Dérives sur le net et les réseaux sociaux : le rôle des citoyens, du système éducatif, de la société civile, des medias et universitaires

Selon l’Association Sénégalaise des Utilisateurs des Technologies de l’Information et de la Communication (ASUTIC ), une association à but non lucratif avec entre autres objectifs de représenter les utilisateurs des TIC­, promouvoir une démocratie participative, une bonne gouvernance et la liberté d’expression, devant cette édrive notée au Sénégal sur le net, chacun à son rôle à jouer pour un retour aux valeurs.

Les citoyens

Une réponse citoyenne spontanée ­contre le discours de haine devrait être stimulée et entretenue. La condamnation quasi unanime des propos grossiers, insultants et blessants prouvent que les citoyens sénégalais ne se retrouvent que dans l’expression courtoise et respectueuse.

Il est donc temps d’amplifier et de populariser ces voix citoyennes qui refusent les amalgames et prônent la cohésion sociale en­ valorisant l’acceptation de l’autre dans ses défauts et différences. L’engagement de millions de citoyens doit être réveillé par la promotion des contenus positifs sur internet et les réseaux.

L’accès démocratique des citoyens aux espaces d’expression publique permis par le numérique nous invite en tant que citoyen à faire évoluer la liberté d’expression pour en faire un devoir : celui de nous saisir des canaux d’expression numériques pour véhiculer des messages positifs.

Toutefois la difficulté consiste à développer une stratégie d’incitations, qui permettra de faire émerger une responsabilité individuelle des citoyens dans ce combat contre la haine sur les réseaux. Cette mise en capacité des citoyens dépendra de son outillage et de sa formation, aussi le rôle du système éducatif apparaissant dès lors comme naturellement décisif.

Le système éducatif

L’éducation nationale est la pierre angulaire du sénégalais que nous souhaitons voir émerger. Aussi, il est temps que l’éducation nationale prenne des initiatives numériques fortes pour une grande mobilisation de l’école sénégalaise pour une appropriation des valeurs cardinales de la société sénégalaise. A cet effet, l’éducation nationale doit définir une stratégie et un plan de mise en œuvre d’un programme intitulé par exemple «­éducation à la citoyenneté numérique­». Le devoir d’expression sera au cœur de la déclinaison en projets aux medias numériques et à la liberté d’expression sur internet et les réseaux sociaux.

Tout l’enjeu consiste alors à accompagner et outiller la formation de la jeunesse sénégalaise pour éveiller son esprit critique­: réfléchit avant d’agir. C’est une des conditions pour un sénégalais capable d’une participation citoyenne active dans l’espace conversationnel public numérique et la décision politique.

Ainsi, c’est d’abord dans l’espace public scolaire, là où se forment nos représentations collectives et où se construisent les normes sociales, que se mène la lutte contre la haine sur internet et les réseaux sociaux, bien plus que dans les commissariats de police et les prétoires.

La société civile

Le travail de terrain accompli quotidiennement par la société civile fait de ces organisations des acteurs pivots du Sénégal que nous voulons construire. En effet, les associations disposent de trois leviers facilement activables pour gagner en efficacité et force de frappe dans la lutte contre le discours de haine numérique­: outiller les citoyens pour une mobilisation sur Interne et les réseaux sociaux, se mettre en réseau et atteindre une masse critique de plaidoyer et enfin observer le terrain pour alimenter la recherche.

Les initiatives de la société civile sont nombreuses, mais sont trop souvent méconnues par leurs pairs, car cantonnées dans une démarche identitaire. Une approche davantage collaborative permettrait de mutualiser certaines initiatives similaires et ou complémentaires, d’instaurer des logiques de réseau pour décupler la puissance et la diffusion de leurs actions numériques.

Aussi, il faut fédérer les organisations de la société civile par l’organisation d’événements multi acteurs avec­ Facebook, Twitter et Google. Ces géants du web doivent aider la société civile sénégalaise à devenir des ­tiers de confiance­ pour apporter des signalements de discours de haine. La mise en place d’une telle démarche, fondée sur la confiance, appelle donc une collaboration avec les organisations de la société civile.

A ce titre, la société civile doit mettre en place des espaces de discussions et des logiques de collaboration avec les acteurs médiatiques et numériques afin de co-construire des solutions qui permettront d’endiguer la désinformation et le discours de haine numérique.

Les medias

La naissance d’internet et son développement ­a profondément modifié la perception et le rapport du citoyen avec l’information. Les médias sénégalais ne se sont pas emparés assez tôt, ni assez vite, du potentiel des outils numériques. Ainsi, Ils n’ont pas réussi à recréer sur le monde numérique l’influence qu’ils ont dans le monde réel.

Le discours de haine sur internet et les réseaux sociaux aurait-il eu autant d’impact dans la société sénégalaise s’il n’était pas relayé et amplifié par la radio, la télévision et les journaux en support papier­? Et pourtant que de faits divers dans la vie réelle, aussi pourquoi ceux sur internet et les réseaux sociaux sont-ils à la une de l’actualité­?

Enfin, est-il acceptable que des faits qui se sont déroulés dans un espace privé soient divulgués dans l’espace public­? Une page Facebook et une communication sur WhatUps sont privées, aussi que deviendrait ce pays si tout ce qui se passe dans les espaces privés que sont les maisons et les bureaux sont diffusés publiquement­?

Ce questionnement appelle à une réflexion sur le traitement de l’information sur internet et les réseaux sociaux par les medias de masse. Il est plus que jamais nécessaire d’un traitement citoyen de l’information sur les réseaux sociaux par les medias de masse. A cet effet, certaines tentatives sont menées pour informer différemment, comme le fact checking.

Ainsi, les médias doivent réinvestir la bataille des faits et trouver de nouvelles manières d’informer l’opinion publique en décryptant les faits plutôt que d’être dans la course à l’audimat à des fins mercantiles.

Les universitaires

Ces acteurs dans la lutte contre le discours de haine numérique pourraient mettre leur puissance d’analyse des phénomènes sociaux au service de la société­:

Mesurer la propagation et les dynamiques des discours de haine en partant des informations collectées lors de recherches empiriques­;

Expertiser l’influence et l’efficacité des actions de discours positifs et contre discours positifs de la réponse citoyenne spontanée­;

Assumer un rôle de conseil auprès des autorités publiques et de la société civile en identifiant les bons comportements et bonnes politiques à adopter pour endiguer la haine sur internet et les plateformes numériques­;

Enfin, évaluer l’impact et l’efficacité des actions mises en œuvre de lutte contre la haine numérique.

Momar Diack SECK
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