« L’annulation de la dette africaine est une opportunité d’intelligence économique pour les bailleurs »

Le Président Macky Sall a fait preuve de leadership incontesté en portant le plaidoyer pour l’annulation de la dette qui ronge le continent africain depuis plus d’un demi-siècle. Plus qu’une doléance, cette annulation est un impératif pour deux raisons au moins : soutenir la résilience et la relance des pays du continent d’une part et d’autre part garder – à défaut d’un équilibre – une certaine odeur de sainteté entre l’Afrique et ses bailleurs. Ce qui est est une opportunité d’intelligence économique pour les bailleurs, plus qu’un acte de solidarité ou de compassion.

L’ardoise africaine en terme de dettes publiques est la plus saluée de toutes les régions du Monde. S’élevant à plus de 350 milliards de dollars, la dette africaine est un fardeau dont il faut attendre encore longtemps pour s’en départir, du fait des défaut de la pauvreté doublée d’un défaut de stratégie, de la mal-exploitation des ressources naturelles du continent, de la sous-exploitation des atouts des pays du continent et donc du ralentissement économique, mais aussi de leur incapacité à s’inscrire dans des dynamiques de croissance inclusive et durable.

Et ce malgré toutes les tentatives. Loin d’être cette bouffée d’oxygène que chantent les bailleurs, la dette est un fardeau que vient proroger la pandémie. La situation actuelle – au point où en sont les Etats africains – remet sur la table l’urgence d’une vraie réflexion sur l’impératif de rééquilibrage des rapports. Mais en attendant, l’appel à l’annulation ou à la moratoire doit être prise par les bailleurs comme une opportunité d’intelligence économique.

Comme une lame de fond, une conscience collective portée par la nouvelle génération revendique un rééquilibrage des rapports entre le Nord et le Sud. Une Afrique consciente fustige avec véhémence et arme intellectuelle la nouvelle forme de « colonisation » qui étouffe les économies africaines par la servitude de la dette, les rapports peu catholiques et passerelles lugubres comme la Françafrique ou similaires.

La pandémie du Covid-19 a mis à nue les faibles des sociétés, systèmes de santé et économies africains. L’Afrique est convaincu que ses « malheurs » viennent des anciennes colonies et de ses dirigeants peu vertueux. Les populations africaines ont le sentiment qu’elles ne sont pas suffisamment prises en considération dans les « accords » avec les créanciers mais pointent lorsqu’il s’agit de rembourser. Une situation lourde pour l’Etat et pour les populations.

L’Etat n’a pas pleinement cette latitude et sérénité pour être assez productif  et assez créateur de valeurs et d’emplois pour soutenir et tirer vers le haut les ménages. La responsabilité socio-économique peu assurée et le manque d’inspiration stratégique plombent les économies, creuse le déficit et l’inflation avec un impact négatif direct sur le pouvoir d’achat des ménages et entrainant une baisse de la demande et de la consommation locale et un ralentissement économique.

Aucune aide extérieure ne saurait être à la hauteur des défis africains actuels et futurs 

En bon leader, le Président Macky Sall avait lancé un appel à l’annulation de la dette africaine afin de permettre une meilleure résilience des pays du continent face à la crise actuelle. Il s’est maintenu dans sa position saisissant toutes les occasion pour porter la voix des pays du Continent.  Beaucoup d’économistes et leaders d’opinions engagés lui avaient emboité le pas allant jusqu’à la création.

L’insistance du Président Macky Sall en dit long sur l’importance d’une telle annulation mais aussi et surtout sur l’urgence d’agir avec des moyens appropriés. Le Président Macky SALL est conscient qu’aucune aide extérieure ne saurait être à la hauteur des défis qui se dressent comme une cordillère dont le maintien des économies dans la bonne dynamique de résilience, le sauvetage de plus de vingt millions d’emplois sur le continent…

La situation actuelle est telle que la croissance espérée pour le continent serait entre 1,1 et – 1,1%. Tous les secteurs seraient touchés et les exportations ont chuté de pas moins de 40%,  les importations d’au moins 35%. Et que l’on ne s’y trompe point. La chute de l’Afrique entraînerait celle de plusieurs grandes économies.

L’initiative G20 salutaire mais pas suffisante

L’initiative G20 de suspension des services de la dette entre juin et décembre 2020 est à la fois un geste de solidarité et d’intelligence économique qui n’a malheureusement séduit que 23 pays. Même si 13 pays réfractaires qui ont refusé le plan du G20 sous prétexte que 12,1 milliards de dollars épongés sont comme une goutte d’eau retirée de l’Océan, le geste en vaut la chandelle.

Les 23 Etats souscrits à l’initiative G20 bénéficient de mesures immédiates au risque aussi de devoir supporter une dépréciation de leurs notations financières respectives. C’est  entre 0,1 et 06 %  du PIB selon le pays à « récupérer ». Ce qui n’est pas négligeable mais pas suffisant. Il importe de rappeler qu’au mois d’avril 2020, le Comité du développement, organe conjoint de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), et les ministres des Finances du G20 avaient validé la mise en place de l’Initiative de suspension du service de la dette, à la suite de l’appel lancé par le Président Macky Sall, la Banque mondiale et le FMI en faveur des pays les plus pauvres, afin de les aider à faire face aux graves conséquences de la pandémie de COVID-19 (coronavirus).

Cet appel est une invitation à tous les créanciers publics bilatéraux à agir rapidement pour permettre aux pays à faible revenu de concentrer leurs ressources sur la lutte contre la pandémie. Mais il est aussi question d’inviter tous les créanciers privés à s’inscrire dans cette démarche sur des bases comparables, appelant à un changement de paradigme dans l’évaluation des cotes de crédit. Ce que des consciences africaines réclament depuis belle lurette. Une « annulation conséquente » calmerait – à juste titre – les ardeurs par rapport aux velléités nationalistes et/ou panafricanistes d’une Afrique excédée et de plus en plus consciente.

Cheikh Mbacké Sene

Expert en Intelligence économique 

Président de la Commission Préparatoire du Centre International d’Analyse économique (CIAE)

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