Il dirigeait la Police et les prisons gambiennes, un ex-ministre gambien arrêté en Suisse

En Suisse, la police a interpellé, hier jeudi matin, à Berne, Ousman Sonko, ex-ministre de l’Intérieur et homme de main de l’ex-président de Gambie. La veille, l’ONG Trial International avait « dénoncé pénalement » l’ex-ministre de l’Intérieur, qui avait demandé l’asile en Suisse en novembre.

Trial, dont le siège est à Genève, estime que l’ancien « numéro un » de la police gambienne doit faire l’objet d’une enquête aux termes du droit international, notamment la Convention contre la torture.

L’homme, qui dirigeait la police et les prisons de l’ex-président Yahya Jammeh, ne pouvait pas ignorer les tortures qui s’y pratiquaient contre les dissidents et journalistes, selon Philip Grant, directeur de Trial.

Ousman Sonko, ministre de 2006 à 2016, était en cavale depuis son limogeage, à la mi-septembre. Après un passage au Sénégal, en Espagne et en Suède, il a atterri, le 10 novembre dernier, en Suisse, où il vivait dans un foyer pour demandeurs d’asile dans le canton de Berne.

Vu les soupçons qui pèsent sur l’ancien ministre, l’ONG a demandé une ouverture rapide d’une procédure à son encontre. En vertu de ses obligations internationales, la Suisse a l’obligation d’enquêter sur les suspects de crimes contre l’humanité ou de torture présents sur son territoire.

Selon la Convention contre la torture, les Etats doivent, lorsqu’une personne soupçonnée d’avoir commis un acte de torture, doit même procéder à une enquête préliminaire en vue d’établir les faits « immédiatement ».

« A ce jour, les crimes du gouvernement Jammeh n’ont jamais été jugés, et les bourreaux jouissent d’une impunité totale, estime Philip Grant de Trial. On n’est pas dans une situation politique où, tout à coup, il faudrait une intervention d’une autorité pour dire qu’il faut poursuivre tel ou tel individu. Non, le Code pénal suisse prévoit que les crimes internationaux peuvent et doivent être poursuivis à partir du moment où l’intéressé se trouve en Suisse ».

Des opposants à l’ex-président Jammeh se réjouissent de cette arrestation, notamment Amadou Scattred Janneh, un ancien ministre de l’Information, qui a été condamné à la prison à vie pour trahison, en 2011, après avoir distribué des T-shirts où il était écrit : « End Dictatorship Now » (A bas la dictature !).

« Son arrestation est une excellente nouvelle pour la Gambie et pour les gens qu’il a fait souffrir » a-t-il confié à RFI. Amadou Scattred Janneh, un politologue binational (gambien et américain), a été tenu à l’isolement pendant 15 mois, menotté et entravé, à la tristement célèbre prison Mile 2 de la National Intelligence Agency (NIA, services de renseignements gambiens). Il a connu, notamment, sa plus célèbre cellule, surnommée Bambadinka (l’Etang aux crocodiles), où de nombreux dissidents et journalistes auraient été torturés.

Le sort de l’ex-président Jammeh, pour l’instant à l’abri en Guinée équatoriale, reste dans la balance. L’entente négociée par l’ONU, l’UA et la Cédéao ne prévoit aucune amnistie pour l’ex-homme fort en échange de son départ, ce qui serait illégal pour des crimes internationaux.

Human Rights Watch a publié, en 2015, un rapport qui assurait que Jammeh avait, depuis 1994, réprimé impitoyablement toute forme de contestation : « Les forces de sécurité de l’État et des groupes paramilitaires semi-clandestins commettent des exécutions extrajudiciaires, des arrestations et des détentions arbitraires, et font disparaître des personnes de force, poussant des centaines de Gambiens à fuir ce petit pays, connu surtout à l’étranger en tant que destination touristique ».

Source RFI

Momar Diack SECK
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