Crise mondiale de l’éducation : cours de rattrapage de la baisse historique des niveaux scolaires (Banque Mondiale)

La fermeture prolongée des écoles durant la pandémie de COVID-19 a entraîné une baisse inédite du niveau scolaires des élèves dans les pays à revenu faible et intermédiaire. La bonne nouvelle, c’est que tout n’est pas perdu : nous savons comment remédier à la baisse des acquis scolaires dus à la pandémie

La bonne nouvelle, c’est que tout n’est pas perdu : nous savons comment remédier à la baisse des acquis scolaires dus à la pandémie. La mise en place d’un programme de relance des apprentissages adapté au contexte et constitué de stratégies fondées sur des données probantes peut permettre aux élèves de repartir sur de bons rails et retrouver leur trajectoire de progression d’avant la pandémie.

Le nouveau cadre d’action « Rapid » pour la relance et l’accélération des apprentissages définit les cinq interventions stratégiques d’un tel programme. Les deux premiers axes d’action (scolariser et maintenir chaque enfant à l’école et évaluer régulièrement les acquis scolaires) s’attachent à favoriser un rattrapage des apprentissages équitable (ce qui comprend notamment des efforts de suivi et de planification), tandis que les trois autres consistent en des stratégies visant à améliorer l’enseignement, l’apprentissage et le bien-être. La composition de chaque programme est souple : ce cadre a été conçu comme une palette de mesures que les pays peuvent sélectionner, combiner et adapter à leur contexte.

Toute la difficulté de cette relance réside dans son urgence, car la situation exige d’atteindre des objectifs d’apprentissage en moins de temps que pour les cohortes d’élèves pré-COVID. D’où la nécessité de se doter d’un cadre d’action accéléré qui permette de ramener d’urgence les enfants sur les bancs de l’école, d’évaluer leurs acquis et leurs lacunes et de favoriser des pratiques d’enseignement et d’apprentissage plus efficaces. Le cadre RAPID aide les pays à :

Vidéo | Le cadre d’action « RAPID » pour la relance et l’accélération des apprentissages (activer les sous-titres en français)

Scolariser et maintenir chaque enfant à l’école. La première et plus urgente mesure qui s’impose est d’assurer l’ouverture des établissements scolaires et le retour des enfants en classe. Avec la réouverture des écoles, il est crucial de faire le suivi des rescolarisations et de comprendre pourquoi certains élèves ne sont pas revenus à l’école.

Évaluer les acquis scolaires régulièrement. Afin de prévenir les pertes d’apprentissage et les risques de décrochage scolaire chez les élèves les plus vulnérables, il est important de disposer de mesures des acquis de référence qui aideront à prendre des décisions éclairées sur où et comment mobiliser des ressources à l’échelle du système éducatif. L’amélioration des données et des indicateurs sera à cet égard déterminante. Les efforts de collecte et d’utilisation des données ont été jusqu’ici fragmentés et sporadiques, en particulier dans les pays à revenu faible et intermédiaire, où les effets de la crise des apprentissages sont précisément les plus aigus.

Prioriser l’enseignement des notions fondamentales. Compte tenu de l’ampleur des heures d’instruction perdues, les efforts de rattrapage des apprentissages doivent se concentrer sur les lacunes essentielles et donner la priorité aux compétences et connaissances indispensables pour la suite de la scolarité. Ce qui nécessitera d’adapter les méthodes pédagogiques, en recourant notamment à un enseignement ciblé qui corresponde au niveau des élèves, et de veiller à ce que les programmes scolaires soient axés sur les compétences et les connaissances fondamentales que les enfants doivent acquérir dans chaque classe.

Accroître l’efficacité de l’enseignement, y compris par la remédiation. Afin de rattraper les apprentissages perdus, les systèmes scolaires devront appuyer des initiatives qui intensifient l’acquisition d’apprentissages en classe, ce qui passe notamment par une meilleure formation des enseignants et le recours à des stratégies centrées sur l’élève (programmes d’apprentissage autonome individualisé, de tutorat ou d’accompagnement, d’apprentissage accéléré et de remédiation pour les décrocheurs).

La technologie et l’innovation ont aussi un rôle à jouer dans la réalisation de ces objectifs. L’enseignement à distance et hybride est appelé à durer. En permettant aux enseignants d’avoir accès à la technologie et en les dotant des compétences nécessaires pour l’exploiter efficacement et ainsi améliorer la qualité de l’enseignement, les systèmes scolaires seront mieux parés contre les chocs futurs et les enseignants mieux à même de combler les lacunes des élèves.

 

Promouvoir la santé psychosociale et le bien-être. La pandémie a aggravé les risques auxquels sont déjà exposés les enfants et les jeunes vulnérables, à savoir les filles, les enfants atteints d’un handicap et ceux qui vivent dans des situations de conflit ou de déplacement prolongé. Répondre aux besoins des enfants et des jeunes en matière de santé mentale et psychosociale et favoriser leur bien-être est une fin en soi, mais c’est aussi un élément déterminant de la capacité à apprendre.

En mars 2022, un rapport conjoint de l’UNICEF, de l’UNESCO et de la Banque mondiale (a) a fait le point sur les mesures et les initiatives prises par les pays sur le front de la relance de l’éducation. Il en ressort que quelque 90 pays mettent en œuvre des programmes spécifiques destinés à atténuer les pertes d’apprentissage.

 

Stratégie de l’Afrique de l’Ouest et centrale pour la réduction de la pauvreté des apprentissages

Malgré de récents progrès, la région connaît une grave crise de l’éducation : 80 % des enfants âgés de 10 ans sont incapables de lire et de comprendre un texte simple, et plus de 32 millions d’enfants ne sont pas scolarisés, ce qui place l’Afrique de l’Ouest et centrale au dernier rang de toutes les régions du monde.

Et si toutes les filles et tous les garçons de la région pouvaient entrer à l’école, être dans de bonnes conditions pour apprendre, acquérir de véritables connaissances et disposer des compétences nécessaires pour entrer sur le marché du travail et devenir des citoyens productifs et épanouis ? Cette vision est au cœur de l’Appel à l’action d’Accra lancé par une quarantaine de ministres des Finances et de l’Éducation d’Afrique de l’Ouest et centrale lors d’une réunion ministérielle coorganisée par le vice-président du Ghana, Mahamadu Bawumia, à l’occasion de la présentation de la nouvelle stratégie régionale de la Banque mondiale pour l’éducation. La stratégie, publiée sous le titre De l’école à l’emploi : Un voyage pour les jeunes d’Afrique de l’Ouest et centrale, fixe des objectifs ambitieux pour obtenir des résultats à grande échelle à l’horizon 2030. Elle sera déployée par la Banque mondiale au niveau de chaque pays, tandis que l’institution s’attachera à mettre en œuvre les engagements d’Accra et à assurer leur suivi, en vue notamment d’accroître les financements pour le secteur de l’éducation et de se focaliser sur les objectifs de la stratégie, qui vise tout particulièrement à réduire la pauvreté des apprentissages.

Si elles sont bien mises en œuvre et soutenues sur la durée, les politiques décrites ci-dessus peuvent remédier aux pertes d’acquis, renforcer la lutte à long terme contre la pauvreté des apprentissages et être autant de leviers pour bâtir demain des systèmes scolaires de meilleure qualité dans le monde entier.

Se mobiliser pour juguler les effets de la pandémie

Les pays et la communauté internationale doivent faire preuve d’un engagement politique fort pour faire de l’apprentissage de tous les enfants une priorité. C’est une première étape cruciale pour combler le déficit d’apprentissages dû à la pandémie. Un engagement réel passe par des objectifs précis, des politiques et des ressources prioritaires, et des financements.

Et cela commence au niveau national. Pour permettre d’impulser une accélération générale et durable des apprentissages, ces interventions de court terme doivent être mises en œuvre à grande échelle et s’inscrire dans le cadre d’une stratégie nationale de réformes structurelles à plus long terme. La formation de « coalitions nationales » pour l’éducation doit étayer cet engagement de haut niveau. Si l’on veut permettre aux enfants et aux jeunes de rattraper leurs lacunes, il faut unir les forces de toutes les parties prenantes : éducateurs, familles et administrateurs dans l’ensemble du système.

Cet engagement national doit s’accompagner d’une mobilisation internationale. Celle-ci est à l’œuvre, avec une coalition d’organisations qui s’emploient actuellement à sensibiliser à ces enjeux, plaider en faveur d’objectifs ambitieux mais réalistes, apporter des connaissances et des données sur les mesures qui ont fait leurs preuves, et fournir un soutien financier. Cette coalition réunit le Groupe de la Banque mondiale, l’UNESCO, l’UNICEF, le bureau des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement du Royaume-Uni (FCDO), l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) et la Fondation Bill & Melinda Gates.

La Banque mondiale se tient aux côtés des pays pour les aider à accélérer la relance des apprentissages. Principale source de financement extérieur pour le secteur de l’éducation dans les pays en développement, elle consacre actuellement plus de 23 milliards de dollars à des projets visant à améliorer les apprentissages et à donner à chacun la possibilité de bénéficier de l’instruction dont il a besoin pour réussir. Le montant des financements de la Banque en faveur de l’éducation au cours des trois dernières années a doublé par rapport à son niveau des dix années précédentes. Ses projets bénéficient à plus de 432 millions d’élèves et 18 millions d’enseignants, soit un tiers de la population étudiante et près d’un quart de la communauté enseignante dans les pays clients.

Les pays du monde entier sont aujourd’hui invités à s’engager à agir en faveur des apprentissages fondamentaux, en ce qu’ils constituent un socle indispensable à l’acquisition d’autres apprentissages et savoirs et à la maîtrise de compétences plus complexes. En adhérant à ce mot d’ordre, aux côtés de la communauté mondiale de l’éducation et de l’ensemble des partenaires concernés, parmi lesquels notamment la société civile et les organisations de la jeunesse, ils s’engageront à prendre des mesures urgentes et décisives pour parvenir en 2030 à réduire de moitié la proportion des enfants dans le monde qui ne sont pas en mesure de lire et comprendre un texte simple à l’âge de 10 ans.

Grâce à la mise en œuvre urgente de ces politiques, il est possible de rattraper le temps perdu et d’accélérer les progrès tout en bâtissant des systèmes éducatifs plus efficaces, équitables et résilients. C’est une action essentielle pour booster au maximum les apprentissages d’ici à 2030 — et poursuivre les efforts au-delà de cette date butoir — et faire en sorte que tous les enfants et les jeunes aient la chance de se forger l’avenir auquel ils aspirent.

Momar Diack SECK
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