De la liberté d’expression et de l’état de droit Par Alymana Bathily

Il faut se scandaliser autant de la tentative de manipulation de l’opinion publique et de la justice de la part des journalistes Maimouna Ndour Faye et Babacar Fall que de l’intervention de gendarmes armés dans les locaux de la télévision 7TV et de la radio TFM, de la coupure des signaux des deux organes et de l’arrestation des deux journalistes, en leur refusant même l’assistance de leur avocat.

C’est qu’il s’agissait manifestement de la part des deux journalistes à travers l’interview de leur confrère fugitif, objet d’un mandat d’arrêt international émis par la justice sénégalaise, de subvertir l’action judiciaire en cours en manipulant l’opinion publique. Il apparait même à l’écoute de l’interview qu’il s’agissait de semer la discorde au sommet de l’Etat en impliquant nommément et publiquement le Chef d’Etat Major Général des forces armées et en portant des accusations insultantes contre le premier ministre Ousmane Sonko.

La liberté d’expression ne saurait en aucun cas couvrir de tels faits. Toutes les conventions internationales qui établissent la liberté d’expression, en indiquent en effet les limites. Le Pacte International relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) reprend le Paragraphe 3 de l’Article 19 de la déclaration des droits de l’homme pour déclarer que la liberté d’expression est soumise au respect de « la sécurité nationale », de « l’ordre public ainsi que des droits ou de la réputation d’autrui ». La Charte de Munich insiste sur le respect de la sécurité et de la moralité publique. La Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples aussi soumet la liberté d’expression à des considérations comme la sureté de l’état et l’ordre public.

En fait nos deux journalistes poursuivent avec nombre de leurs confrères la lutte contre le nouveau régime depuis que celui-ci a exigé des entreprises de presse le règlement de leurs impôts et taxes et dénoncé les conventions par lesquelles nombre d’entre elles recevaient de l’argent public en toute opacité. Il faut dire qu’ils étaient bien silencieux naguère, quand ils n’affichaient pas les couleurs << marron beige >>> ou ne proclamaient leur << amitié » à Macky Sall, quand on réprimait dans le sang les militants et sympathisants de PASTEF.

Pour autant, l’intervention de la gendarmerie dans les locaux de ces médias, l’arrestation hors procédure des deux journalistes et la coupure des signaux est condamnable car illégale. Ces actions s’inscrivent dans la continuité des agissements anti démocratiques en cours depuis longtemps au Sénégal et que le gouvernement de Macky Sall a porté à son paroxysme jusqu’à remplir les prisons du pays de milliers de simples manifestants et à faire tuer dans les rues des dizaines de jeunes gens.

C’est pour ne pas arriver à ces dérives que les Sénégalais qui ont combattu l’autocratie au péril de leurs vies à l’appel de PASTEF, doivent condamner avec énergie cette dernière survenance du mépris de l’état de droit.

Manifestement il est urgent de revoir et de réformer les institutions de la République comme les Assises Nationales puis la Commission Nationale de Réforme des Institutions (CNRI) l’ont recommandé, d’une manière totalisante et non parcellaire, dans l’esprit de l’animateur principal de ces deux initiatives, le Professeur Amadou Makhtar Mbow, désigné récemment héros de la nation par le président de la République.

Il convient en l’occurrence de réformer l’organe de régulation des médias, le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) pour lui donner les pouvoirs et compétences de réguler effectivement, en toute indépendance et autonomie, l’ensemble des médias, y compris la presse écrite, la presse en ligne et le numérique et de procéder aux attributions comme aux retraits de fréquences en faisant appel quand il le faut à l’autorité judiciaire.

Alymana Bathily

Dieyna SENE
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