif au port du voile à l’école, montre très clairement que le Jubanti dérange énormément. Et tous les prétextes sont opportuns pour s’opposer au régime.
Enfin, il convient de dépecer la récente déclaration du porte parole du Khalife général des Mourides sur la participation des hommes politiques au Magal de Touba. Il a très clairement souligné que les politiciens, de Wade à Sall, ne sont d’aucune utilité à leurs hôtes marabouts lors de ce grand événement. Selon le guide religieux, « les hommes politiques consomment plus qu’ils ne cotisent lors du grand Magal ».
Toutefois, il est important de souligner que depuis sa désignation comme porte parole de la Mouridiyya en 2007, Serigne Bass ne s’est jamais publiquement exprimé de la sorte.
Critiquer ouvertement les anciens régimes à qui il faisait des bilans fantomatiques et sur qui il ne tarissait pas d’éloges lors de ses prises de parole notamment à l’occasion des cérémonies officielles du grand Magal, peut soulever des questions. Le discours de compliment et de bilan d’hier se transforme désormais en un discours à la fois critique et ironique adressé aux politiciens dépourvus de toute utilité selon ses dires.
Les questions légitimes à se poser seraient de savoir lequel de ces deux discours prendre en compte ? Avec le Jubanti, qui touche énormément de personnalités dont évidemment des religieux, assiste-t-on à un changement de posture du spirituel qui se permettra désormais de critiquer publiquement le temporel ? La fin des privilèges crypto-personnels de certains religieux impliquerait-elle une fin de collaboration avec le temporel ? Le pouvoir temporel qu’Allah donnait hier aux politiques et qui justifiait la collaboration du spirituel, le Jubanti dérangeant le mettra-t-il fin ?
Le temps sera certainement le meilleur allié pour répondre à tous ces questionnements.
Cheikh Ahmadou Bamba Bousso,
Bordeaux, France.