Aider les femmes à étendre leurs accès au financement et aux débouchés commerciaux
La fibre entrepreneuriale d’Augustina Akosua Asor Tufuor est née lorsqu’elle étudiait à l’école de commerce de l’université du Ghana et qu’elle a suivi un cours sur la gestion d’entreprise. Cette même année, elle a fait la connaissance d’un groupe d’agriculteurs ruraux et a compris que les produits agricoles locaux avaient un formidable potentiel, mais qu’il y avait aussi des obstacles.
«J’ai pu constater de mes propres yeux que ces agriculteurs, en majorité des femmes et des petits exploitants, abandonnent quantité de produits, principalement des bananes plantains, du manioc et des patates douces, pour la simple raison qu’ils ne trouvent pas d’acheteurs et que le coût du transport jusqu’à leur village est très élevé. Cette situation cause d’immenses pertes», explique Augustina.
Elle a aussi remarqué que les collations vendues au marché contenaient énormément d’additifs artificiels, de conservateurs, de sel et de sucre.
De ce constat est né un projet d’entreprise. Grâce à ses propres économies et au soutien de sa famille, elle a fondé «Tropical Snacks», une entreprise qui produit des chips de plantain entièrement naturelles en utilisant les surplus de la production locale. Son objectif était de rapprocher les petits agriculteurs et les consommateurs, tout en proposant des choix plus sains sur le marché ghanéen et ailleurs.
Cependant, elle a eu du mal à étendre ses activités. L’accès au financement, aux informations sur le marché et à des infrastructures adéquates a été un frein important. Les institutions financières traditionnelles se sont montrées réticentes à financer une petite entreprise dirigée par une femme.
«Quand nous avons pris contact avec des banquiers pour obtenir un prêt, on nous a demandé de déposer 20 000 cedi (soit environ 1 200 USD) avant même de pouvoir obtenir la somme que nous demandions. Nous avons aussi dû faire appel à un expert professionnel pour évaluer notre entreprise, ce qui a coûté cher. Enfin, le taux d’intérêt était élevé, supérieur à 36 pour cent», explique-t-elle.
Les problèmes qu’Augustina a rencontrés sont monnaie courante. Les femmes sont systématiquement confrontées à des obstacles structurels qui freinent leur potentiel économique et nuisent à leurs activités commerciales dans les systèmes agroalimentaires.
En Afrique subsaharienne, où les femmes forment une grande partie de la main-d’œuvre des systèmes agroalimentaires, les obstacles sont particulièrement importants: manque d’accès à la terre, au crédit et à la technologie, et normes sociales genrées qui conduisent souvent à ce que leur travail soit sous-estimé.
Selon une étude du Centre du commerce international (CCI), plus de 70 pour cent des entreprises dirigées par des femmes en Afrique n’ont pas suffisamment accès aux services financiers. De plus, beaucoup travaillent dans un cadre informel, où elles manquent de protection juridique et d’accès aux formations et aux informations sur les marchés.
Asma Begum Mirza, une entrepreneure agricole nigériane de 61 ans, a rencontré les mêmes difficultés d’accession aux prêts. Face à la flambée des prix, Asma a décidé de cultiver du riz en 2015 afin d’aider la population à se nourrir à un prix abordable.
Malheureusement, l’aggravation des conditions de sécurité dans le nord du Nigéria a rapidement perturbé son travail.
«Après avoir réussi à cultiver du riz pendant environ deux ans, il est devenu de plus en plus difficile et dangereux de se rendre sur l’exploitation, en raison des problèmes de sécurité», explique-t-elle.
Elle a finalement été contrainte au départ, laissant derrière elle sa rizière, afin de lancer une nouvelle exploitation à Abuja. Ce changement lui a fait perdre la plupart de ses clients.
Comme Augustina, Asma s’est heurtée à de sérieux obstacles dans l’obtention de prêts bancaires lorsqu’elle a essayé de relancer son entreprise ailleurs. Le niveau élevé des taux d’intérêt et l’obligation de fournir des garanties accessoires l’ont pratiquement empêché d’acheter des machines appropriées pour la production commerciale. Cela a freiné durablement la croissance de l’entreprise.
Compétences et perspectives
En 2021, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le CCI ont lancé un programme spécifique, dénommé Autonomiser les femmes et améliorer leurs moyens de subsistance grâce au commerce agricole (le programme EWAT).
Présent dans six pays, le programme EWAT promeut la participation des femmes au sein de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Il vise à accroître la compétitivité des femmes dans le commerce en renforçant leurs connaissances, leurs compétences et leur accès au financement, grâce aux nouvelles perspectives de commerce régional ouvertes par la Zone de libre-échange continentale africaine. Le programme EWAT apporte aux femmes les compétences et les ressources nécessaires pour se consacrer au commerce national et transfrontalier; il propose ainsi des formations en conception de produits, en vente et en marketing, ainsi qu’en gestion financière, en comptabilité et en élaboration de plans d’activités.
En 2023, Augustina et Asma ont toutes les deux participé à des ateliers intensifs de formation aux affaires et à la préparation aux investissements, que le programme EWAT proposait dans leurs pays.
«Nous avons compris l’importance de tenir un livre de comptes commercial lorsqu’on cherche des financements. À présent, nous gardons une trace de nos ventes… et je peux maintenant dire que nous sommes en meilleure position pour trouver des investisseurs pour notre entreprise», déclare Augustina.
Rapprocher les femmes et les services bancaires
Dans le cadre du programme EWAT, la FAO collabore avec des institutions financières pour développer des produits et des services adaptés aux femmes qui travaillent dans le secteur agroalimentaire. Ceci est particulièrement important dans l’agriculture où de nombreuses femmes entrepreneures comptent sur leurs économies personnelles ou leurs réseaux informels pour se financer.
«La plupart des femmes dépendent de leurs propres financements pour monter leur entreprise. Le programme entend remédier à cette situation en réunissant des prestataires de services financiers, tels que les banques commerciales, et les femmes entrepreneures dans le secteur agricole, ce qui ouvre des possibilités de dialogue», a déclaré Bethel Terefe, experte principale de la parité femmes-hommes au Bureau régional de la FAO pour l’Afrique.
Francesca Distefano, coordinatrice du programme EWAT, précise: «En 2024, nous avons lancé un programme de mentorat, qui apporte aux bénéficiaires de EWAT un soutien et des conseils personnalisés pour gérer et développer leur entreprise… Au Ghana et au Nigéria, le programme EWAT octroie par ailleurs de petites dotations à des femmes sélectionnées, dont Asma et Augustina font partie, afin de les aider à assurer la certification aux normes et la formalisation de leurs produits».
D’ici la fin de l’année, le programme EWAT dispensera une formation sur les finances et organisera des réunions avec des institutions financières afin d’aider les femmes entrepreneures dans l’agriculture à présenter leurs projets et à étudier les possibilités d’investissement.
L’objectif est de garantir que les femmes profitent également des nouveaux débouchés tandis que le potentiel commercial de l’Afrique progresse grâce à la Zone de libre-échange continentale africaine.
Source www.fao.org/newsroom/story